Messieurs les ministres, une croissance zéro au troisième trimestre, un chômage qui ne baisse pas quoi qu'on en dise, un euro qui flambe, un déficit record de la balance commerciale, une production industrielle en recul, des délocalisations en cascade : voilà autant d'indicateurs de l'efficacité des politiques économiques engagées par votre gouvernement depuis plusieurs années !
C'est dans ce contexte économique inquiétant que nous examinons la mission « Développement et régulation économiques ». Les crédits de la mission, portés à 4 milliards d'euros, enregistrent encore cette année une diminution. Les effectifs, qui diminuent de près de 300 emplois, font également les frais de la rigueur budgétaire.
Face à l'importance des secteurs concernés par ce programme - l'industrie, l'énergie, les entreprises, les télécommunications, la prévention des risques technologiques, la sûreté nucléaire, le passif minier et j'en passe -, les crédits dégagés nous semblent largement insuffisants.
Ce budget s'inscrit encore une fois dans la droite ligne des choix politiques qui sont les vôtres : l'abandon d'une politique industrielle offensive, l'encouragement de la financiarisation de l'économie et l'ouverture totale à la concurrence des secteurs clés de notre économie.
À cet égard, la multiplication des mesures d'incitations fiscales est révélatrice du caractère non interventionniste de votre politique. Ainsi, l'essentiel de la politique en faveur des entreprises réside non pas dans les crédits budgétaires, mais dans les dépenses fiscales, qui représentent près de 10 milliards d'euros. Les plus importantes d'entre elles constituent une confiscation de la richesse créée par le travail au profit du capital et favorisent les grandes sociétés et les gros revenus.
Comme le faisait remarquer le rapporteur de la commission des finances à l'Assemblée nationale, M. Hervé Novelli, il serait intéressant d'étudier et d'évaluer l'impact de ces dépenses à l'avenir. Pour notre part, nous regrettons que cette préoccupation arrive un peu tard.
Des efforts sont faits en faveur des entreprises, mais ils sont, à notre avis, insuffisants et mal dirigés. Si l'on prend en considération, par exemple, l'écart qui existe entre les taux pratiqués par les banques à l'égard des plus petites entreprises - entre 6 % et 8 % - et ceux qui sont pratiqués à l'égard des grands groupes - seulement 2 % -, force est de constater que la question du crédit aux entreprises présente encore un certain nombre de difficultés.
Comment comptez-vous soutenir le renouvellement du tissu entrepreneurial français, favoriser le développement des entreprises, contribuer à leur pérennité et améliorer leur compétitivité, alors que les crédits de paiement de l'action n° 2 baissent de plus de 9 millions d'euros ?
Le tissu des PME, et particulièrement des très petites entreprises, les TPE, est un atout majeur pour notre pays. N'oublions pas que les PME emploient aujourd'hui près de 60 % de la population active. Il est important de préserver le précieux savoir-faire de ces entreprises et d'éviter qu'elles ne disparaissent au gré des appétits effrénés des multinationales.
Les crédits alloués à l'action n° 6 sont, quant à eux, divisés par trois par rapport à ceux de la loi de finances pour 2006. Les mesures en faveur des bassins d'emploi en difficulté seront sérieusement limitées. On assiste pourtant à une véritable dévitalisation de notre industrie.
L'industrie souffre de difficultés sectorielles. Les trois cas de restructuration des usines Well, Aubade et Dim, dans le textile, illustrent une crise beaucoup plus large qui touche de nombreux secteurs industriels. Alors même que ces usines étaient en bonne santé, et c'est là que le système marche sur la tête, elles sont l'objet de suppressions d'emplois massives et de délocalisation de production.
Ces entreprises rachetées par des fonds d'investissement cherchent à améliorer leur rentabilité afin de satisfaire les appétits des actionnaires. Depuis le début de l'année, le nombre d'acquisitions d'entreprises impliquant ces fonds s'est élevé à 2 461 pour un total de 542, 2 milliards de dollars, selon le fournisseur de statistiques Thomson Financial. Il s'agit, là aussi, d'un record. Les fonds sont à la tête de plus en plus d'argent. En 2005, ils ont levé plus de 260 milliards de dollars, moitié plus qu'en 2004.
Le secteur du textile défraie tristement la chronique, mais il n'est pas le seul à connaître des difficultés. Le recul dans l'automobile est très alarmant, étant donné son impact sur l'ensemble du tissu national. La sous-traitance des pièces se délocalise, il en serait de même des entreprises de montage. L'aéronautique connaît également de graves déboires. Et bien d'autres exemples pourraient, hélas, être donnés !
Vous en conveniez vous-même, monsieur le ministre délégué, l'industrie française souffre du manque d'investissement dans la recherche industrielle. Et pour cause : la recherche de profit à court terme n'est pas compatible avec cette démarche ! Selon une étude récente, l'insuffisance des investissements des entreprises industrielles risque d'entretenir le manque de compétitivité de l'économie française et la perte des marchés à l'export.
Vous avez affirmé l'importance des synergies entre les acteurs économiques. Pourtant, avec votre projet de privatisation de Gaz de France, vous avez tout mis en oeuvre pour mettre en concurrence les deux entreprises publiques françaises que sont GDF et EDF.
L'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie prônée par votre gouvernement a d'ailleurs déjà fait sentir ses effets négatifs sur les consommateurs non domestiques. Vous vous targuez de soutenir les entreprises et les industries, alors que nombre d'entre elles ont connu des difficultés dramatiques dans leur activité à cause de la hausse déraisonnable de leur facture énergétique !
L'action « Politique de l'énergie et des matières premières », dont les crédits de paiement pour 2007 sont en baisse, ne suffira pas à réparer les dégâts que ne manquera pas d'occasionner votre politique énergétique.
Quel poids aura une entreprise privée devant Gazprom ? Son vice-président déclarait, la semaine dernière, que l'ouverture des marchés lui permettrait non seulement d'acheminer son gaz jusqu'à la frontière française, mais aussi d'acquérir des capacités de transport jusqu'à la porte du consommateur. Dans ces conditions, quel intérêt aura la Russie à maintenir les contrats à long terme qui nous garantissait des prix d'achat raisonnables ?
Seul un pôle public de l'énergie est capable de garantir la continuité de l'approvisionnement en énergie. Renforcer l'indépendance énergétique de notre pays ne peut se réduire à l'inscription de crédits dans un bleu budgétaire, cela nécessite un réel engagement politique de l'État et des investissements à long terme dans le secteur énergétique. L'Agence internationale de l'énergie estime à 20 000 milliards de dollars les besoins d'investissements mondiaux d'ici à 2030 !
Abordons maintenant le programme « Contrôle et prévention des risques technologiques et développement industriel ».
La réduction d'impôt sur les sociétés liée aux dépenses engagées au titre de travaux effectués pour la prévention des risques technologiques représente la totalité des crédits alloués à l'action n° 1.
Rappelons que cette action vise à mette en oeuvre les missions d'inspection des installations classées. Le ministère ne peut cependant fournir d'évaluation pour le montant de cette dépense fiscale, et cela n'a rien d'étonnant, puisqu'elle repose sur le bon vouloir des entreprises, qui peuvent ou non décider de tels travaux ! Le manque de lisibilité des crédits accordés à cette action et le désengagement de l'État, qui fonctionne exclusivement à coup de dépenses fiscales, ne nous satisfont pas au regard de l'importance du contrôle des installations classées.
La catastrophe de l'usine AZF avait mis en évidence la très grande insuffisance des moyens de l'Inspection des installations classées pour mener à bien ses missions de contrôle et d'instructions. Le plan de renforcement des effectifs arrêté par le Premier ministre en 2003 ne sera pas respecté. Alors que ce plan prévoyait une croissance de 400 postes dès 2005 - cela a été dit ici même, dans cet hémicycle -, les promesses n'ont pas été honorées. Cette tendance se confirme aujourd'hui, tant dans la mission « Développement et régulation économiques » que dans la mission « Écologie et développement durable ».
Enfin, en ce qui concerne le programme « Régulation et sécurisation des échanges de biens et services », les crédits stagnent. Le programme couvre la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et la Direction générale des douanes et des droits indirects, ainsi que les trois autorités administratives indépendantes que sont le Conseil de la concurrence, la Commission de régulation de l'énergie et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Alors que la majorité gouvernementale se félicite que les services de l'État, les douanes et la DGCCRF poursuivent leurs efforts de réduction des effectifs et de rapprochement, nous aurions apprécié que des moyens budgétaires nouveaux soient dégagés pour embaucher de nouveaux fonctionnaires.
De plus, la position laxiste du Gouvernement au regard des pratiques commerciales abusives de la grande distribution lors de l'examen de la loi sur les PME est de nature à jeter le doute sur la réelle volonté gouvernementale de protéger les consommateurs.
Je n'ai malheureusement pas pu aborder l'ensemble des problèmes dans mon intervention, et croyez bien que je le regrette. Vous aurez cependant compris que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre le budget de la mission « Développement et régulation économiques », socialement injuste et économiquement inefficace.