Je doute que les mères de famille qui s'occupent de leurs enfants à plein temps en favorisant leur éveil et leur épanouissement apprécient les termes de « trappe à inactivité ». Il s'agit, pour les mères qui le souhaitent, de pouvoir arbitrer entre leurs activités, et ce n'est pas là tomber dans je ne sais quelle trappe, car elles jouent en réalité un rôle fondamental dans notre société, rôle dont nous ne tenons pas compte puisque le travail accompli n'est ni rémunéré ni pris en compte économiquement à sa valeur sociale réelle.
Aussi, je regrette vraiment que le rapport n'ait pas soulevé cette question essentielle, alors même que la part des allocations familiales dans les revenus des ménages n'a cessé de diminuer depuis le début des années cinquante par rapport à celle des salaires.
Lorsque les femmes souhaitent exercer une activité salariée, il faut qu'elles disposent, à travail égal, d'un salaire égal à celui des hommes, mais il faut aussi favoriser leur liberté d'organisation, en permettant à celles qui veulent bien mettre au monde et élever des enfants, qui sont certes les leurs, mais aussi en quelque sorte les nôtres, de le faire.
Je vous recommande à ce propos, mes chers collègues, la lecture de l'article de Michel Godet intitulé La famille, une affaire publique, paru dans la dernière revue Futuribles. Quelques vérités élémentaires y sont opportunément rappelées.
N'oublions pas, en effet, que l'avenir des retraites par répartition dépend directement de la famille. Nous profitons du fait que le travail maternel n'est pas rémunéré par la société au niveau du profit réel que celle-ci en tire. Favorisons la liberté des femmes dont nous sommes tous bénéficiaires et gardons-nous de paraître accuser celles-ci d'être inactives lorsqu'elles choisissent, momentanément ou plus durablement, le travail maternel et non pas le travail salarié.
L'inégalité la plus grande est celle qui oblige certaines femmes à renoncer au travail maternel faute de ressources suffisantes. Ne serait-ce pas pour masquer cette plus scandaleuse inégalité que certains s'efforcent de culpabiliser et de pénaliser le travail maternel ? C'est en tout cas un très mauvais calcul, de tout point de vue.
Sur le plan social, il n'y a d'humanité, de fraternité et de société durable que s'il y a des familles avec des enfants. Et, sur le plan de la justice, faire de la maternité et du travail familial qui l'accompagne soit un luxe réservé aux classes aisées, soit la richesse secrète, mais coûteuse, des prolétaires, conduit à une impasse.
C'est pourquoi cette question restera encore longtemps pendante dans nos sociétés, obnubilées par des comptabilités restreintes et restrictives, qui mesurent de manière partielle et partiale les inégalités.
Cette situation rend d'autant plus urgente la nécessité de remédier, si possible, aux inégalités salariales et de faciliter l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale, faute de pouvoir assurer d'emblée une égalité totale entre les femmes pour arbitrer entre le travail professionnel et le travail familial.
Cela dit, ce projet de loi prévoit des mesures intéressantes visant à faciliter la vie des femmes et le fonctionnement des entreprises, afin de concilier vie familiale et vie professionnelle.
Je citerai, notamment, l'aide financière forfaitaire accordée aux petites entreprises de moins de cinquante salariés qui souhaitent procéder au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption, la possibilité pour les partenaires sociaux de la branche concernée de prévoir une majoration de l'allocation de formation de 10 % au moins pour le salarié qui engage des frais supplémentaires de garde d'enfant pour suivre une formation en dehors de son temps de travail, enfin l'extension du crédit d'impôt famille en faveur des entreprises qui engagent des dépenses pour assurer la formation de salariés qui ont été recrutés à la suite d'une démission pendant un congé parental d'éducation.
Vous privilégiez, à juste titre, madame la ministre, les négociations par branche ou par entreprise en ce qui concerne l'évolution des salaires des femmes. En cas d'échec de ces négociations, le Gouvernement propose de mettre en place un dispositif plus contraignant : après avoir procédé à un diagnostic, obliger les branches professionnelles et les entreprises à programmer des mesures visant à supprimer les écarts salariaux.
Il est prévu d'imposer aux entreprises qui n'auraient pas ouvert de négociations salariales une contribution sur la masse salariale. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous donniez quelques précisions quant à la mise en oeuvre concrète de ce dispositif contraignant.
Le projet de loi prévoit également que les régions organisent des actions destinées à répondre aux besoins d'apprentissage et de formation, en favorisant un accès plus équilibré entre les femmes et les hommes.
La formation doit jouer un rôle majeur dans l'objectif d'égalité salariale, même si la progression du nombre de jeunes filles diplômées est spectaculaire depuis vingt ans. Le plan régional de développement des formations professionnelles devra ainsi assurer une présence équilibrée des femmes et des hommes dans chacune des filières de formation.
De plus, les contrats d'objectifs devront permettre une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les métiers préparés par les différentes voies de formation initiale et continue. Il est essentiel que les conseillers d'orientation dans les collèges et les lycées fassent connaître les filières où les offres d'emplois sont loin d'être satisfaites - ce qu'ils ne font pas toujours - et insistent sur le fait que certaines professions qui manquent de bras sont aujourd'hui ouvertes aux femmes.
Le projet de loi vise enfin à assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises publiques. Il prévoit de supprimer en cinq ans l'écart de représentation entre les sexes, s'agissant de la nomination des personnalités qualifiées proposées par les ministères de tutelle. Je souhaite, naturellement, que nous évitions les quotas ; ceux-ci doivent à chaque fois être envisagés comme un dernier recours.
Par conséquent, tant pour les mesures favorables à l'adéquation entre la vie familiale et la vie professionnelle que pour le volontarisme fort dont il fait preuve dans le domaine de l'égalité salariale entre hommes et femmes, ce texte constitue une avancée sociale incontestable et mérite d'être largement soutenu.
Je souhaite enfin profiter de cette occasion pour adresser mes compliments tant à Mme Esther Sittler, pour son rapport, qu'à Mme Gisèle Gautier, pour son rapport d'information sur le sujet qui nous occupe.