Intervention de Henri Cuq

Réunion du 9 novembre 2005 à 10h00
Questions orales — Inscription à l'ordre du jour de l'assemblée nationale d'une proposition de loi instituant une journée natioanle pour l'abolition universelle de la peine de mort

Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement :

Madame la sénatrice, la proposition de loi que vous avez déposée, et que le Sénat a adoptée le 12 février 2002, visait, effectivement, à instituer en France une journée nationale pour l'abolition universelle de la peine de mort ; elle retenait pour ce faire la date du 9 octobre, en référence à la date de la loi qui, en 1981, a aboli la peine de mort dans notre pays.

A l'époque, la France était le trente-cinquième Etat à abolir cette peine. Depuis lors, plusieurs dizaines de pays se sont engagés dans la même voie. Aujourd'hui, une nette majorité de pays ont aboli légalement ou de fait la peine de mort.

Mais l'institution d'une « journée nationale » est-elle de nature, comme vous semblez le penser, à accélérer l'abolition de la peine de mort dans les pays où celle-ci existe encore ?

Une telle journée - dont l'instauration ne nécessite d'ailleurs pas l'intervention de la loi - aurait, certes, valeur de symbole, mais n'aurait que la force d'un symbole, étant dépourvue de toute portée juridique.

Or, sur le plan juridique - c'est-à-dire au-delà des symboles et, qui plus est, au niveau international - la France s'est d'ores et déjà engagée beaucoup plus avant.

D'abord, la charte européenne des droits de l'homme prévoit que nul ne peut être condamné à la peine de mort ni exécuté ; la France est naturellement signataire de cette charte.

Mais, surtout, la France a signé deux engagements internationaux majeurs relatifs à l'abolition de la peine de mort.

Il s'agit, d'une part, du protocole n° 13 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances.

Il s'agit, d'autre part, d'un protocole facultatif qui se rapporte au pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République de la question de la conformité à la Constitution de ces deux accords, s'est prononcé il y a quelques jours : il a considéré que, si le protocole n° 13 ne soulevait pas de difficultés, en revanche, le second protocole ne pouvait être ratifié qu'après une révision de la Constitution.

Le Président de la République et le Gouvernement vont donc devoir se prononcer sur la suite qu'ils entendent donner à ces deux engagements, ainsi que sur les procédures qu'il conviendra d'engager à cette fin. Dans cette optique, le Parlement sera naturellement appelé, le moment venu, à se prononcer.

C'est la raison pour laquelle, compte tenu de l'importance qui s'attache à ces deux accords, le Gouvernement n'envisage pas, madame la sénatrice, d'inscrire dans l'immédiat votre proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, lequel sera particulièrement chargé au cours des semaines à venir : une telle inscription ne pourrait intervenir avant plusieurs mois.

Pour autant, je me permets de vous le rappeler, le groupe communiste de l'Assemblée nationale a bien entendu la faculté de demander l'inscription de cette proposition de loi dans l'une des « niches » de l'ordre du jour qui est réservée aux parlementaires. C'est d'ailleurs lors d'une séance consacrée à cet ordre du jour réservé que la proposition de loi à laquelle vous avez fait allusion a été adoptée, ici même, en 2002.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion