Madame la sénatrice, vous vous préoccupez d'actes de discrimination dont seraient victimes, de la part d'agents de l'État, d'officiers d'état civil ou d'élus, des femmes porteuses du voile.
La loi du 15 mars 2004 interdit le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. C'est son seul objet.
Toutefois, vous évoquez trois situations précises : les cérémonies de mariage, les remises de décrets de naturalisation, la situation des mères d'enfants scolarisés.
Lors des cérémonies de remise du décret de naturalisation, le préfet peut être confronté au respect de deux principes garantis, l'un comme l'autre, par la Constitution, mais dont l'application peut entraîner des situations conflictuelles : d'une part, le principe de laïcité, d'autre part, la liberté de conscience, notamment la liberté de croire ou de ne pas croire qui peut se manifester par des signes extérieurs évoquant l'appartenance religieuse.
La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, a eu d'ailleurs à prendre position sur le cas d'une personne qui, ayant refusé d'ôter son voile, s'était vu interdire l'accès à une cérémonie de remise de décrets de naturalisation. Elle a rappelé à cette occasion que le principe de neutralité s'imposait aux seuls agents du service public et non aux usagers, hormis les cas prévus par la loi de mars 2004.
Dès lors, le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, a donné instruction aux préfets de ne pas fonder le refus de participation à une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française au seul motif du port d'un voile, ou de tout autre signe religieux, qui ne suffit pas à caractériser un défaut d'assimilation à la communauté française. Les instructions données par le ministre de l'intérieur vont donc dans votre sens.
Toutefois, cette position n'entame en rien la double obligation qui s'impose aux préfets consistant, d'une part, à s'assurer de l'identité des participants, et, d'autre part, à veiller au respect du bon ordre lors du déroulement de la cérémonie. Il peut donc être demandé à la personne voilée de retirer très momentanément son voile le temps du contrôle de l'identité. En vertu de son pouvoir d'appréciation, le préfet peut aussi prendre des mesures appropriées en cas de menaces de trouble à l'ordre public pouvant être causées par le port du voile.
Les instructions de ministre de l'intérieur sont très claires. Lors d'une cérémonie, le voile ne doit être en aucun cas un élément discriminatoire. Nous devons respecter le souhait de chacun de pouvoir témoigner de son appartenance religieuse, mais il est nécessaire de disposer des moyens de vérifier l'identité.
S'agissant des cérémonies de mariage, je tiens à rappeler que celles-ci obéissent à des règles de forme et de publicité prévues par le code civil à peine de nullité. Ainsi, l'officier d'état civil, mais aussi les témoins et le public doivent être en mesure de s'assurer de l'identité des époux pour pouvoir, le cas échéant, former opposition au mariage. En conséquence, le port du voile par la future épouse ne permettant pas d'identifier celle-ci avec certitude lors de l'échange des consentements n'est pas compatible avec les règles du code civil.
Pour ce qui concerne la délivrance de titres de séjour, le seul fait de porter le voile ne peut constituer un motif de refus suffisant. En principe, les motifs tirés de la religion ou de l'environnement culturel du demandeur ne sont pas considérés, par le Conseil d'État, comme un défaut d'assimilation.
Quant aux règles susceptibles de s'appliquer à la situation des mères d'enfants scolarisées, elles relèvent de la compétence du ministre de l'éducation nationale, qu'il s'agisse de mères voilées qui souhaitent accompagner les enfants dans le cadre d'activités périscolaires ou de mères également voilées qui viennent chercher leurs enfants à la sortie des classes.
Il semble que le parent encadrant une activité périscolaire, placé sous la responsabilité de l'enseignant en charge de la classe, est assimilé à un collaborateur occasionnel du service public, ce qui l'oblige au respect du principe de neutralité que doit observer tout agent public dans le cadre de ses fonctions.
La circulaire du 18 mai 2004, prise en application de la loi du 15 mars 2004, indique que la loi ne modifie pas les règles applicables aux agents du service public. Elle mentionne expressément que « les agents contribuant au service public de l'éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un strict devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d'appartenance religieuse [...] ».