Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée est appelée à examiner ce matin un projet de loi dont l'objet est de contribuer à la transposition de plusieurs directives communautaires.
Ces textes, qui sont importants, concernent principalement les études d'impact, l'information environnementale, l'évaluation et la gestion du bruit, le traitement des déchets et la lutte contre l'effet de serre. Tous répondent, je le crois, à des attentes légitimes de nos concitoyens.
Leur intégration dans le droit interne permettra, en outre, à la France de se mettre en conformité avec ses obligations communautaires. En effet, ces directives accusent un retard de transposition de plusieurs mois, voire de plusieurs années, retard que nous ne pouvons tolérer et que je me suis engagée à rattraper d'ici à la fin de l'année : nous ne devons plus cumuler ainsi les risques de contentieux communautaires alors que nous savons pertinemment que ceux-ci sont susceptibles de déboucher sur de lourdes sanctions financières. Le présent projet de loi répond donc au souci de rattraper l'ensemble du retard législatif accumulé depuis plusieurs années.
Ces circonstances ont justifié que vous soyez saisis de ce projet de loi dès la reprise de vos travaux.
L'Assemblée nationale, en sa séance du 4 octobre dernier, a bien voulu adopter un texte que les amendements de son rapporteur ont contribué à très sensiblement clarifier et améliorer. Les dispositions législatives qui vous sont soumises visent donc à satisfaire tout à la fois aux impératifs de la transposition et aux exigences de l'intelligibilité de la loi. Elles doivent nous permettre - j'y reviens, car c'est essentiel - d'une part, d'éteindre au moins quatre contentieux communautaires très préoccupants liés à nos retards de transposition et, d'autre part, de prévenir le risque de nouveaux contentieux.
L'article 1er vise ainsi à combler une lacune dans la transposition de la directive 85/337/CEE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Cette démarche fait suite à l'abrogation de la concertation interadministrative par l'ordonnance du 19 septembre 2003, qui a entraîné une insécurité juridique certaine pour tout projet d'aménagement et d'infrastructure soumis à étude d'impact, en particulier pour ceux des collectivités territoriales.
L'article 2 tend à transposer la directive 2003/4/CE, qui a pour objet de rendre compatibles avec la convention d'Aarhus les dispositions de droit communautaire relatives à l'accès du public aux informations environnementales. Cette directive devait être transposée avant le 14 février 2005.
Le présent projet de loi a donc pour objet de modifier les dispositions législatives nationales en vigueur. Le parti a été pris de compléter, dans le code de l'environnement, les dispositions générales du droit d'accès aux documents administratifs instauré par la loi de 1978. L'adoption de l'article 2 du projet de loi permettra donc de remplacer l'article L. 124-1 du code de l'environnement par les articles L. 124-1 à L. 124-8, qui consacrent ces spécificités. Je tiens à préciser ici que, en cas de rejet de la demande, le bénéfice du recours à la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, est maintenu.
Ce projet de loi vise également à assurer le contrôle de certains produits chimiques. L'article 6 modifie donc le code de l'environnement, qui faisait référence à des dispositions abrogées en 2003.
Enfin, l'article 7 est consacré à la ratification de l'ordonnance du 12 novembre 2004 prise pour la transposition de la directive relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement.
Je rappelle que cette ordonnance pose le principe de la détermination de l'exposition des populations au bruit dans l'environnement, d'une information des populations sur le niveau d'exposition au bruit et de l'établissement de plans de prévention du bruit dans l'environnement recensant l'ensemble des mesures susceptibles d'être mises en oeuvre pour réduire le niveau de bruit et préserver les zones de calme.
Elle définit par ailleurs les autorités compétentes pour la réalisation des cartes de bruit et des plans de prévention du bruit dans l'environnement, ainsi que le calendrier d'établissement de ces documents.
A l'occasion de cette ratification, plusieurs modifications destinées à assurer une meilleure lisibilité du texte et à mieux garantir son efficacité seront apportées à l'ordonnance.
Par ailleurs, le Gouvernement a tenu compte d'un certain nombre d'évolutions intervenues au cours des six mois qui ont séparé le dépôt du texte de sa discussion au Parlement.
Ainsi, la publication, le 28 juillet 2005, de l'ordonnance relative à l'adaptation du droit de l'environnement à Mayotte a rendu caduc l'article 3 du projet initial, qui ne concernait que l'accès à l'information. L'Assemblée nationale a bien voulu supprimer cet article et lui substituer par amendement un article 10 qui rend applicables à Mayotte l'ensemble des dispositions législatives contenues dans le présent projet de loi.
Cette mise à jour « en temps réel » nous a, en outre, conduits à présenter des amendements de suppression des articles 4 et 5 du projet de loi initial, la décision-cadre relative à la protection de l'environnement par le droit pénal ayant été annulée le 13 septembre dernier par la Cour de justice des Communautés européennes.
Nous avons également proposé de compléter la transposition de la directive concernant la mise en décharge de déchets. Cette directive de 1999 a introduit la distinction entre trois catégories de décharges : les décharges pour déchets dangereux, les décharges pour déchets non dangereux et les décharges pour déchets inertes. Elle prévoit que chaque installation doit être autorisée et fixe les conditions minimales que doit respecter l'exploitation des sites concernés.
Ce texte a été transposé en droit national par modification de la réglementation relative aux installations classées pour tout ce qui concerne les décharges pour déchets dangereux et pour déchets non dangereux. Les arrêtés ministériels régissant l'exploitation de ces installations ont été modifiés pour prendre en compte les dispositions de la directive.
Les décharges de déchets inertes, pour leur part, sont essentiellement des dépôts de terres et gravats issus du bâtiment et des travaux publics. Leur cas est plus complexe.
L'exploitation de ces sites entraîne, bien sûr, pour le voisinage de réels désagréments, qui toutefois ne présentent pas un niveau de gravité justifiant leur assujettissement au régime lourd d'autorisation des installations classées. Il n'a donc pas paru opportun de les soumettre à ce régime, en raison des sujétions excessives que cela entraînerait pour les exploitants.
Le régime de la déclaration au titre des installations classées n'est pas adapté non plus, car la directive prévoit une autorisation, avec possibilité de refus, si certaines conditions ne sont pas remplies.
Restait le régime de l'autorisation d'urbanisme. Or, le Conseil d'Etat a estimé le mois dernier que le code de l'urbanisme ne pouvait servir à régir le fonctionnement, dans la durée, d'une telle installation.
Il a donc suggéré au Gouvernement de satisfaire aux exigences de la directive par la création d'un régime d'autorisation ad hoc, qui appelle une disposition de nature législative modifiant le code de l'environnement.
L'article 8 résultant d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale insère donc dans le titre IV « Déchets » du livre V du code de l'environnement un article prévoyant un régime spécifique d'autorisation pour ces installations. L'adoption de cette disposition devrait nous permettre de mettre fin à un contentieux communautaire préoccupant.
L'autorisation sera délivrée par le préfet dans des conditions que précisera un décret. Il est prévu de définir une procédure simple, permettant l'instruction des dossiers dans le délai de deux mois, ainsi qu'une sanction pénale en cas d'exploitation sans autorisation de ces installations, au travers de la modification de l'article L. 541-46 du même code.
Nous vous proposons également de transposer la directive 2004/101/CE qui établit un lien entre le système d'échange communautaire de quotas d'émission de gaz à effet de serre et les mécanismes mis en place par le protocole de Kyoto.
Ces dispositions sont très attendues par nos industriels qui y voient un élément de souplesse pour atteindre les objectifs qui sont les leurs dans le cadre du système européen d'échange de quotas. En effet, la directive autorise et définit les conditions dans lesquelles les détenteurs de certains crédits d'émission générés par les activités de projet prévues par l'article 6, avec une mise en oeuvre conjointe, et par l'article 12, avec un mécanisme de développement propre, du protocole de Kyoto pourront les utiliser dans le système communautaire pour satisfaire à leurs obligations d'émissions domestiques.
La mise en oeuvre conjointe concerne tous les pays ayant des engagements quantifiés de maîtrise de leurs émissions de gaz à effet de serre, tandis que le mécanisme de développement propre concerne essentiellement les pays en développement. La directive définit les critères et procédures que devront mettre en place les Etats membres pour que la cohérence dans la mise en oeuvre des activités de projet soit assurée.
Attendue en France, la mise en oeuvre de ces dispositions qui permettent de favoriser le développement d'investissements réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou séquestrant et captant des gaz à effet de serre, est également importante pour les principaux pays émergents que sont le Brésil, la Chine et l'Inde.
De tels investissements pourront se voir attribuer des unités, dont le montant équivaut aux réductions ou au stockage réalisés.
Ces unités sont négociables sur un marché international et utilisables pour satisfaire aux obligations au titre des politiques mises en place par l'Union européenne dans le cadre du système européen d'échange de quotas d'émission et, le cas échéant, par les Etats, pour lutter contre le changement climatique.
La directive 2004/101/CE doit être transposée en droit français au plus tard le 13 novembre 2005. Afin de respecter cette échéance, l'article 9 du projet de loi prévoit les quelques dispositions de nature législative nécessaires à la transposition. Elles devront être complétées par des dispositions de nature réglementaire.
Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi traduit l'effort du Gouvernement pour combler son retard dans la transposition de la législation communautaire en matière d'environnement. Il contribue en même temps à l'amélioration de la législation nationale dans ce domaine, dans l'intérêt premier de nos concitoyens.
A ce titre, il s'inscrit pleinement dans la mise en oeuvre de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement.
Son adoption dans les meilleurs délais peut éteindre quatre contentieux communautaires susceptibles de déboucher sur de lourdes sanctions financières.
La résorption du retard de transposition actuel nous permettra enfin de mieux nous consacrer à l'application quotidienne comme à plus long terme du droit de l'environnement. Sur ce point, la tâche est immense.