Intervention de Robert Hue

Réunion du 5 octobre 2006 à 9h30
Modes de gestion des crises africaines — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Robert HueRobert Hue :

Ce débat doit nous permettre d'analyser les conditions nouvelles de l'implication de la France sur ce continent, notamment sur les plans militaire et politique. Toutefois, il n'aurait guère de signification s'il ne se centrait pas sur les nouveaux rapports qu'il convient d'établir entre la France, l'Europe et l'Afrique.

« La mondialisation a oublié l'Afrique », écrit Joseph Stiglitz, prix Nobel américain d'économie.

De fait, la mondialisation libérale a accentué la pauvreté, qui concerne aujourd'hui deux fois plus de personnes que vingt ans plus tôt.

Mesdames les ministres, cinq ans après l'adoption des objectifs du Millénaire pour le développement, destinés à combattre la pauvreté en fournissant aux pays pauvres une aide financière égale à 0, 7 % du PIB des pays développés, où en sont les engagements de la France et de l'Europe ?

En fait, on est loin du compte ! Plus de 300 millions d'Africains vivent avec moins d'un dollar par jour, 240 millions souffrent de carences alimentaires et près de 200 millions de malnutrition.

Mesdames les ministres, sans anticiper sur d'autres débats, quels crédits le budget de la France de 2007, ou celui de l'Union européenne, consacreront-ils à nos engagements dans ce domaine ?

Les conclusions de la mission d'information, présidée efficacement par André Dulait, indiquent que « l'Afrique et les crises qui l'affectent doivent demeurer l'une des priorités de l'action extérieure de la France, par nécessité pour l'Afrique et pour l'Europe ».

Je partage cette analyse. Toutefois, j'ajoute qu'au-delà de la nécessité il est indispensable de mettre fin à un comportement qui continue, à bien des égards, d'être perçu comme post-colonial par les Africains, et qui consiste à envisager souvent les problèmes de leur continent du seul point de vue de l'Europe.

À ce propos, je le souligne, le vote par la majorité parlementaire d'une loi affirmant le rôle positif du colonialisme a fortement altéré l'image républicaine et universelle de la France.

Avant d'entrer dans le coeur de notre débat, il me semble indispensable d'analyser les véritables mobiles des conflits en Afrique.

L'Afrique, aujourd'hui, se trouve au centre des enjeux de la mondialisation libérale, puisqu'elle renferme près du tiers des réserves en matières premières de la planète, telles que le pétrole, l'or et l'uranium. Or, les multinationales, sous couvert de neutralité, jouent souvent le pourrissement des conflits, qui permet l'exploitation des richesses et l'accomplissement d'actes répréhensibles.

Ce n'est donc pas un hasard si ce continent détient le triste record des conflits armés dans le monde. Rien ne sera durablement possible si l'on ne reconnaît pas à l'Afrique son statut d'acteur essentiel de la civilisation mondiale, sur lequel nous devrons bâtir de nouvelles relations.

Ainsi, en Afrique du Sud, un pays dont le rôle s'étend sur le continent bien au-delà de l'Afrique australe - la mission de la délégation de la commission des affaires étrangères à Dakar en a fait le constat -, la France est attendue : elle pourrait y devenir un partenaire stratégique beaucoup plus engagé. Au demeurant, si elle n'est pas là, d'autres prendront la place.

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