Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 22 novembre 2006 à 15h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Vote sur l'ensemble

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'une discussion qui, si elle n'a pas fait progresser le texte autant que nous le souhaitions, a néanmoins permis d'obtenir des aménagements qui nous semblent justes et utiles. Je note d'ailleurs, sur un certain nombre de points, une réelle convergence de vue entre le groupe socialiste et la commission des affaires culturelles, ce qui nous a conduits à soutenir plusieurs de ses amendements.

Toutefois, nous continuons à émettre une réserve de fond sur ce texte, qui, selon nous, ne sert pas suffisamment les objectifs de pluralisme, de diversité culturelle et de diversification des acteurs du futur paysage audiovisuel.

Je commencerai par évoquer les facteurs de satisfaction.

Le travail des différents rapporteurs a permis d'apporter quelques modifications rédactionnelles qui ont le mérite d'éclairer le dispositif. Avec le Gouvernement, nous avons partagé le souci d'assurer aux chaînes de la TNT une numérotation non discriminatoire sur l'ensemble des réseaux. Le Sénat a prévu une meilleure couverture territoriale de la TNT et a garanti aux téléspectateurs, notamment les plus défavorisés, l'accès à un équipement de meilleure qualité en vue de la réception de la télévision du futur.

Surtout, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous avons exprimé de façon quasi unanime la volonté d'augmenter les obligations de production et de diffusion, notamment pour les opérateurs historiques de l'analogique, et de poser de réelles exigences en termes de contenus, concernant ce type d'obligations, par la redéfinition, à laquelle nous avons souscrit, de la notion d'oeuvre audiovisuelle.

Cependant, sous couvert d'ajustements techniques et juridiques de la loi de 1986, pour les besoins du basculement vers le « tout-numérique » et de l'arrivée des nouvelles formes de télévision - TVHD et TMP -, le projet de loi conforte, une nouvelle fois, la position dominante des quelques grands groupes qui se partagent depuis vingt ans le spectre hertzien en mode analogique.

Au terme de ce débat, les cadeaux à destination des trois opérateurs historiques sont véritablement impressionnants : nouvelle « chaîne bonus » en contrepartie d'un pseudo-préjudice, au mieux artificiellement créé ; prorogation d'autorisations sous conditions anecdotiques ; droit de tirage prioritaire pour la télévision, la Haute Assemblée ayant néanmoins eu l'heureuse inspiration de supprimer celui qui était prévu pour la télévision mobile personnelle ; possibilité de cumul des sept autorisations relatives à la TNT prévues par le texte avec la détention d'un cinquième du marché de la télévision mobile personnelle.

À tous ces cadeaux initialement annoncés, il faut désormais ajouter la possibilité, introduite sur proposition de la commission des affaires culturelles, de retransmettre intégralement et en direct, sur n'importe quel support, des émissions diffusant des événements majeurs, le plus souvent sportifs, dont les droits ont été acquis par d'autres opérateurs.

Je ne reviendrai pas plus longtemps sur toutes ces dispositions dont nous avons déjà amplement débattu. Simplement, je continue de penser qu'elles constituent une entrave au pluralisme et à la diversité de l'offre et qu'elles accentuent la concentration dans le secteur audiovisuel.

Bien plus, les cadeaux octroyés aux opérateurs déjà dominants ne répondent à aucun des impératifs de service universel et de neutralité des supports qui, depuis la transcription en droit interne par la loi de 2004 des directives communément désignées sous le nom de « paquet télécoms », doivent guider le législateur dans ses choix, et ce dans l'intérêt des téléspectateurs.

Il est tout de même pour le moins inquiétant de s'apercevoir que les quelques groupes qui ont bénéficié pour se développer d'une ressource publique rare et gratuite, à savoir le hertzien de terre, peuvent penser que leur position est un droit acquis de manière irréversible.

Je déplore donc que les propositions du groupe socialiste qui tendaient à introduire davantage de diversité dans les offres et à donner une réelle chance aux acteurs du paysage audiovisuel peu ou prou présents dans la diffusion par voie hertzienne n'aient pas reçu un accueil plus favorable du Sénat.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré l'esprit de courtoisie et de dialogue constructif qui a prévalu, et tout en reconnaissant l'apport indéniable des chaînes historiques ainsi que l'encouragement qui leur est prodigué de redoubler d'efforts pour la qualité des programmes grâce à la diffusion de véritables oeuvres audiovisuelles originales, vous comprendrez que le groupe socialiste, attaché au pluralisme, vote contre ce projet.

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