Monsieur le ministre, j'ai souhaité interroger le Gouvernement sur la catastrophique explosion des importations de textiles chinois résultant de la suppression des quotas le 1er janvier 2005. De tels volumes d'importations représentent une menace mortelle pour les emplois des secteurs de l'habillement et du textile de toute la France et de l'Union européenne.
En France, où les importations chinoises connaissent une progression de 47 %, l'industrie textile perd en moyenne 2 000 emplois par mois. Les effets de la libéralisation des échanges avec la Chine sont particulièrement dramatiques pour des régions telles que le Nord-Pas-de-Calais, où cette industrie emploie encore plusieurs milliers de salariés.
La levée des quotas d'importations chinoises touche, de façon inégale, toutes les branches du secteur textile, mais affecte surtout le secteur de l'habillement, déjà laminé dans les années passées. Aujourd'hui, il ne reste qu'une seule grande entreprise, basée à Poix-du-Nord, et quelques centaines de moyennes et très petites entreprises sous-traitantes la plupart du temps.
A l'impact de ces importations massives s'ajoutent les effets de la parité entre l'euro et le dollar, qui a fortement pénalisé les exportations, ainsi que ceux de la concurrence de pays comme l'Inde, le Sri Lanka ou l'Indonésie.
En outre, nombre d'entreprises de linge de maison ont déjà subi les conséquences de la libéralisation totale des échanges avec le Pakistan. Dans cette branche, les fermetures de filatures, d'entreprises de tissages et de confection se multiplient. Aucune entreprise n'est épargnée.
L'emprise de la Chine sur l'industrie textile se manifeste aussi indirectement par la reprise de capitaux étrangers investis dans nos entreprises. Ainsi, sur décision des actionnaires chinois, la dentelle de Calais a recentré son activité sur le prototypage, la production étant envoyée en Asie.
Sur ce point, il faut souligner que la Chine elle-même, ayant trouvé une main-d'oeuvre encore moins chère ailleurs, est déjà en train d'externaliser une partie de ses entreprises du textile dans d'autres pays d'Asie et d'Afrique, contournant ainsi les divers accords commerciaux.
A cette situation dramatique vient s'ajouter l'attitude de la grande distribution, qui avait anticipé la levée des quotas pour passer ses commandes en Chine dès le second semestre de l'année 2004. Ces commandes étant déjà payées, les distributeurs ont fait pression sur Bruxelles pour que les millions d'articles bloqués dans les ports puissent être mis sur le marché. Ainsi, les quotas d'importations textiles chinoises pour 2005 ont été très largement dépassés, seule la moitié de ces articles étant retranchée des quotas prévus pour 2006.
Je signale au passage que, si l'extrême libéralisation des échanges avec la Chine a permis aux enseignes d'habillement d'obtenir une baisse spectaculaire de leurs prix d'achat, les prix à la consommation étaient, selon l'INSEE, restés stables.
On peut se demander à qui profite la déferlante du textile chinois. Cependant, obtenir la garantie de 2 % à 3 % d'articles de la vente par correspondance à l'industrie textile française permettrait de sauver plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
Monsieur le ministre, les salariés du secteur du textile et de l'habillement sont les premières victimes des concessions faites à la Chine, à qui la France souhaite vendre TGV, centrales nucléaires et Airbus. La question peut se poser. Ce secteur constitue-t-il une monnaie d'échange utilisée pour assurer nos relations commerciales avec la Chine ? Encore faudrait-il assumer politiquement ce choix.
Le Gouvernement compte-t-il prendre des dispositions pour permettre de sauvegarder, voire de développer, ce secteur historique de notre industrie nationale ? Le cas échéant, entend-il donner suite à la proposition des syndicats de mettre en oeuvre un vaste plan national d'urgence pour ce secteur, comme cela avait été le cas pour la sidérurgie dans les années quatre-vingt ?
Il y a urgence, monsieur le ministre. Le textile, c'est deux Hewlett-Packard par mois, si je puis dire. D'ici à deux ans, 50 % des 100 000 emplois concernés auront disparu.