Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 14 novembre 2006 à 10h00
Questions orales — Discriminations concernant les femmes portant le foulard islamique

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Monsieur le ministre, je ne souhaite pas ici m'appesantir sur l'accroissement du nombre des agressions et des discriminations exercées à l'encontre des femmes portant un foulard, foulard qualifié d' « islamique », mais je veux attirer votre attention sur les discriminations exercées à l'encontre de ces femmes par des personnes titulaires de l'autorité publique.

Je vous rappelle que la loi du 15 mars 2004 détermine un régime légal, détaillé par la circulaire Fillon du 18 mai 2004, et que son champ d'application est supposé ne concerner que les élèves dans les écoles, collèges et lycées.

Or, des fonctionnaires et des élus multiplient les discriminations, en alléguant la loi sur les signes religieux et en l'appliquant partout, en dehors et au sein de l'éducation nationale.

Des officiers d'état civil refusent ainsi de célébrer un mariage au motif que l'un des témoins, ou la future mariée, porte un voile sur la tête tout en laissant apparaître son visage. Il me semblait pourtant que le voile de la mariée était une tradition en France !

À cela s'ajoutent les agents préfectoraux qui refusent d'octroyer ou de renouveler un titre de séjour à des femmes portant le foulard au motif de cette loi sur les signes religieux, et donc d'une non-intégration aux principes républicains. Cela a été le cas à la préfecture de Seine-Saint-Denis.

Ces discriminations exercées par des agents de l'État sont corroborées par les actes de certains maires. Ainsi, le député-maire d'Argenteuil a récemment interdit à une femme, qui portait un foulard, de participer à la cérémonie d'acquisition de la nationalité française. Il est allé jusqu'à alléguer à l'appui de cette fin de non-recevoir le principe de laïcité, qui nécessiterait de s'européaniser et de ressembler à tout le monde.

Je vous suggère de lire la lettre qu'il a envoyée à cette femme en lui opposant des motifs tout à fait illégaux. Savez-vous que la victime de cette discrimination a dû attendre près d'un an entre sa convocation à la délivrance de son décret de naturalisation et sa remise effective ?

Les membres de l'éducation nationale ne sont pas en reste en ce qui concerne la violation du principe d'égalité des usagers devant le service public. Il se développe des pratiques exorbitantes du droit commun qui sont tout à fait illégales.

Ainsi, dans de nombreuses villes, des mères portant un foulard sont exclues des activités périscolaires ou extrascolaires organisées par les établissements où sont scolarisés leurs enfants. Cette exclusion porte à la fois sur la participation à des ateliers, sur la présence aux réunions de parents d'élèves, sur la possibilité de se présenter aux élections du conseil d'école et sur le refus d'accès à l'établissement scolaire ou même aux salles de classes pour récupérer leur enfant à la fin de la journée.

Que ce soit à Aubervilliers, Bobigny, Pantin, Thiais ou ailleurs en France - je pourrais citer plusieurs autres villes -, les exclusions se multiplient. C'est ainsi que plusieurs mères de jeunes enfants, onze à Montreuil et sept à Ivry, ont été exclues des activités ou du conseil de parents d'élèves, qui sont pourtant pour elles, du fait de leur situation sociale, l'une des rares possibilités d'accéder à des activités culturelles avec leurs enfants.

Comme je l'ai dit, la loi du 15 mars 2004 ne concerne pas les parents. Les dispositions de la circulaire Fillon sont explicites. D'ailleurs, le ministre de l'éducation nationale a déclaré publiquement le 9 novembre 2004 que la loi sur les signes religieux à l'école ne devait pas s'appliquer aux « adultes ne faisant pas partie de la communauté éducative », tels que les parents d'élèves et les aumôniers.

Le Premier ministre a insisté pour que cette loi soit respectée. M. Fillon a demandé « qu'on n'aille pas au-delà de la loi et que dans les établissements on ne cherche pas à faire appliquer la loi à des gens à qui elle ne s'applique pas ».

Or, on nous répond que les parents ont le statut de collaborateurs occasionnels du service public dès lors qu'ils participent au service public en accompagnant les classes scolaires. Cet argument est injustement invoqué !

Sur ce point, la loi et la jurisprudence sont claires. Cette assimilation avait pour objet de conférer un avantage : permettre en l'occurrence à un parent accompagnateur d'une sortie scolaire de réclamer à l'État une indemnisation de son préjudice en cas d'accident survenu dans l'exercice de ses fonctions d'accompagnateur scolaire. En aucun cas, cette assimilation ne doit avoir pour objet d'exclure ou de trier de façon sélective les parents d'élèves.

Monsieur le ministre, alors que le Gouvernement s'était engagé à ce que cette loi ne soit pas une loi contre l'islam et les musulmans, et au moment où nous vivons dans notre pays des moments d'une extrême gravité en matière de libertés et de droits fondamentaux, illustrés par le fait que des bagagistes perdent leur accréditation, et donc leur travail, du simple fait de leur pratique religieuse, je vous demande de faire preuve de courage et de fermeté pour faire respecter les engagements pris par votre Gouvernement.

Je vous remercie d'apporter les clarifications réglementaires nécessaires afin que cessent de la part de représentants de l'État des pratiques qui sont indignes de notre démocratie et de notre République.

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