Intervention de François Loos

Réunion du 9 décembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Développement et régulation économiques

François Loos, ministre délégué à l'industrie :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par remercier les sénateurs qui ont tenu à s'exprimer aujourd'hui - un samedi après-midi - marquant ainsi l'importance de l'industrie pour notre pays et pour son avenir économique, qu'il conditionne.

Je veux vous rendre attentifs à la part de l'industrie dans la valeur ajoutée de notre économie. En fait, cette part est stable depuis 1995, l'industrie représentant 16 % de la valeur ajoutée française, 80 % de la recherche et développement privée, 30 % des investissements.

Pour ce qui est des effectifs de l'industrie, certes, ils diminuent, mais lorsque l'on y agrège les effectifs propres à l'industrie, on s'aperçoit que, depuis dix ans, l'ensemble est passé de 5, 1 millions d'emplois à 5, 3 millions d'emplois, ce qui correspond à l'introduction d'une part plus importante d'immatériel dans notre économie, mais qui est réalisée par le secteur industriel.

Notre industrie évolue dans un contexte international caractérisé par la concurrence exacerbée des pays émergents, mais cette concurrence ne tient pas seulement aux bas coûts de main-d'oeuvre - l'Inde et la Chine forment tous les ans des centaines de milliers d'ingénieurs -, et se fait donc sur l'ensemble du registre, que ce soit sur les produits à haute valeur ajoutée ou les autres.

Cette concurrence est stimulante pour notre industrie puisqu'elle l'amène à faire sans cesse des progrès. On constate, en effet, qu'elle augmente ses dépenses de recherche et développement. Nous avons donc fait du développement des dépenses de recherche et développement privée et de l'innovation dans les entreprises un des axes de notre politique.

À ce titre, nous avons doublé les moyens d'OSEO-ANVAR cette année ; l'Agence de l'innovation industrielle soutiendra sept projets, correspondant à 1 milliard d'euros d'assiette de recherche dans les entreprises. Dans le même esprit, les dépenses liées aux jeunes entreprises innovantes augmentent de façon très importante, puisque 105 millions d'euros sont prévus. C'est bien évidemment le premier levier de croissance sur lequel nous devons agir, et j'y reviendrai encore longuement.

Le deuxième levier consiste, évidemment, à favoriser les synergies entre les acteurs économiques. C'est ce que nous faisons, par exemple, lorsque nous réalisons des pôles de compétitivité. Cette année, l'État et ses agences ont engagé 540 millions d'euros sur les 1, 5 milliard d'euros prévus sur trois ans. Cela a généré, avec un effet de levier de un à trois, 1, 8 milliard d'euros de dépenses dans les entreprises, et pas moins de 4 000 emplois sont concernés. Nous continuons en 2007 à doter les entreprises des moyens nécessaires, avec même des augmentations.

Le troisième levier de croissance consiste à aider nos PME à croître et à gagner en productivité.

Je ne reprendrai pas les propos de Renaud Dutreil, mais, dans ma sphère d'activité, j'agis également sur la question de la croissance des entreprises en organisant des actions collectives, par exemple, ou en permettant l'activité des centres techniques industriels, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir en détail tout à l'heure, lors de l'examen des amendements.

Outre ces moyens, strictement financiers, je dois citer les moyens qui sont réglementaires.

Dans ce domaine, la création de l'Agence de l'innovation industrielle est indissociable d'une réflexion d'ensemble sur les normes qui permettent la mise en oeuvre d'une innovation. Je prendrai l'exemple de la politique des biocarburants. Il faut à la fois assurer une rentabilité aux investissements en donnant des agréments, en décidant des abattements fiscaux pour les produits fabriqués, mais il faut aussi trouver les bonnes réglementations et savoir faire évoluer les normes nécessaires pour permettre à ces produits d'exister sur le marché dans les quantités que nous souhaitons.

La réglementation constitue donc en elle-même, au-delà de la question financière, un important levier sur lequel il faut agir.

Par ailleurs, la mise en oeuvre de la LOLF donne d'ores et déjà un certain nombre d'éléments d'information intéressants.

Bien sûr, il n'y a pas encore beaucoup de rapports annuels de performance, mais nous avons déjà des données sur certains objectifs.

S'agissant de l'usage des énergies renouvelables, par exemple, un indicateur nous renseigne sur l'évolution annuelle du nombre de pompes à chaleur, chauffe-eau solaires individuels et appareils à bois bénéficiant du crédit d'impôt ouvert : l'augmentation est de 40 % cette année, et nous sommes d'ores et déjà certains de ce chiffre.

S'agissant de la recherche dans le domaine de l'énergie, un autre indicateur lolfien montre que l'augmentation en 2006 sera de 48 %.

Ce ne sont bien sûr que des exemples, mais je tenais à les prendre devant vous pour vous montrer l'intérêt des outils de mesure que la LOLF nous offre et dont nous ferons une application systématique l'année prochaine.

La fongibilité des crédits m'a aussi permis cette année de répondre rapidement et de manière efficace à des situations nouvelles apparues au cours de l'année, notamment dans le domaine de l'après-mines. J'ai pu ainsi mettre en oeuvre le relogement de quatre-vingt-trois familles à Moutiers, petite ville de Lorraine victime d'un affaissement minier.

Concernant le programme « Régulation et sécurisation des échanges de biens et services », qui relève de la compétence de Jean-François Copé, je ne vous donnerai que quelques éléments puisque vous connaissez déjà les principaux enjeux.

Vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux enjeux de ce programme : garantir une concurrence saine entre les acteurs économiques et protéger les consommateurs en assurant un haut niveau de sécurité des produits.

Comme M. le rapporteur spécial l'avait demandé, ces enjeux sont aujourd'hui déclinés dans des contrats pluriannuels de performance, qui ont été conclus au printemps. Il s'agit d'outils de responsabilisation collective et individuelle, organisés autour de caps stratégiques clairs, d'engagements précis, mesurables, « auditables » et assortis d'un mécanisme d'intéressement collectif à la performance.

Pour ce qui est de la douane, les efforts de lutte contre les trafics frauduleux - stupéfiants, contrefaçons ou contrebande de tabac - seront poursuivis et amplifiés, grâce à un renforcement, en 2007, de la capacité opérationnelle des douaniers.

Nous engageons, par ailleurs, la réforme de la branche des opérations commerciales. Vous savez que ce projet est vital non seulement pour la douane, mais aussi pour la compétitivité de notre économie tout entière. Les opérateurs ayant aujourd'hui le libre choix, au sein de l'Union européenne, de leur lieu de dédouanement, la France perd des parts de marché dans ce domaine, puisque 17 % des importations nationales sont dédouanées hors de nos frontières.

Nous devons donc adapter notre offre de service, simplifier, dématérialiser les procédures douanières et renouveler nos méthodes de contrôle. C'est une réforme difficile et exigeante, puisque l'on veut non seulement renforcer nos efforts, mais aussi offrir un service de meilleure qualité.

S'agissant de la DGCCRF, priorité sera donnée en 2007 à la défense des intérêts des consommateurs, ainsi qu'au renforcement des partenariats, avec, notamment, la fusion des réseaux des laboratoires de la douane et de la DGCCRF.

Sur le plan budgétaire, ce programme est tout à fait vertueux puisqu'il présente un budget pour 2007 quasiment stable en valeur pour la douane et inférieur au rythme de l'inflation pour la DGCCRF, et ce grâce aux efforts consentis en matière de réduction des effectifs, laquelle a été rendue possible par les gains de productivité. J'ajoute que ce programme est très ambitieux puisque sont prévus de nouveaux équipements lourds pour la douane, à savoir des scanners, des hélicoptères et des patrouilleurs.

Je souhaiterais maintenant vous dire quelques mots, au nom de Christine Lagarde, sur l'action 7 « Développement international de l'économie française ». Il s'agit des crédits de personnel et de fonctionnement du réseau des missions économiques et des directions régionales du commerce extérieur, ainsi que des subventions à deux organismes, Ubifrance et l'Agence française pour les investissements internationaux, et du financement des contrats de plan État-régions.

L'objectif est simple : faire mieux.

Dans cette optique, il convient tout d'abord d'offrir à nos entreprises des outils publics simples, lisibles et efficaces, en assurant le redéploiement du réseau des missions économiques, car nous avons bien conscience des enjeux qui ont été évoqués tout à l'heure par M. Ferrand.

Il s'agit également d'effectuer des choix qui nous permettent de suivre l'évolution de l'économie mondiale dans laquelle ces missions économiques interviennent.

Il importe aussi de définir des priorités sectorielles et géographiques. C'est le sens du plan Cap export mis en oeuvre cette année par Mme Lagarde.

Il faut renforcer Ubifrance, qui assure le pilotage de l'activité d'appui aux entreprises, en rénovant et en dotant cette agence de nouveaux moyens. Pour mieux identifier les PME exportatrices, Ubifrance s'appuiera sur les directions régionales du commerce extérieur et sur les vingt-six partenariats noués avec les chambres de commerce et d'industrie.

Dans un autre domaine, avec 4 433 volontaires internationaux en entreprise, Ubifrance a dépassé, en 2006, ses objectifs. Je me souviens que le nombre de ces volontaires n'était, voilà trois ou quatre ans, que de 2 500 ! En outre, le taux de satisfaction des clients d'Ubifrance atteint 96, 5 %.

Dans le même temps, nous mobiliserons moins de moyens, grâce à une orientation géographique et sectorielle prioritaire.

Par ailleurs, le rapprochement d'Ubifrance et de l'AFII sera systématique au niveau des missions économiques.

S'agissant des crédits pour la campagne de communication « Image de France », ils seront réduits, pour atteindre 7 millions d'euros en 2007. Cette somme, suffisante pour mener une vraie campagne, permettra de répondre au souhait de la commission des finances d'une meilleure orientation des moyens.

Concernant le commerce extérieur, ce budget permet de pérenniser les efforts engagés.

Je souhaite maintenant vous apporter quelques précisions, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les points plus précis que vous avez évoqués.

Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé sur la place des DRIRE au sein de la mission. Selon vous, il aurait été plus logique que celles-ci soient rattachées à plusieurs programmes. En fait, cette année, nous avons appliqué la recommandation du 21 janvier 2004 de l'Assemblée nationale et du Sénat, selon laquelle les deux sources de financement de ces directions devaient figurer à l'intérieur d'un même programme.

Au total, nous avons l'impression qu'il s'agit d'une bonne formule. Nous nous sommes en effet rendu compte que le Parlement avait eu raison de nous inciter à adopter une telle solution. Ainsi, les crédits sont affectés au niveau national et la DRIRE n'a à gérer qu'une seule source de financement. Cette méthode nous semble la meilleure, mais l'expérience nous permettra de procéder aux adaptations nécessaires.

Vous avez également évoqué, monsieur le rapporteur spécial, les relations entre les DRIRE et les DDE, en proposant un transfert d'effectifs des DDE vers les DRIRE. Nous n'avons rien prévu dans ce domaine, mais je suis bien évidemment ouvert aux suggestions.

Concernant les crédits affectés à la CRE, vous avez estimé qu'ils pouvaient être augmentés. Or nous avons le sentiment qu'avec l'évolution législative dont la CRE a bénéficié les moyens dont elle dispose aujourd'hui sont suffisants

En effet, l'accroissement du nombre de commissaires a été pris en compte dans ce budget.

S'agissant de l'activité d'information des consommateurs, qui sera approfondie par la CRE en 2007, une enveloppe supplémentaire de 200 000 euros par rapport à 2006 et l'augmentation des crédits destinés aux frais d'études et d'audits externes, qui passent de 2 millions d'euros à 2, 4 millions d'euros en 2007, sont de nature à répondre aux missions confiées à la CRE.

Vous avez également évoqué le programme « Passifs financiers miniers », vous interrogeant sur sa place au sein de la mission « Développement et régulation économiques ».

En fait, la mission intègre dans le programme « Développement des entreprises » l'action « Politique de l'énergie et des matières premières ». Elle doit donc également intégrer les conséquences de cette politique. C'est la raison pour laquelle la présence de ce programme au sein de la mission me paraît fondée.

J'observe que le sujet de l'après-mines a été largement évoqué aujourd'hui. Sortir ce programme et le placer dans une mission différente le ferait dépendre de trois missions, ce qui rendrait probablement sa mise en oeuvre encore plus compliqué. Vous avez pu constater les avantages de la fongibilité dont ce programme a pu bénéficier en figurant dans cette mission.

Monsieur Cornu, je vous remercie d'avoir rappelé les bons résultats de La Poste non seulement sur le plan financier, mais aussi en termes de services rendus.

Les crédits « Presse » sont partagés entre le programme « Presse », géré par les services du Premier ministre, et le programme « Développement des entreprises », ce qui n'est pas optimal. Il en est d'ailleurs de même pour les crédits relatifs à la franchise postale.

Nous sommes ouverts à la révision de la maquette sur ce point, mais celle-ci devra être gérée dans un cadre interministériel, après cette première année de gestion conforme à la LOLF.

Vous avez également évoqué la situation de l'action « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information ». La localisation de cette action pourrait être modifiée, mais il est clair que celle-ci correspond par ailleurs au développement économique.

Vous avez fait allusion aux évolutions du cadre réglementaire de l'activité de la Poste.

Le décret relatif à l'aménagement du territoire a été publié le 12 octobre 2006. Il sera complété par deux décrets simples relatifs aux commissions départementales de présence territoriale et au fonds national postal de péréquation territoriale, qui sont en cours de signature et ont déjà fait l'objet des consultations obligatoires.

Pour ce qui est du décret concernant le service universel postal, je l'ai signé ; il doit maintenant être soumis au Premier le ministre.

Le décret fixant les caractéristiques des envois recommandés administratifs et judiciaires est en cours d'examen par le Conseil d'État.

Le projet de décret en Conseil d'État relatif à l'accès aux boîtes aux lettres particulières fait actuellement l'objet d'une consultation publique sur le site du ministère de l'industrie.

Le cadre réglementaire mis en place par le Gouvernement permettra à l'ensemble des acteurs du secteur postal de se préparer, dans des conditions d'équité concurrentielle garanties par le régulateur, aux prochaines échéances, notamment au niveau européen ; je pense en particulier au projet de directive postale.

Monsieur Courteau, s'agissant du déficit commercial, les exportations françaises affichent une hausse globale de 10 % par rapport à l'année dernière.

En 2006, nos exportations vers les grands pays émergents, pays identifiés comme prioritaires, ont augmenté de façon substantielle : 39 % en Chine, 36 % en Russie et 31 % en Inde. Si je ne me souviens pas exactement des résultats des années précédentes, je peux vous dire que ce rythme d'augmentation est l'une des caractéristiques de nos exportations vers les grands pays émergents.

Cela dit, il est certain que l'effort ne doit pas être relâché. Je l'ai expliqué tout à l'heure, il faut à la fois des procédures simples et des dotations suffisantes pour les priorités ; c'est ce que nous faisons.

Il reste que la plupart des PME françaises n'ont pas la taille moyenne des PME allemandes. Nous devons donc tous oeuvrer pour leur donner la capacité de se regrouper et de jouer collectif à l'export, de naviguer en escadre, comme l'on dit aujourd'hui. Une aide pour chaque « groupement export » et un crédit d'impôt prospection commerciale ont été mis en place par Christine Lagarde à cette fin. S'ajoute à cela le dispositif de l'assurance prospection.

Monsieur Ferrand, je vous remercie de vos encouragements. Vous avez constaté qu'il fallait jouer collectif à l'export, que ce soit en meute ou en escadre. C'est effectivement ce que nous faisons.

J'ai bien pris note de l'intérêt des postes mixtes pour une meilleure couverture. Vous avez cité les exemples de l'Alberta ou de Bangalore. Je vais rendre Christine Lagarde attentive à ces situations.

Un travail très important se fait avec les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger. À ce jour, soixante-dix conventions ont été signées localement entre les missions économiques et ces CCIFE.

L'identification des marchés porteurs et une meilleure connaissance de l'offre française sont indispensables. À cet égard, je retiens votre proposition de mieux nous appuyer sur l'expérience très riche et variée des conseillers du commerce extérieur de la France, à l'image des groupes de travail qu'ils ont formés sur « les pôles de compétitivité à l'international » ou « le droit et l'influence international de la France ». Ces sujets, même s'ils se situent en amont de l'action exportatrice, sont très importants, car ce sont des sujets-clés pour l'avenir et la force de nos entreprises sur les marchés étrangers.

Enfin, sur la possibilité ou non de présenter des statistiques du commerce extérieur sans Airbus, ce serait dommage de ne pas en tirer profit, car nous avons une vraie spécialisation industrielle en France dans l'aéronautique et c'est une force. Dans tous les cas, les statistiques annuelles de notre commerce extérieur seront assez détaillées pour nous permettre d'identifier la part de l'aéronautique dans nos exportations.

Monsieur Coquelle, selon vous, la production industrielle française est en recul. Ce n'est pas vrai, elle a augmenté de 2 % au premier semestre. L'investissement industriel s'est accru de 4 %. L'exportation industrielle est en hausse de 7 % au premier semestre.

Les crédits destinés à la politique industrielle sont, selon vous, en diminution. Ce n'est pas vrai non plus. Une partie de ces crédits figure dans la mission que nous examinons aujourd'hui, mais il faut y ajouter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, dont disposent l'Agence nationale de la recherche et les pôles de compétitivité. Au total, l'augmentation est de 36, 3 millions d'euros pour la politique industrielle, les crédits passant de 2, 493 milliards d'euros à 2, 529 milliards d'euros, soit une augmentation d'environ 1, 4 %. S'agissant plus particulièrement des pôles de compétitivité, on passe de 524 millions d'euros à 580 millions d'euros, c'est-à-dire une augmentation de 10 % entre 2006 et 2007.

J'ai bien noté, monsieur Coquelle, que vous souhaitiez un investissement important dans le domaine énergétique. Nous sommes d'accord...

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