Intervention de Gisèle Gautier

Réunion du 12 juillet 2005 à 9h45
Égalité salariale entre les femmes et les hommes — Discussion d'un projet de loi

Photo de Gisèle GautierGisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

... mais je n'insisterai pas, car tel n'est pas l'objet de mon intervention.

Plus grave encore, cette méthode pourrait produire des effets pervers, comme Mme Sittler l'a parfaitement exprimé. Soyons réalistes et efforçons-nous de concevoir des cadres juridiques compatibles avec la création d'emplois - objectif qui nous tient aujourd'hui à coeur et qui est prioritaire - et plus encore avec leur maintien sur le territoire.

Vous me permettrez d'intégrer dans le raisonnement un fait sociologique. Les femmes, dans leur grande majorité, s'autolimitent en matière de carrière et de revendications salariales ; elles ne savent pas et n'osent pas demander. Si le législateur doit soutenir leurs droits, il est en même temps assez naturel que nos travaux reflètent aussi leur attente qui n'est souvent rien d'autre que le respect de l'équité.

S'agissant des entreprises, j'ai pu constater, au cours des différentes auditions auxquelles a procédé la délégation, à quel point, pour certaines d'entre elles, la fixation d'objectifs chiffrés est un élément primordial des stratégies de réduction des disparités.

Je vous en livre un exemple frappant et réel : certains grands groupes, hélas peu nombreux ! ont pris à ce point conscience de la nécessité de développer la mixité professionnelle qu'ils se sont fixé des objectifs en matière de recrutement de femmes, et que c'est le bonus de leurs dirigeants qui est « pénalisé » lorsque le but n'est pas atteint.

Il faut reconnaître, soyons réalistes, que les entreprises les plus efficaces en matière d'égalité professionnelle ne sont pas toujours celles qui connaissent le mieux le détail de la réglementation. Quoi qu'il en soit, leur réussite tient à la mobilisation autour d'un objectif et on ne peut que regretter, encore une fois, qu'elles ne soient pas assez nombreuses aujourd'hui.

De ce point de vue, le texte que nous examinons a le mérite de délivrer un message particulièrement clair. De plus, la délégation a constaté que le projet de loi s'appuie sur le droit existant en insistant sur son application effective. Il n'ajoute donc pas de réelles complications dans le code du travail et il respecte l'exigence de stabilité des normes et des objectifs.

En ce qui concerne sa force contraignante, d'éventuelles pénalités calculées sur la masse salariale pourront être mises en place à titre dissuasif après le bilan qui sera effectué d'ici à deux ans, voire trois ans.

Mais la délégation a observé que, si les pénalités sont différées, le texte comporte néanmoins des dispositifs fortement et immédiatement contraignants, comme le refus d'extension des accords de branche, au cas où l'égalité des rémunérations n'aurait pas fait l'objet de discussions et de résultats satisfaisants. Ce sont là des mesures qui devraient se révéler efficaces.

Je souhaite maintenant vous présenter les recommandations de la délégation, en vous montrant qu'elles sont essentiellement animées d'un souci du concret.

La première série de recommandations vise à favoriser la diffusion des « bonnes pratiques » en matière d'égalité salariale.

A l'évidence, et en pratique, l'une des meilleures façons d'appliquer la loi est de s'inspirer des accords existants. Le prolongement direct du projet de loi est donc, comme le souligne la délégation, de faciliter la diffusion des expériences réussies, en s'efforçant tout particulièrement de lever les obstacles juridiques à la mise en ligne sur Internet des accords d'égalité professionnelle. Un amendement a été déposé en ce sens, auquel je souscris totalement en espérant qu'il sera adopté. L'objectif, c'est qu'en « cliquant » la bonne rubrique d'un site adéquat, un entrepreneur ou un directeur des ressources humaines puissent trouver immédiatement des exemples d'accords déjà conclus. C'est un affichage lisible par tous et surtout incitatif à l'égard des autres entreprises.

Il faut aussi tendre à généraliser au sein de l'entreprise la présence d'une interlocutrice à l'écoute des salariées pour améliorer les possibilités de médiation et de dialogue.

Il est vrai que les femmes n'ont pas de référente dans les petites et moyennes entreprises et qu'en l'absence de représentants syndicaux elles n'osent pas toujours se confier à un homme, et ce encore moins si c'est un supérieur hiérarchique, voire le chef de l'entreprise. Certes, une mesure législative générale et contraignante en la matière est inimaginable pour l'instant, j'en ai tout à fait conscience. Pourtant, la conviction de la délégation est que, partout où cela est possible, il faudrait aménager, pour les salariées, une possibilité de dialogue et de rencontre.

Par ailleurs, la délégation recommande de veiller, dans la gestion des ressources humaines des entreprises et des collectivités publiques, à mieux articuler la mobilité professionnelle avec le souci de rapprochement des conjoints.

Depuis la loi Roustan du 30 décembre 1921 - elle est si ancienne que l'on ne s'en souvient plus ! - le statut de la fonction publique comporte un dispositif juridique assez précis dans ce domaine. Cependant, comme les débats au sein de notre délégation l'ont souligné, ce dispositif ne résout pas tous les cas concrets et il faut veiller à en perfectionner l'application.

Pour les salariés, aucune disposition du code du travail n'évoque directement le souci de rapprocher les conjoints, à deux exceptions près : la synchronisation des congés annuels et la possibilité de démissionner pour suivre son conjoint, sans perdre ses droits à l'assurance chômage. C'est là un problème humain essentiel que nous avons eu l'occasion d'évoquer lors de nos entretiens avec vous, madame la ministre. Sa solution ne peut pas faire l'objet d'une formule juridique simple. Je souligne, au nom de la délégation, que les entreprises, et au moins celles d'une certaine taille, doivent se soucier du couple autant que faire se peut dans les décisions de mobilité professionnelle.

J'ajoute que, dans les cas, les plus nombreux, où elles suivent leur conjoint, en France ou à l'étranger, les femmes connaissent une période de recherche d'emploi. Se trouvant au chômage, elles sont une nouvelle fois pénalisées. Cela n'est pas acceptable, notamment dans le secteur public. Nous avons eu de multiples témoignages à cet égard.

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