Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je m'exprimerai maintenant à titre personnel, me faisant également la voix de notre collègue Daniel Reiner, qui, si cette discussion n'avait pas été reportée, aurait souhaité s'exprimer plus particulièrement sur les programmes 134 et 174 concernant respectivement la politique de l'énergie et des matières premières et la gestion de l'après-mines.
Je commencerai par une interrogation portant sur la politique de l'énergie et des matières premières. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, en quoi votre politique énergétique garantit la continuité de l'approvisionnement en énergie et matières premières, renforce l'indépendance énergétique du pays par la maîtrise de la consommation et le développement de la production nationale, répond à la demande à un coût supportable pour l'économie et assure le bon fonctionnement des marchés finaux ainsi que du service public de l'énergie.
Cette question peut vous paraître candide, mais elle découle du texte même du projet de loi de finances et des quatre priorités qu'il affiche en matière de politique de l'énergie. Or comment imaginer atteindre ces objectifs en privatisant l'opérateur historique GDF ?
Voilà un peu plus d'un mois, dans cet hémicycle, nous avons débattu durant trois semaines du projet de loi relatif au secteur de l'énergie, qui visait à privatiser GDF. Mes collègues du groupe socialiste et moi-même avons sans relâche tenté de vous persuader que ce projet était une hérésie : d'abord, l'énergie n'est pas un bien comme les autres ; ensuite, il nous paraît indispensable que l'État garde le contrôle des approvisionnements ; enfin, il est nécessaire que l'État puisse jouer un rôle en matière de régulation des tarifs de l'énergie afin que chacun puisse continuer d'y avoir accès, et ce quels que soient ses ressources ou son lieu de vie.
Nonobstant ces remarques de bon sens, comme le soulignait Daniel Reiner, vous vous êtes obstiné et vous avez, avec l'appui d'une courte majorité, remporté une victoire, mais une victoire à la Pyrrhus. Qu'en est-il, en effet, aujourd'hui ?
Si GDF et Suez ont effectivement obtenu l'accord de la Commission européenne pour fusionner, c'est au prix de nombreux « délestages » qui ont fini par vider cette fusion de l'intérêt qu'aurait pu présenter le fait d'adosser un gazier à un électricien. C'est aussi au prix du déni de l'ensemble des acteurs.
Cela a donc suscité la colère des syndicats de GDF, qui, conscients qu'il ne pourra se faire sans une énorme casse sociale, s'opposent depuis l'origine à ce projet. Cela a également provoqué la grogne des actionnaires de Suez, qui réclament une réévaluation de la parité en leur faveur, faute de quoi ils ne voteront pas la fusion.
De plus, à la suite d'une requête déposée par le comité européen d'entreprise, le tribunal de grande instance de Paris a décidé de reporter le conseil d'administration pour « manque d'informations » sur l'impact social du projet. Le patron de GDF, qui a d'ailleurs été épinglé à ce propos pour manque de transparence et de dialogue social, a bel et bien été lâché par votre gouvernement ! On pouvait lire dans Le Nouvel Observateur du 30 novembre : « Après avoir organisé de bout en bout ce mariage pour sauver Suez, porté le projet à bout de bras devant les parlementaires, s'être mêlé des moindres détails de la noce comme une belle-mère tyrannique, voilà le ministre de l'économie qui lâche en vol la mariée. »