Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 18 octobre 2005 à 10h00
Diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un rapport publié voilà un peu plus d'un an, la Commission européenne relevait de graves insuffisances dans la mise en oeuvre du droit communautaire en matière d'environnement.

Cette étude montrait à l'évidence que les Etats membres avaient pris du retard dans la transposition des directives. A la fin de 2003, les transpositions étaient inexistantes, tardives ou incomplètes, ne respectant pas, par exemple, les délais pour la présentation de certains plans. La soumission de données ou la désignation de zones protégées étaient nombreuses.

Ce bilan démontre, s'il en était besoin, le peu d'importance accordée aux questions environnementales, dans notre pays comme dans d'autres.

En ce qui concerne la France, il suffit de lire certaines interventions à l'Assemblée nationale pour mesurer l'état d'esprit qui prévaut et le fossé qui sépare la réflexion de certains parlementaires des enjeux fondamentaux auxquels nous sommes confrontés. C'est surtout vrai sur ce texte.

C'est pourquoi, madame la ministre, nous ne pouvons qu'approuver l'initiative du Gouvernement visant à permettre à la France de se conformer à ses obligations communautaires en transposant des directives déjà anciennes.

Nous constatons toutefois que le Parlement semble plus pressé de transposer les directives concernant le deuxième paquet ferroviaire que celles qui concernent l'environnement : nous le verrons cet après-midi.

Dernièrement, le Conseil européen de Bruxelles adoptait une déclaration dans laquelle il rappelait les objectifs clés du développement durable, à savoir « la protection de l'environnement, l'équité sociale et la cohésion, la prospérité économique et la nécessité pour l'Union Européenne d'assumer ses responsabilités internationales ».

Cette déclaration mérite toute notre attention au moment où les questions concernant l'énergie, le climat, les modes de transports, la biodiversité deviennent si préoccupantes.

Après ce préambule, je ferai quelques observations concernant le texte du projet de loi, en espérant madame la ministre, qu'elles pourront être prises en compte.

L'article 1er concerne l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement.

Nous tenons à rappeler l'importance des procédures d'étude d'impact et d'enquête publique qui permettent d'avoir accès à un certain nombre d'informations avant la réalisation de projets susceptibles d'affecter l'environnement. Elles permettent notamment aux particuliers et aux associations qui mènent leur action dans ce domaine de jouer pleinement leur rôle et d'étayer leurs arguments par une meilleure connaissance des dossiers. Il était donc important de corriger le dispositif actuel, qui est une source d'insécurité juridique, et pas uniquement parce que ces carences peuvent constituer des motifs d'annulation des projets de collectivité locale, même si cet aspect n'est pas anodin.

Nous reconnaissons qu'il est important de trouver un équilibre entre la consultation effective du public, des autorités compétentes en matière d'environnement et l'efficacité des procédures. C'est pourquoi le premier paragraphe de l'article 1er ne nous pose pas de problème.

En revanche, le deuxième paragraphe soulève quelques interrogations. Il renvoie à un décret le soin de déterminer les conditions dans lesquelles l'avis de l'autorité administrative compétente en matière d'environnement sur l'étude d'impact est mis à disposition du public. Il serait intéressant que le contenu de cette étude puisse être connu avant qu'une décision ne soit prise.

Nous espérons, madame la ministre, que des précisions pourront nous être fournies sur les modalités de publicité au cours de la discussion des articles.

L'article 2 crée dans le code de l'environnement un chapitre intitulé « Droit d'accès à l'information relative à l'environnement ».

La Cour de justice des Communautés européennes a jugé avec raison que les dispositions de la loi du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, ne transposaient qu'imparfaitement les règles communautaires édictées en matière d'accès du public à l'information environnementale. Nous constatons avec satisfaction que les faiblesses de notre législation ont été corrigées.

Nous nous réjouissons notamment de trouver, dans la liste des établissements soumis à l'obligation de communiquer les informations, les entreprises privées bénéficiant d'une délégation de service public.

Nous constatons également que, une fois n'est pas coutume, le projet de loi va parfois au-delà des exigences communautaires. Il en est ainsi de la disposition prévoyant que la personne qui sollicite un document en cours d'élaboration doit être informée de l'état d'avancement de la procédure d'élaboration du document demandé. Cette mesure renforce la transparence du déroulement des procédures.

L'article 6, relatif au contrôle des produits chimiques, a pour objet de substituer la référence au règlement du 28 janvier 2003 à la référence au règlement du 23 juillet 1992. Ces règlements concernent les exportations et importations de produits chimiques dangereux. L'article 6 en lui-même ne soulève pas de difficulté.

En revanche, nous tenons à rappeler l'importance d'une réglementation effective pour les produits chimiques fabriqués, importés, exportés et consommés en Europe. C'est dans ce sens que, dès 2001, les grandes lignes du programme REACH ont été tracées dans le livre blanc de la Commission.

Ce dispositif, qui devrait être voté par le Parlement européen lors de sa session plénière le 15 novembre prochain, constitue une avancée certaine dans ce domaine dans la mesure où il vise à instituer une législation européenne pour l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des produits chimiques, sous le contrôle de l'Agence européenne des produits chimiques.

Le respect de l'environnement a un coût financier élevé ; ainsi les industriels ont mis en avant, devant la Commission européenne, les coûts économiques auxquels ils devront faire face pour respecter cette législation. Et comme nous avons pu le constater lors du colloque qui a eu lieu au Sénat hier, les industriels sont très attentifs à ces coûts.

Cependant, selon la Commission, une politique préventive dans ce domaine aurait pour conséquence la réduction des dépenses liées au traitement des divers maux provoqués par l'utilisation de produits chimiques.

Mais, au-dessus de tout, l'absence de respect de l'environnement a un coût humain. Les drames provoqués par l'utilisation non contrôlée de substance dangereuses, cancérigènes pour nombreuses d'entre elles, à l'instar de l'amiante, risquent de se reproduire dans l'avenir si une politique effective du contrôle et de l'évaluation de la dangerosité des produits chimiques n'est pas mise en place prochainement.

Je dénonçais ici même, en mars dernier, l'intervention du chef de l'Etat auprès de Bruxelles, en septembre 2003, aux côtés de Tony Blair et de Gerhard Schröder, dans le but d'obtenir un assouplissement de la directive concernant le programme REACH, au nom de la compétitivité industrielle de l'Europe.

C'est un combat difficile qu'il faut mener face aux lobbyings des industriels. Le Gouvernement doit s'investir au nom de la santé publique aussi bien à l'intérieur de nos frontières que sur les plans européen et international.

J'en viens à la pollution liée au bruit. L'article 7 du projet de loi ratifie l'ordonnance du 12 novembre 2004, prise pour la transposition de la directive de 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit.

Nous regrettons que le texte du projet de loi initial n'ait pas été maintenu. Les dispositions relatives aux grands aérodromes civils ont été retirées du projet de loi au motif qu'elles relèveraient du domaine réglementaire. Le déplorant, nous avons donc déposé un amendement visant à faire valider ces dispositions par la loi, et ce dans le souci de la pérennité de la réglementation en la matière. Nous nous expliquerons plus longuement sur nos motivations au moment de la défense de cet amendement.

Cependant, nous demandons dès à présent que les pouvoirs publics s'engagent résolument dans le sens d'une réduction des émissions sonores et que la France rattrape son retard en la matière.

Les échéances de la réalisation de la cartographie stratégique du bruit sont d'ores et déjà inscrites à l'article 7 de ladite directive. Il en est de même, à l'article 8, pour les échéances relatives aux plans d'actions visant à gérer les effets du bruit, y compris, si nécessaire, la réduction du bruit autour de certains axes routiers et dans les agglomérations les plus importantes. Il ne s'agit pas de cumuler transposition tardive et violation des obligations secondaires imposées par la directive.

L'article 8, relatif à la transposition, complète la directive concernant la mise en décharge des déchets. Il soumet à une procédure simplifiée l'exploitation des installations de stockage de déchets inertes.

En effet, un régime d'autorisation est prévu, mais dans des conditions moins contraignantes que ce qui existe en matière d'installations classées.

Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, nous ne sommes pas opposés par principe aux mesures allant dans le sens d'un allégement des procédures. Nous vous demandons cependant, madame la ministre, d'apporter des garanties sur le contrôle effectif et sur le suivi de ces installations, d'autant que les conditions de renouvellement de l'autorisation sont inconnues. Il s'agit d'éviter que ces décharges ne deviennent le lieu d'abus et que certains produits toxiques qui doivent être déposés dans des centres de stockage de classe 1, ce qui est onéreux, y soient illégalement entreposés. C'est pourquoi je souhaite qu'un contrôle rigoureux soit effectué, même si l'autorisation initiale est simplifiée.

Enfin, l'article 9 anticipe un retard potentiel dans la transposition de la directive établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la communauté, au titre du protocole de Kyoto.

Tout d'abord, je tiens à exprimer ma désapprobation sur la méthode employée par le Gouvernement qui a déposé, en dernière minute, un amendement devant l'Assemblée nationale. Ainsi, je rejoins les critiques formulées par mon collègue et ami le député André Chassaigne. Il a finalement voté contre ce texte pour protester contre ce qui est au mieux une improvisation, au pire une volonté d'éluder les questions quant aux objectifs qui sont recherchés. En effet, ces questions méritaient un véritable débat : il y a urgence !

Sur le fond, les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen se sont opposés, dès la loi d'orientation sur l'énergie, à l'idée d'une bourse d'échange des quotas. Pouvoir acheter un droit à polluer renvoie à des dynamiques bien connues où les plus riches sortent gagnants, l'exemplarité et la vertu pour les plus pauvres, les bénéfices pour les plus riches. Nous avons déjà vu cela quelque part...

Par ailleurs, il y aurait à redire sur la générosité du Gouvernement qui a émis un nombre important de quotas limitant ainsi les efforts des pollueurs !

Enfin, je ne veux pas terminer sans souligner les contradictions d'une politique des transports favorisant à la fois la route et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Afin d'éviter les coûts de réparation, qui sont gigantesques, nous demandons que la France se décide à mettre en oeuvre des politiques compatibles avec un développement durable et solidaire.

En conclusion, madame la ministre, sachez que je rejoins les observations de M. le rapporteur sur les méthodes de travail du Parlement et que je partage son souhait que les questions environnementales soient mieux prises en compte.

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