Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote de la transposition de différentes directives européennes en droit national est devenu une procédure classique, nécessaire et incontournable vu l'importance, en particulier en matière d'environnement, de l'élargissement des compétences de l'Union européenne à travers ses institutions que sont la Commission, le Parlement et le Conseil. Pas moins de 708 textes juridiques et 260 directives ont déjà été publiés par l'Europe ! C'est dire l'importance de la législation dans ce domaine aujourd'hui !
Cette politique européenne a commencé timidement en 1972, avec une première communication. Elle s'est poursuivie en 1977 avec la définition de cinq objectifs : la prévention et la suppression des nuisances et des pollutions ; la recherche d'un équilibre écologique et de la protection de la biosphère ; la conservation des oiseaux sauvages avec la directive 79/409/CEE du Conseil, dite directive « oiseaux » ; l'exploitation des ressources naturelles compatible avec le maintien du milieu naturel ; enfin, la recherche de la qualité de la vie et la prise en compte de l'environnement dans les questions d'aménagement.
En 1982 apparaît la fameuse directive 82/501/CEE du Conseil concernant les risques d'accidents majeurs de certaines activités industrielles, dite directive « SEVESO ». Elle impose aux industriels de toute la CEE de soumettre aux autorités nationales des dossiers techniques destinés à évaluer les risques liés aux installations, afin que les Etats prennent toutes les dispositions nécessaires pour prévenir les risques majeurs.
En 1986, un nouvel article de l'Acte unique permet « de préserver, de protéger et d'améliorer la qualité de l'environnement ». L'objectif affiché est surtout d'harmoniser les normes, afin de faciliter les échanges et d'empêcher les distorsions de concurrence.
En 1995 est confortée la volonté, qui figurait déjà implicitement dans le traité de Maastricht, d'afficher une politique européenne de l'environnement, puisqu'il est affirmé, dans la version consolidée de l'article 6 du traité instituant la Communauté européenne, que les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans toutes les politiques et actions de l'Union européenne.
En dernier lieu, je rappelle que l'Union européenne a été le pilier du protocole de Kyoto, avec des engagements de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 8 % par rapport à 1990 et avec un système d'échange de droits à polluer.
A travers ce rappel historique, on voit bien que la politique environnementale, devenue un volet à part entière, constitue un pas important dans l'intégration européenne.
Mais, devant les retards répétés de la France dans la mise en oeuvre de cette procédure parlementaire de transposition des directives européennes, on est en droit de s'interroger sur la vigueur réelle des convictions européennes des pouvoirs politiques français, qu'ils soient de gauche ou de droite d'ailleurs. En effet, nous sommes au vingt et unième rang pour l'exécution des directives et nous sommes toujours, paraît-il, en termes journalistiques, « les cancres de l'Europe » par notre lenteur, sinon par notre inertie à avancer dans l'application de la législation européenne.
Au-delà des effets d'estrade, des joutes oratoires à chaque élection, l'Europe du concret, surtout en matière environnementale, avance bien timidement ; je le regrette très vivement. C'est même sous la menace de condamnations et d'amendes financières que nous finissons, parfois même à contrecoeur, de faire ces opérations de transposition, souvent d'ailleurs dans la précipitation, par ordonnance, de manière très parcellaire et sans vision d'ensemble.
Il faudra bien un jour que nos gouvernements et le Parlement décident, par une loi organique, que toute directive européenne doit absolument figurer en priorité à l'ordre du jour du Parlement. Ce serait un signe fort adressé à l'opinion publique et à la presse pour traiter de ces questions en toute sérénité et avec le sérieux nécessaire. A défaut d'une telle décision, l'euroscepticisme aura toujours de beaux jours devant lui et continuera de croître et d'embellir dans l'opinion publique française !
Ces textes une fois votés, encore faut-il que nous mettions aussi plus d'ardeur, sinon d'enthousiasme, pour traduire dans le concret ce que nous avons décidé. Je citerai la mise en oeuvre de Natura 2000, exemple que j'ai vécu personnellement et qui est significatif, puisque les seuils de territoires classés ne sont seulement que 2 % du territoire pour la directive « oiseaux » et 7, 7 % pour la directive « habitat », même si, depuis quelques mois - je le sais depuis peu -, nous avons fait des efforts qui ont l'air de porter leurs fruits. Là encore, il faut que, collectivement, nous assumions la nécessité fondamentale de légiférer dans le domaine environnemental, de surmonter les tensions entre l'intérêt environnemental et les intérêts économiques nationaux.
C'est parfois, et même souvent, difficile, je le comprends bien, étant donné la lenteur que nous mettons à faire approuver le fameux projet de loi sur l'eau, auquel nous travaillons depuis huit ans, cinq ans avec un gouvernement de gauche et presque quatre ans maintenant avec un gouvernement de droite ! Vous m'avez confirmé voilà peu, madame la ministre, que le texte serait examiné à l'Assemblée nationale au mois de février, mais quand même ! Pourquoi autant de temps ?
Il est vrai que la pression des lois du marché, de la productivité toujours croissante, du profit à court terme est vive. L'économie de marché est souvent incapable de déterminer un développement durable. Il faut par conséquent que l'Etat soit le garant de l'intérêt général, car les entreprises ont tendance à externaliser les coûts écologiques vers l'ensemble de la société. On ne peut pas impunément laisser saccager forêts, eau et sol, par exemple.
Les propositions qui nous sont faites aujourd'hui, madame la ministre, nous les approuvons sans restriction et sans réserve, parce qu'elles s'inscrivent dans cette nouvelle gouvernance nécessaire pour gérer la politique environnementale autour du développement durable.
Sans dégrader la compétitivité de l'économie française, ces textes ont au moins la vertu d'éviter les distorsions de concurrence à l'échelon de l'Europe, d'améliorer l'information, la transparence, la lutte contre les nuisances sonores, le stockage des déchets inertes et la mise en oeuvre des accords de Kyoto. Cet accord international important constitue une première étape pour mettre l'ensemble des pays de la planète aux mêmes normes environnementales. Il a été ratifié par 128 pays, mais on peut effectivement regretter que, jusqu'à maintenant, les Etats-Unis aient refusé obstinément de s'inscrire dans cette politique.
Les textes m'inspirent toutefois quelques réflexions à propos des infractions et des pénalités possibles.
Avant de prévoir des pénalités financières, il serait utile de faire appliquer de manière plus forte le principe pollueur - payeur, comme cela avait été voulu au sommet de Rio en 1982. Il faut agir sur les prix de façon à internaliser l'effet externe et pour que ceux qui polluent payent la dépollution. En permanence, notre pays, l'Union européenne, doivent être au coeur de la régulation des problèmes environnementaux, comme vous nous le proposez, sous la forme soit d'interdictions, soit de normes qui définissent des niveaux de pollution admissibles.
Ces textes posent aussi la question de l'application réelle des contraintes. Manifestement, madame la ministre, il manque beaucoup trop de personnel dans votre jeune administration du ministère de l'environnement et dans les directions régionales de l'environnement, les DIREN, pour faire appliquer correctement ces textes.
De plus, on a parfois le sentiment d'une application à géométrie variable selon les départements et les régions. Mieux vaudrait codifier les choses, afin qu'elles ne prêtent pas à des interprétations parfois contradictoires sur le terrain. Il faudrait aussi que la police de l'environnement ait véritablement les moyens de verbaliser de nombreuses infractions, hélas ! vécues de manière violente par les populations.
S'agissant des déchets inertes, par exemple, il faut donner un peu plus de souplesse à l'autorisation. Dans les parcs du Nord - Pas-de-Calais, je peux vous assurer que des entreprises en prennent parfois beaucoup à leur aise ! Elles font des dépôts sauvages après des chantiers de voirie, ce qui indispose très fortement la population. Au-delà d'une procédure juridique plus souple, il convient d'être très exigeant à l'égard de ces personnes, de ces entreprises, qui en prennent parfois à leur aise pour démolir le bocage ou agresser véritablement le paysage.
Je m'interroge également sur le principe de subsidiarité. Selon le traité de Maastricht, l'Union européenne n'intervient que « dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres ». Il m'arrive néanmoins de m'interroger sur l'intérêt d'une codification uniforme à toute l'Europe. Ce principe de subsidiarité est-il vraiment appliqué dans le domaine de l'environnement ? Ne faudrait-il pas laisser une marge de manoeuvre un peu plus grande à chaque nation ?
Je terminerai par le problème des moyens humains et financiers de votre ministère pour la mise en place d'une politique environnementale volontariste et ambitieuse. Pour que l'Etat soit efficace, il faut qu'il soit crédible et qu'il ait les moyens de faire émerger une conscience citoyenne pour la préservation durable de l'environnement. C'est un enjeu majeur pour notre société ! Par conséquent, j'espère que vous aurez, demain, les moyens financiers de mettre en oeuvre une telle politique.