Intervention de André Ferrand

Réunion du 9 décembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Développement et régulation économiques

Photo de André FerrandAndré Ferrand :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est sur l'action « Développement international de l'économie française » que je voudrais centrer mon propos. En l'absence de Mme la ministre déléguée au commerce extérieur, je serai heureux, messieurs les ministres, de vous faire partager mes réflexions, car, nous le savons bien, votre action à tous deux, qu'il s'agisse des PME ou de notre production industrielle, est essentielle pour nos performances sur les marchés extérieurs.

De nombreux rapports, études et autres articles de presse relatent et analysent les résultats de notre commerce extérieur. Je me dispenserai donc d'un tel exercice.

Je n'ai pas non plus la prétention de proposer la recette miracle...

Je voudrais simplement vous faire part d'observations de terrain en soulignant ce qui, pour moi, est satisfaisant et en vous proposant quelques actions qui me paraissent devoir être privilégiées.

À ce sujet, la liste est longue des initiatives prises par Mme Christine Lagarde, et vous m'autoriserez à saluer ici la qualité et la détermination de son engagement personnel ainsi que l'heureuse et intense activité que votre collègue déploie en faveur de notre commerce extérieur.

Ainsi, qu'il s'agisse du plan « Cap Export », de la montée en puissance d'Ubifrance et de son rôle dans l'animation du réseau des missions économiques en matière d'appui aux entreprises - ayant l'honneur de représenter le Sénat au sein du conseil d'administration d'Ubifrance, j'ai plaisir à témoigner ici des grands progrès accomplis ainsi que de la pertinence de sa stratégie et de son action -, qu'il s'agisse également du centrage du réseau des missions économiques sur l'action commerciale et l'attractivité, du rapprochement de ce réseau avec l'AFII, ou qu'il s'agisse encore de la recherche de la performance et de l'évaluation, nous soutenons toutes ces initiatives et participerons autant que nous le pourrons à leur succès.

J'en viens maintenant aux quelques idées, d'ordre divers, que je voudrais vous faire partager.

Je commencerai par une remarque préliminaire sur les statistiques de notre commerce extérieur. Chacun sait que les chiffres concernant les exportations d'Airbus en troublent l'appréciation. Même s'il faut, bien sûr, nous réjouir de l'importance de la contribution de cette activité à nos résultats, ces données rendent difficile l'observation. Les statistiques apparaissent parfois erratiques, cachant souvent la réalité des performances des autres secteurs. Pourquoi ne pas systématiquement les distinguer et privilégier les résultats « sans Airbus » ?

Deuxième remarque, parce que, dans le contexte de la mondialisation, l'élaboration de la norme est devenue, dans tous les domaines, en particulier le domaine économique, un extraordinaire enjeu d'influence et de pouvoir, un « plan d'action sectoriel à l'exportation des métiers du droit » a été mis en place.

De leur côté, les conseillers du commerce extérieur de la France s'emploient à mobiliser tous les juristes de leur grand réseau, en France et dans toutes les parties du monde, et à les organiser pour qu'ils agissent en faveur du même objectif. Ils ont dénommé ainsi le groupe de travail qu'ils ont constitué : « Droit et influence internationale de la France ». Ils pensent à juste titre qu'il serait opportun que ces deux initiatives se rejoignent, et, si Mme la ministre déléguée au commerce extérieur en était d'accord, je lui serais reconnaissant de favoriser un tel rapprochement.

Troisième remarque, je suis conscient qu'il n'est pas toujours facile de déterminer les meilleurs critères permettant de bien apprécier les résultats, et je souscris à ceux qui sont aujourd'hui retenus par Ubifrance. Il me semble cependant souhaitable d'attirer l'attention des responsables sur les limites de ces critères et sur leurs éventuels effets négatifs dans certains cas. Il faut éviter les cas où nos missions économiques pourraient gêner, par leur concurrence, le développement d'opérateurs privés français. Le principe de subsidiarité devrait être la règle.

Mes autres réflexions portent sur la couverture du terrain par notre réseau à l'étranger, sur le maillage de ce que l'on a coutume d'appeler notre « dispositif d'appui au commerce extérieur » et sur l'utilisation opérationnelle qui en est faite.

Je suis souvent étonné que ce maillage comporte des faiblesses, voire des trous, y compris dans des zones potentiellement prometteuses. Je pense par exemple à l'Alberta, dans l'Ouest canadien. Et, si le souci du Gouvernement d'alléger les coûts est évidemment louable, a-t-on toujours conscience, sur le terrain, que le réseau de la DGTPE, celui des missions économiques, n'est pas le seul sur lequel on devrait pouvoir s'appuyer ? D'autres acteurs peuvent intervenir pour assurer la compensation et le complément.

Dans le domaine économique comme dans d'autres, à l'étranger aussi, l'État a besoin de regrouper toutes ses forces et de cultiver un partenariat avec celles du secteur privé.

La situation de nos échanges extérieurs est une grande cause nationale, et il faut mobiliser toutes nos forces pour leur promotion.

Ainsi, notre réseau consulaire, ses consuls généraux mais aussi honoraires, qui couvrent bien le terrain, devraient être mieux associés à l'élaboration de ce maillage. Il faut au moins, dans un premier temps, les sensibiliser, avant qu'ils soient réellement parties prenantes. C'est heureusement parfois le cas déjà, même en dehors des fameux postes mixtes « Quai d'Orsay-Bercy » dont on ne sait toujours pas si, gérés avec plus de conviction réciproque, ils auraient pu être un succès.

Je cite aussi avec bonheur le cas de ces directeurs d'alliances françaises qui, je l'ai vu, font parfois de leur mieux pour pallier les faiblesses du maillage. Allons voir, par exemple, à Bangalore !

Les chambres de commerce françaises à l'étranger représentent, quant à elles, un potentiel qui n'est pas, et de loin, suffisamment exploité. À condition de s'assurer que leur capacité et leur organisation soient partout adaptées, elles pourraient jouer un rôle beaucoup plus important.

Bien loin d'être des concurrentes de nos missions économiques, les chambres de commerce françaises à l'étranger doivent les compléter, se substituant aux missions économiques là où celles-ci ne sont pas présentes. Ainsi, les responsabilités géographiques et les rôles de chacun seraient précisés dans une organisation harmonieuse et synergique qui n'exclurait pas une saine émulation.

Ce devrait être, à mes yeux, un axe fondamental de notre politique de développement économique à l'international.

Une fois ce maillage complété et rendu opérationnel, ses acteurs se partageront les tâches, et - j'ai la faiblesse de beaucoup tenir à cette idée - au lieu, seulement, de constater leur absence en ne faisant que la regretter, « ils iront chercher les entreprises » dans les régions et les filières professionnelles. Pour ce faire, ils auront auparavant, ensemble, conduit une étude qui permettra de déterminer les cibles.

Connaît-on, en effet, tous les marchés géographiques et sectoriels dans lesquels nous ne sommes pas présents et où, pourtant, nous devrions jouer un rôle ? Car nous avons des champions nationaux, actuels ou potentiels, ou des niches de spécialités, en particulier dans nos pôles de compétitivité.

À propos de ces derniers, en juillet dernier, sur l'initiative des conseillers du commerce extérieur de Nice-Côte d'Azur, Mme la ministre déléguée au commerce extérieur et M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire, Christian Estrosi, notre hôte à Nice, ont coprésidé une journée de travail sur le thème : « Les pôles de compétitivité et l'international ». Un groupe de travail poursuit aujourd'hui ces travaux à partir, en particulier, de la conclusion suivante : « Il faut que l'international et les PME soient très présents dans les pôles de compétitivité qui, en fonction de leur spécificité, doivent multiplier les contacts directs avec les marchés et les partenaires étrangers ».

Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes le premier convaincu de la pertinence de telles initiatives comme de la nécessité de faire grossir nos entreprises moyennes et petites afin de les rendre capables d'« aller à l'international ». Je souhaite que vos « gazelles » croissent, se multiplient et prennent le goût des grands espaces.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion