Intervention de François Loos

Réunion du 9 novembre 2005 à 10h00
Questions orales — Conséquences de l'augmentation des importations de textile chinois

François Loos, ministre délégué à l'industrie :

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de m'offrir l'opportunité de dresser un état des lieux du secteur du textile et de l'habillement, dix mois après le démantèlement de l'accord sur les textiles et les vêtements.

Je tiens, tout d'abord, à vous assurer que le Gouvernement est conscient des difficultés que traverse l'industrie textile et des conséquences importantes pour l'emploi, dans certaines régions, des mutations actuelles.

Comme vous avez pu le constater à la lecture des communiqués de presse, ce sujet a été au coeur de l'actualité, dans un premier temps en raison de l'augmentation spectaculaire des importations de produits textiles dans l'Union européenne, et, dans un second temps, en conséquence des blocages de marchandises dans les ports européens l'été dernier.

Comme vous le savez, l'Union européenne a mis en place une surveillance a posteriori des importations originaires des pays tiers pour les produits libéralisés au 1er janvier 2005 sur les prix et les quantités, doublée d'une surveillance préalable pour les catégories libéralisées originaires de Chine, cela à ma demande, d'ailleurs, et l'Union européenne n'y a pas accédé sans mal, car elle n'aurait pas agi ainsi spontanément.

Cette surveillance statistique, aujourd'hui disponible sur le site Internet de la Commission, répond à la pression des Etats membres producteurs de textile et d'habillement dans l'Union européenne, au premier rang desquels se situe la France.

Pour les sept premiers mois de l'année 2005, les importations de l'Union européenne, notamment de la France, sont restées quasiment stables. En revanche, une modification des fournisseurs de la Communauté s'opère et la part de marché de la Chine dans les approvisionnements s'est envolée. En France, on constate des évolutions de parts de marché très sensibles pour les produits sous quota à propos desquels la part de la Chine était anormalement faible. C'est le cas des pull-overs, des pantalons et des tee-shirts.

La Chine est ainsi à l'origine de 24, 4 % des importations françaises de pull-overs en volume, contre seulement 3, 4 % l'année dernière. Pour d'autres produits, comme les soutiens-gorge, pour lesquels la Chine occupait déjà une position importante, la croissance est forte, mais reste en deçà des évolutions des autres articles. Cette modification a entraîné un recul de la plupart des fournisseurs traditionnels de l'Union européenne, en particulier de la France.

Face à la croissance très rapide des importations en provenance de Chine, j'ai demandé, au sein du comité compétent du Conseil, la publication par la Commission des lignes directrices relatives à la clause de sauvegarde spécifique relative au textile.

En effet, conformément à l'article 241 du protocole d'accession de la Chine à l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, la Commission a établi des critères et des procédures pour mettre en oeuvre l'article 10 A du règlement 3030/93, relatif à la clause spécifique concernant les produits textiles chinois qui est prévue jusqu'en 2008 au cas où les importations chinoises se développeraient trop vite et déstabiliseraient les marchés des membres de l'OMC.

Conformément à ces lignes directrices, la Commission a ouvert, fin avril, une enquête sur neuf catégories de produits textiles et a, quelques jours plus tard, annoncé son intention d'utiliser la procédure d'urgence, écourtant la procédure d'enquête pour deux catégories, à savoir les tee-shirts et les fils de lin.

Parallèlement à la mise en application de ces lignes directrices, la Commission a mené avec la Chine des consultations qui ont abouti, le 10 juin dernier, à la signature d'un mémorandum d'accord fixant les plafonds d'exportations chinoises pour dix catégories de produits textiles jusqu'à la fin de l'année 2007. Il s'agit des tissus de coton, des tee-shirts, des pull-overs, des pantalons pour hommes, des chemisiers, du linge de lit, des robes, des soutiens-gorge, du linge de table et des fils de lin et de ramie.

Ces dix catégories représentent environ 50 % des importations européennes originaires de Chine. Les taux de croissance annuels sont limités pour trois ans à des niveaux variant entre 8 % et 12, 5 % selon les catégories.

Certes, la couverture concernant les produits visés par cet accord n'est pas totalement satisfaisante, mais la possibilité d'avoir recours si nécessaire à la clause de sauvegarde pour les produits non couverts par l'accord atténue ce point négatif.

La France a déjà fait savoir qu'elle n'excluait pas d'y faire appel si les importations chinoises risquaient de mettre en péril certains secteurs de notre économie. Je peux vous assurer que le Gouvernement portera toute son attention à ce dossier.

D'autres membres de l'Organisation mondiale du commerce, tels que les Etats-Unis ou la Turquie, ont mis en oeuvre directement des mesures de sauvegarde spécifiques relatives au textile chinois sur plusieurs produits, conformément au protocole d'accession de la Chine à l'OMC.

Vous avez lu ce matin, dans la presse, que le responsable du commerce américain et son homologue chinois venaient, avec quelques mois de retard, de signer un accord du même type que celui que l'Union européenne a conclu. Cet accord n'est pas parfait, mais a au moins l'avantage d'offrir une visibilité jusqu'en décembre 2007, soit sur une période de plus de deux ans, ce qui va faciliter le processus d'ajustement structurel déjà largement amorcé durant les dix années d'application de l'accord de l'OMC sur les textiles et les vêtements, l'ATV.

Je comprends vos préoccupations s'agissant du poids de la République populaire de Chine dans le secteur du textile et de l'habillement, notamment après l'expérience des derniers mois. Cependant, bien que la Chine soit un concurrent de taille, elle s'est aussi engagée, en entrant à l'OMC, à ouvrir son marché aux importations de textiles. Des prévisionnistes estiment que la consommation annuelle de textile par habitant dans ce pays devrait augmenter dans les cinq années à venir.

Il convient de rappeler la position favorable de l'Union européenne, deuxième exportateur mondial de textile, avec 15 % des exportations mondiales, pour répondre à cette demande croissante. Cela se traduit par de nouvelles opportunités pour nos entreprises, qui sont très bien positionnées, grâce à l'image de marque et à la qualité des produits français.

A cet égard, la France et, plus largement, l'Europe, veillent à ce que la Chine respecte tous ses engagements pris lors de son accession à l'OMC.

De plus, les prochaines négociations commerciales de Hong Kong, en décembre prochain, seront l'occasion de rechercher une amélioration de l'accès au marché des pays tiers dans le secteur du textile et de l'habillement. Nous espérons améliorer ainsi l'accès des entreprises françaises aux marchés des autres pays.

Dans cette perspective, je vous rappelle que l'Union européenne a institué un groupe politique de haut niveau sur le textile et l'habillement, ce qui est une preuve de la prise en compte de ce secteur par les instances communautaires, et qui découle de la communication de la Commission sur l'avenir du secteur du textile et de l'habillement dans l'Union européenne élargie en octobre 2003.

Ce groupe est composé de quatre commissaires européens issus de quatre Etats membres, d'une représentante du Parlement européen, de représentants du secteur de l'industrie ainsi que de représentants de syndicats et des distributeurs.

Les intérêts français sont bien représentés, à la fois par moi-même, au nom du Gouvernement, et par des membres de l'Union des industries textiles et d'Euratex, pour ce qui est du secteur de l'industrie. Ce groupe a été mis en place pour examiner les initiatives possibles et faire des recommandations aux décideurs européens dans ce secteur afin qu'il s'adapte aux nouvelles conditions du marché.

J'espère avoir répondu, monsieur le sénateur, à vos préoccupations.

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