Monsieur le ministre, en avril 2006, le conseil général de Seine-et-Marne décidait, par voie de délibération, d'organiser un festival départemental à caractère culturel et d'en confier la direction artistique aux deux scènes nationales du département, à savoir la Coupole à Sénart et la Ferme du buisson à Marne-la-Vallée.
Quatre mois plus tard, après un certain temps de réflexion, le préfet de Seine-et-Marne décidait de saisir le tribunal administratif pour non-respect du code des marchés publics. Il estimait, en effet, que l'organisation d'une telle manifestation devait s'analyser comme un marché de prestation de service. Cette décision a, bien évidemment, suscité une grande émotion dans le département.
Les deux scènes nationales concernées remplissent depuis de nombreuses années, et avec succès, des missions de service public et d'aménagement culturel du territoire de Seine-et-Marne. Celles-ci sont réalisées dans un cadre contractuel et partenarial, celui de la convention d'objectifs de développement culturel, de création artistique et d'insertion sociale de ces actions sur ces territoires, qui a été signée entre les associations, les collectivités territoriales et l'État.
Les deux scènes nationales apparaissent bien comme les partenaires naturels du conseil général pour l'organisation d'un festival départemental d'art et de culture. Il ne s'agit donc pas d'une simple « prestation de service ».
Dans ce cadre, l'article 30 du code des marchés publics dispose, d'ailleurs, que la personne responsable du marché peut décider qu'une mise en concurrence du fait des caractéristiques du marché est inutile, voire impossible.
En outre, le décret n° 2005-1008, publié au Journal officiel le 25 août 2005, mentionne l'hypothèse, à l'alinéa 3 de l'article 30 du code des marchés publics, où les caractéristiques du marché permettraient de déroger à cette règle. Cette éventualité fait, notamment, référence aux marchés qui ne peuvent être confiés qu'à un prestataire déterminé pour des raisons notamment « artistiques ».
Il s'agit donc bien d'une lecture particulière du code des marchés publics, qui risque d'avoir des conséquences graves : d'une part, supprimer des emplois, ce festival prévoyant l'intervention de plusieurs centaines d'intermittents du spectacle sur tout le territoire de la Seine-et-Marne ainsi que sur l'organisation d'un chantier d'insertion, et, d'autre part, soumettre à la concurrence l'ensemble des missions de service public des associations et établissements publics culturels, mais également « les spectacles musicaux, de danse, de théâtre, de représentation artistique, de cirque, des artistes amateurs ou professionnels ».
Monsieur le ministre, n'êtes-vous pas inquiet de la jurisprudence qui pourrait résulter de l'initiative du préfet de Seine-et-Marne au regard de ses implications sur l'avenir des scènes nationales et des missions de service public qui leur sont confiées ?
Je serais également particulièrement intéressé de savoir si vous jugez cette position conforme à la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. En effet, en l'adoptant, le 20 octobre 2005, la France a fait sienne, avec cent quarante-sept autres pays, une définition de la culture qui la reconnaît comme étant un bien de l'humanité.
C'est à l'opposé des conceptions exprimées par l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, où par l'accord général sur le commerce des services, l'AGCS, qui font de la culture un produit marchand, ce qui entre en contradiction, bien sûr, avec l'application du code des marchés publics pour les actions culturelles et artistiques.