Intervention de Michel Billout

Réunion du 18 octobre 2005 à 21h45
Sécurité et développement des transports — Article 15

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Dans sa rédaction initiale, la disposition prévue par l'article 15 du projet de loi tend à instaurer un mécanisme de répercussion des variations du prix du gazole dans le prix du transport facturé aux chargeurs.

Cette mesure peut paraître juste - c'est pourquoi nous voterons l'article 15 -, mais sa portée reste pourtant largement insuffisante.

En effet, cette mesure va être difficilement applicable en l'état puisque, depuis 1986, année où une directive de libéralisation a imposé la liberté des prix dans le secteur du transport de marchandises, il n'existe pas de réglementation relative à la tarification du transport routier de marchandise.

Par ailleurs, si le secteur routier souffre de la hausse des prix du pétrole, il souffre encore plus de la sous-tarification des transports. En effet, la libre concurrence sauvage mise en oeuvre au niveau européen favorise le dumping social. Ce sont donc tous les modes de transport qui subissent les effets pervers de cette politique libérale des transports : le secteur routier certes, mais également, comme nous l'avons déjà indiqué, le secteur ferroviaire, même s'il est vrai que, s'agissant notamment de l'externalisation des coûts, ces deux modes de transport ne sont pas tout à fait égaux.

Ainsi, l'externalisation des coûts, qui était estimée, en 2000, à 230 milliards d'euros au niveau de l'Europe des Quinze, met clairement en évidence cette inégalité : 1, 95 % de cette externalisation était imputable au secteur ferroviaire, contre 96, 90 % au secteur routier.

Ces coûts externes sont essentiellement supportés par la collectivité en général, mais ils le sont de plus en plus par les collectivités territoriales, et ils ne sont pas réellement imputés à l'activité de transport. De toute façon, c'est le contribuable qui paye.

Cette situation est évidement entretenue par le patronat privé ; elle lui permet non seulement de se soustraire à la prise en charge des nuisances et des effets secondaires de son activité, mais également d'user d'un outil de production à sa disposition à moindre frais, voire gratuit. C'est notamment le cas pour le transport routier s'agissant de l'infrastructure, mais aussi au regard des conditions sociales réservées aux salariés, des nombreux allégements de charges et des défiscalisations accordés au patronat.

Cette absence de prise en compte de la réalité des coûts a une incidence directe sur la sous-tarification du transport routier. Elle joue un rôle de premier ordre dans le dumping tarifaire, fiscal et social qui fertilise la crise profonde de ce secteur.

Devant ce constat alarmant, et dans un souci de préservation des fonds publics, nous proposons de mettre en place, aux niveaux français et européen, une tarification sociale obligatoire, c'est-à-dire un prix minimum qui prenne en compte les problématiques sociale, économique et environnementale : salaires, qualifications, baisse du temps de travail, coût des infrastructures, coût de l'application du droit du travail et, bien évidemment, coût environnemental.

Tel est le sens de notre amendement.

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