Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 18 octobre 2005 à 21h45
Sécurité et développement des transports — Article 13

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Or, le partenariat public-privé consiste, lorsque l'on doit affecter un ensemble de tâches, à faire appel à un interlocuteur unique. Très souvent, deux, trois voire quatre grands groupes peuvent alors répondre à l'appel d'offres, au détriment de centaines de milliers d'entreprises petites, moyennes et grandes. Il y a là un vrai problème.

Monsieur le ministre, vous avez récemment déclaré qu'il s'agissait d'un mode de financement innovant. J'ai été très étonné de vous entendre utiliser cet adjectif, même si je n'ignore pas que vous avez expérimenté cette pratique, dans le domaine des prisons en particulier.

Affirmer qu'il faut apporter une seule réponse aux questions du financement, de la conception, de la construction, de l'exploitation, de la maintenance et de l'entretien d'un ouvrage ou d'un ensemble d'ouvrages, cela revient forcément à faire appel à une entité importante qui sera à la fois le concepteur, l'architecte, le banquier, le constructeur, tous corps d'Etat confondus, et que cette entité va entretenir, maintenir et exploiter le bien. Pourquoi refuser de donner leur chance aux entreprises de notre pays qui, chacune dans leur domaine, peuvent concourir ?

On nous affirme que les partenariats publics-privés résoudront tous les problèmes. Mais finalement, à quoi servent-ils ? Ils servent uniquement à faire payer les générations futures.

Vous avez raison, monsieur le ministre, cette pratique est innovante ! C'est vraiment une riche idée ! Il fallait y penser ! Les partenariats publics-privés permettent de faire réaliser un ouvrage, quelle que soit sa nature, comme l'a souligné M. Michel Teston, sans rien dépenser ! Voilà qui est vraiment innovant : c'est même magnifique ! Mais il faudra supporter la charge d'un loyer pendant vingt, trente, quarante ou cinquante ans !

Chacun de nous voit bien les grandes difficultés qui résultent du recours à cette procédure.

Tout d'abord, et cela a été précisé par écrit, pour faire appel aux partenariats publics-privés, il faut que l'administration, le service public, l'entité en cause démontrent soit que le sujet était trop complexe pour qu'il puisse le traiter - RFF devra donc démontrer que la réalisation de tel ouvrage est trop complexe pour lui -, soit qu'il y a urgence. Or, une administration, un service public savent bien quels travaux doivent être réalisés. Ils sont dans l'obligation de les prévoir et ils le font souvent longtemps à l'avance. La difficulté tient au fait qu'ils ne parviennent pas à réaliser leurs prévisions.

J'appelle donc votre attention, mes chers collègues, sur le fait que les partenariats publics-privés tuent la concurrence, qu'ils constituent une prime aux grandes entités et, enfin, que l'organisme qui souhaite y recourir doit prouver qu'il y a urgence ou que le sujet est trop complexe pour qu'il puisse le traiter.

Enfin, cette histoire comporte un gag : une étude préalable devra démontrer qu'il est plus rentable pour la collectivité publique de faire appel à un partenariat public-privé plutôt que de réaliser un ouvrage en gestion directe ou en gestion déléguée.

Eh bien, mes chers collègues, je vous souhaite bon courage ! Je ne doute pas de l'arrivée sur le marché d'officines qui ne manqueront pas de démontrer que, en faisant appel à un partenariat public-privé, à échéance de vingt, trente ou quarante ans, on aura dépensé moins d'argent !

Or, cela est indémontrable ! Il en résulte de multiples risques de contentieux, d'où le faible succès des partenariats publics-privés. C'est sans doute la raison pour laquelle M. de Villepin affirme qu'il faut relancer ce type de financement. Je vous souhaite une nouvelle fois bien du courage, mes chers collègues !

Pour notre part, nous sommes partisans d'une concurrence saine, faisant appel à la pluralité des entreprises de notre pays pour réaliser les infrastructures dont la France a besoin.

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