Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 5 octobre 2006 à 9h30
Modes de gestion des crises africaines — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, au cours de l'histoire, les liens qui unissent l'Afrique et la France ont été façonnés par une présence plus ou moins glorieuse mais continue de notre nation sur ce continent depuis plusieurs siècles.

De cette histoire, nous avons hérité une forte responsabilité envers le développement de ce territoire, compte tenu, notamment, de la richesse des apports culturels, économiques et humains qui ont tant aidé à hisser la France à la place qui est la sienne aujourd'hui et qui continue de faire vivre la francophonie sur une grande partie du continent.

Aujourd'hui, nous avons une double responsabilité envers les Africains : une responsabilité historique d'abord, mais aussi, une responsabilité humaine devant les drames quotidiens qui secouent leur continent et qui font trop souvent l'objet, au mieux, de la honte des nations les plus puissantes de la planète, au pis, de l'indifférence la plus totale, alors que ces pays riches sont, aujourd'hui plus que jamais, dans un contexte de renchérissement général des matières premières, intéressés par les ressources naturelles du continent africain.

De la même façon, nous savons très bien quel est, pour nous, le prix à court terme d'une régulation équilibrée des flux migratoires en provenance d'Afrique : il s'agit du codéveloppement.

De la même façon, nous sommes bien conscients que la paix durable dans le monde ne pourra intervenir que grâce à une stabilisation, elle-même durable, du continent africain, où, en 2003, près de 20 % de la population était touchée par la guerre.

Cette stabilisation dépend, à l'évidence, de notre capacité à gérer les crises qui secouent d'une manière bien trop régulière l'Afrique.

Le rapport d'information, à l'élaboration duquel j'ai participé, au nom du groupe UC-UDF, est suffisamment complet pour que je n'y revienne pas, afin d'éviter toute redondance. Cependant, je souhaite faire deux remarques.

Tout d'abord, la France a toujours pu compter sur une présence très importante en Afrique sub-saharienne, à la fois par le biais de son réseau diplomatique - c'est une tradition française -, mais aussi grâce à une présence militaire nécessaire au règlement des crises, dans le strict respect des mandats qui nous sont confiés par l'ONU.

Cette zone géographique est d'ailleurs souvent considérée comme un « pré carré » français, ce qui est un avantage pour nos capacités d'intervention sur ce territoire, mais aussi un handicap certain pour l'engagement d'autres nations dans ces missions.

Or je pense que nous devons dès aujourd'hui, et pour plusieurs raisons, sortir de cette vision simpliste du pré carré français, même si, force est de le constater, certains réflexes ont la vie dure. Il convient, en particulier, d'adopter une vision plus internationale et multilatérale pour la stabilisation et la résolution de crises, comme on l'a fait avec la FINUL, par exemple. Mais nous devons aussi cultiver une vision plus européenne, notamment en ce qui concerne l'optimisation et la mise en commun des hommes et des matériels.

Madame la ministre, il faudra que nous menions aussi un jour une véritable réflexion sur notre périmètre d'intervention. La question que nous devons nous poser est de savoir non pas tant si la France a ou non vocation à intervenir sur tous les territoires de la planète, mais surtout si elle en a les moyens. Tel est le cas à l'heure actuelle, mais cette situation ne saurait durer. Aujourd'hui, ce sont 11 000 hommes que nous avons envoyés en Afrique, soit près d'un tiers de nos effectifs sur ce seul continent.

Il faut que nous sachions si notre diplomatie et si le rôle que la France joue dans le monde sont au niveau des moyens dont elle dispose. Je pense personnellement qu'une action européenne dans laquelle la France aurait un rôle majeur à jouer n'affaiblirait pas notre présence et notre diplomatie. Au contraire, elle les renforcerait - et nous avons pu le constater notamment au Liban -, en particulier grâce à un élargissement du territoire couvert et de l'impact de cette force européenne. Encore faudrait-il que la politique européenne soit plus rationnelle et beaucoup plus forte. J'espère que les débats qui auront lieu à l'occasion de la campagne pour l'élection présidentielle aborderont ce point.

Je souhaite terminer mon intervention par une remarque qui m'est venue à l'esprit lors de la visite que mes collègues MM. Dulait et Hue et moi-même avons effectuée en Afrique. Il me semble que, en Afrique sub-saharienne, le Nigeria est un pays politiquement et économiquement très fort sur lequel nous devons concentrer nos efforts. Les contacts que nous avons eus avec des responsables africains donnent à penser que ce pays est devenu une clef des relations internationales dans cette région. Il s'agit d'une puissance économique, certes de moindre importance que l'Afrique du Sud, et ce malgré le « décollage » potentiel de l'Angola, mais aussi d'une puissance politique et militaire. Sans doute est-elle déstabilisée et déstabilisante, mais, dans ce contexte, il serait intéressant de pouvoir avoir une plus grande souplesse dans la gestion des postes et des effectifs des ambassades, voire des militaires, en fonction non seulement des missions qui leur sont attribuées, mais aussi et surtout de l'importance géostratégique du pays dans lequel elles sont implantées.

Pour conclure, je souhaiterais, mesdames les ministres, mes chers collègues, attirer votre attention sur la situation dramatique dans laquelle la population soudanaise semble être abandonnée par la communauté internationale. L'Occident donne vraiment l'impression d'être impuissant. Il faut pourtant agir rapidement pour trouver une solution à ce dossier complexe : en effet, les populations sont dans une situation humanitaire critique et les risques de déstabilisation pour les pays voisins - nous le voyons très bien avec le Tchad - sont importants.

Les seules déclarations d'intention de la part du président El Béchir sont scandaleuses, alors qu'il refuse catégoriquement toute discussion avec les Nations unies et que la guerre fait rage dans l'ouest du pays.

Pouvez-vous, mesdames les ministres, nous éclairer sur les intentions et les actions de la France s'agissant de ce dossier, dans lequel, je le sais, beaucoup d'efforts sont faits ?

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