Intervention de Renaud Donnedieu de Vabres

Réunion du 22 novembre 2006 à 15h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Article 10, amendement 39

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre :

Monsieur le rapporteur pour avis, je comprends les motivations qui sous-tendent l'amendement n° 39 rectifié : il s'agit de permettre aux Français d'accéder, dans les offres mobiles, à toutes les chaînes qu'ils reçoivent aujourd'hui. Je m'adresse à toutes celles et à tous ceux qui se trouvent dans les tribunes : mesdames, messieurs, il est difficile de connaître précisément vos souhaits en matière de télévision mobile personnelle.

Nous devons envisager toutes les hypothèses. Il s'agit ainsi de se prémunir contre d'éventuels abus de position dominante ou d'entente. Le Conseil de la concurrence a montré avec éclat, au cours de ces derniers mois, les risques très lourds encourus par les entreprises qui se livreraient à ce type de pratique.

Je partage les réticences exprimées par M. de Broissia, au nom de la commission des affaires culturelles. Si tout le monde doit faire droit à toutes les demandes, toutes les offres des distributeurs de télévision mobile seront strictement identiques. Quel est l'intérêt de proposer plusieurs fois la même offre aux téléspectateurs ? Ce serait aller à l'opposé de l'évolution mise en oeuvre par les majorités successives qui ont libéralisé le marché des télécommunications depuis 1990, au plus grand bénéfice des consommateurs français.

Dans le domaine de l'UMTS, aujourd'hui, les trois opérateurs de téléphonie mobile proposent chacun une offre de services différente. Pour le câble, le satellite, l'ADSL, la situation est la même. Il est clair que nous devons garantir - point important - la reprise des chaînes de service public, compte tenu des missions particulières assignées au service public audiovisuel, à vocation j'allais dire universelle.

Pour le reste, il me semble naturel que la concurrence et la liberté contractuelle puissent prévaloir, c'est-à-dire que l'offre d'un distributeur puisse être différente de celle des autres et que le téléspectateur puisse choisir l'offre de services qui le satisfait.

Lors de la large consultation publique que nous avons menée pour élaborer ce projet de loi, l'immense majorité des acteurs s'est d'ailleurs prononcée en faveur d'un régime de liberté et de concurrence. Votre proposition, monsieur le rapporteur, constitue, d'une certaine manière, une atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre. Il faudrait s'assurer qu'un motif d'intérêt général la justifie pleinement, sauf à courir un risque juridique majeur au regard tant du droit européen que de la Constitution. Ce risque serait sensiblement réduit si vous limitiez le champ d'application de ce texte aux chaînes gratuites accessibles à tous les Français.

Je note d'ailleurs, dans la présentation de votre amendement, que vous mettez en avant ces chaînes et que vous souhaitez qu'elles soient accessibles sur toutes les offres de télévision mobile.

Sur ce point, l'amendement n° 61 rectifié permet de lever plusieurs des obstacles juridiques que je viens de souligner, mais sa rédaction n'est pas assez précise. Par conséquent, le Gouvernement ne peut y être favorable.

S'agissant des chaînes payantes, les engagements très précis souscrits par le groupe Canal+ TPS pour obtenir l'approbation par le Gouvernement de sa fusion offrent une garantie supplémentaire. Le Conseil de la concurrence veillera également à ce que ce nouveau groupe, issu de la fusion, n'abuse pas de sa position dominante. Vous savez très bien que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et moi-même avons été amenés à imposer un certain nombre de contraintes à cette fusion.

Monsieur Karoutchi, dans le sous-amendement n° 119 rectifié bis, vous proposez de restreindre cette obligation de reprise aux seules demandes faites par les éditeurs de services aux distributeurs commerciaux. Je ne pense pas que cela suffise à répondre à l'ensemble des objections et je partage l'avis défavorable émis par les deux commissions.

S'agissant de l'amendement n° 39 rectifié, dont le champ d'application est limité aux chaînes de la télévision numérique personnelle qui sont également diffusées gratuitement par la télévision numérique terrestre, mon inclinaison spontanée serait plutôt de laisser prévaloir la concurrence et la liberté contractuelle, c'est-à-dire que l'offre d'un distributeur puisse être différente de celle des autres et que le téléspectateur puisse choisir l'offre de services qui le satisfait. Cet amendement rectifié permet de lever plusieurs obstacles juridiques que comportait l'amendement n° 39 et ne pose pas les mêmes problèmes rédactionnels que l'amendement n° 61 rectifié. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

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