Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui est soumis à notre examen a pour ambition de combler notre retard s'agissant de la transposition de directives dans le domaine de l'environnement.
Initialement composé de sept articles, ce texte, déposé en avril 2005, a été profondément remanié lors de son adoption par l'Assemblée nationale le 4 octobre dernier, afin de répondre aussi exactement que possible à cette ambition.
Selon les informations qui nous ont été transmises, à ce jour, treize directives restent à transposer dans le domaine de l'environnement : pour neuf d'entre elles, l'échéance de transposition est dépassée et, pour deux d'entre elles, elle est fixée au plus tard au 31 décembre 2005. Parmi elles, neuf font l'objet d'une procédure contentieuse au niveau communautaire qui a même donné lieu à une condamnation en manquement de la part de la Cour de justice des Communautés européennes, s'agissant de la directive du 7 juin 1990 concernant la liberté d'accès en matière d'environnement et de la directive du 16 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets. Sur cette dernière, la Commission, à la suite de cet arrêt en manquement prononcé le 15 décembre 2004, a adressé au gouvernement français une mise en demeure sur le fondement de l'article 228 du traité européen le 25 juillet dernier, dernière étape avant le prononcé de sanctions financières par la Cour.
Pour un grand nombre de ces directives, la transposition ne nécessite que des mesures réglementaires qui devraient être adoptées avant fin 2005, mais cinq d'entre elles nécessitent des modifications législatives pour être effectivement transposées en droit interne. Il s'agit de la directive du 7 juin 1990, concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement ; la directive du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement et abrogeant d'ailleurs la directive du 7 juin 1990 ; la directive du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets ; la directive du 25 juin 2002 relative à l'évaluation du bruit dans l'environnement et, enfin, la directive du 27 octobre 2004 établissant un système d'échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre.
Si ce projet de loi est adopté rapidement, si les décrets d'application sont publiés avant la fin de l'année, si les décrets visant les autres directives en retard de transposition sont pris, nous serons à jour de nos obligations s'agissant du domaine de l'environnement, ce dont il faudra se féliciter. Cela est d'autant plus nécessaire que, de manière générale, la France est encore mal classée en ce qui concerne l'exécution des directives.
Selon le dernier état en date du 7 septembre 2005, la France apparaît au vingt et unième rang, avec un pourcentage de communication des mesures nationales d'exécution des directives de 98, 41 %, l'Allemagne étant classée au sixième rang et le Royaume-Uni au treizième rang. Seuls le Portugal, la Grèce, l'Italie et le Luxembourg réalisent un plus mauvais score. Nous devons impérativement améliorer notre position et votre texte, madame la ministre, y contribue.
Au-delà de ces obligations communautaires, ce projet de loi modifie la réglementation applicable à des domaines aussi variés et importants que l'évaluation de l'incidence de certains projets publics ou privés sur l'environnement, le droit à l'information en matière d'environnement, la prévention et la lutte contre le bruit, la mise en décharge des déchets inertes ou, enfin, la mise en oeuvre des mécanismes de flexibilité prévus par le protocole de Kyoto.
L'article 1er du projet de loi tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale complète donc l'article L. 122-1 du code de l'environnement et prévoit que l'autorité administrative chargée d'approuver ou d'autoriser un projet d'ouvrage ou d'aménagement recueille au préalable l'avis de l'autorité compétente en matière d'environnement.
L'article 2 du projet de loi permet d'assurer la transposition de la directive du 28 janvier 2003 précitée directement inspirée de la convention d'Aarhus et de répondre à l'ensemble des griefs pour lesquels la France avait été condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes en juin 2003.
S'agissant de l'exercice de ce droit à l'information reconnu en France depuis l'adoption de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et par des textes spécifiques en matière d'environnement, on peut rappeler les évolutions récentes tant en droit interne qu'en droit international ou communautaire qui ont largement fait évoluer ce droit. L'adoption de la Charte de l'environnement, dans son article 7, consacre donc comme principe constitutionnel le droit à l'information en matière d'environnement. L'adoption de la convention d'Aarhus transposée en droit communautaire fait évoluer le droit d'accès à l'information vers le droit à être informé et impose aux autorités détentrices de ces informations de les diffuser activement auprès du public.
On peut relever également la conception extensive retenue pour les autorités publiques soumises à cette obligation d'information, notamment les personnes chargées d'une mission de service public dont l'exercice est susceptible d'avoir un impact sur l'environnement.
L'article 7 du projet de loi prévoit la ratification, sous réserve de modifications, de l'ordonnance du 12 novembre 2004 prise pour la transposition de la directive du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement. Dès l'adoption des décrets d'application de cette ordonnance ainsi ratifiée, on pourra considérer que sa transposition est achevée, alors que le délai était fixé au 18 juillet 2004.
L'article 8 du projet de loi résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale afin d'achever la transposition de la directive du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets en instaurant un régime spécifique d'autorisation pour les décharges de déchets inertes. Il s'agit de dépôts de terres, de gravats et de déchets du bâtiment qui ne présentent pas de risques particuliers pour l'environnement, ce qui évite de les soumettre à la législation contraignante des installations classées et de prévoir un régime d'autorisation ad hoc simplifié, comme le suggère le Conseil d'Etat dans un avis rendu le 13 septembre 2005.
Enfin, l'article 9, qui résulte également d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale, assure la transposition de la directive du 27 octobre 2004 modifiant la directive du 13 octobre 2003 établissant un système d'échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre.
Compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire, vous n'êtes pas certaine, madame la ministre, de pouvoir faire examiner ce dispositif avant l'échéance de transposition fixée au 13 novembre 2005.
Les activités de projet que cette directive instaure donnent lieu à l'attribution d'unités de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui vont apporter de la fluidité au système européen d'échanges de quotas d'émission et aider les entreprises à respecter leurs obligations d'émission dans le cadre national.
J'insiste à ce propos sur la nécessité d'assurer au plus tôt la transposition de cette directive afin de stabiliser le socle juridique des activités de projet. Les pouvoirs publics, avec raison, ont anticipé en autorisant la mission interministérielle de l'effet de serre à agréer des projets présentés par les entreprises françaises et trois le sont à ce jour. Il s'agit de Lafarge au Maroc, d'Onyx au Brésil et de Rhodia en République de Corée, respectivement sur des projets de parc éolien, de récupération de méthane ou de destruction de protoxyde d'azote.
Au-delà de la fluidité que l'apport de ces unités de réduction des émissions de gaz à effet de serre peut apporter au marché européen du CO2, j'incline à penser que l'encouragement de mécanismes de développement propre dans les pays en voie de développement ou émergents peut contribuer à faire évoluer l'attitude de ces pays à l'égard du protocole de Kyoto et peser dans un sens positif dans les négociations sur l'après 2012.
Sur le projet de loi lui-même, la commission des affaires économiques n'a pas adopté d'amendement, la marge de manoeuvre s'agissant de la transposition de directives étant très réduite, d'autant plus que le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a procédé à un examen très approfondi du texte et proposé, pour l'essentiel, des corrections de forme et de simplification de procédure bien utiles, ce qui permet d'aboutir à un texte acceptable en l'état.
Toutefois, madame la ministre, j'attire votre attention sur la nécessité de réfléchir collectivement - Gouvernement et Parlement - pour modifier nos méthodes de travail sur ce sujet. Il n'est pas raisonnable que, sous couvert de rattraper un retard tel que nous sommes sous la menace de sanctions financières importantes, le Parlement soit dans l'impossibilité d'examiner sereinement et dans le détail des dispositifs législatifs aussi variés et qui influencent des pans entiers de notre économie.
Il avait été évoqué, un temps, la solution d'une séance mensuelle ou bimestrielle consacrée à l'examen de directives à transposer. Pourquoi alors ne pas décider de l'aménagement d'un mardi matin au rythme d'un par mois, ou de deux par trimestre, réservé à cet ordre du jour ?
Selon les informations qui ont été transmises par vos services, hormis les directives relatives à l'utilisation des OGM, à la transposition desquelles vous participez activement, mais qui est pilotée par le ministère de la recherche, vous devez transposer, d'ici au 30 avril 2007, la directive du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, s'agissant de la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.
Sa transposition nécessite, semble-t-il, une modification des livres I, II et V de la partie législative du code de l'environnement. Il s'agit d'un sujet important, notamment pour les collectivités territoriales et je vous invite, madame la ministre, à être exemplaire sur ce dossier - je suis persuadé que vous le serez - et à tout faire pour que ce projet de loi puisse être examiné par le Parlement dans des conditions satisfaisantes.
Cela pourrait contribuer à assurer une meilleure diffusion de la culture européenne en matière de protection de l'environnement, culture qui reste très éloignée de nos propres schémas de pensée. Il nous faut progresser sur cette voie, notamment afin d'aider les collectivités territoriales qui doivent consentir les investissements nécessaires pour répondre aux normes environnementales.
Il faut enfin, à propos de ces normes, être plus présent, en amont des décisions prises à Bruxelles, afin de participer effectivement à leur définition, obtenir l'évaluation de leur impact économique et veiller à ce que l'échéancier de leur renforcement prenne en compte les capacités de financement des autorités publiques qui auront à les mettre en oeuvre.