Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous allez examiner est un texte attendu, très attendu, par les 460 000 infirmiers et infirmières de notre pays. Il créera l'ordre national des infirmiers, dont les représentants, élus par la profession, seront chargés d'élaborer les règles de déontologie, de les faire respecter et de concourir à la diffusion des règles de bonne pratique professionnelle.
Cette proposition de loi a été adoptée par les députés des groupes UMP et UDF à l'Assemblée nationale. Je veux ici rendre hommage au travail d'écoute et de concertation du rapporteur à l'Assemblée nationale, Mme Maryvonne Briot, et de l'auteur de la proposition de loi, M. Richard Mallié. Ce travail a permis d'élaborer un texte qui correspond aux attentes de la profession.
L'ordre des infirmiers doit répondre aux aspirations de l'ensemble des infirmiers, quels que soient leur statut ou leur mode d'exercice.
La profession infirmière occupe une fonction centrale dans la chaîne de soins. Au sein des établissements de santé, en collaboration avec les médecins qui y exercent, les infirmiers mettent en oeuvre des techniques et des protocoles toujours plus pointus, qui nécessitent des compétences et une formation toujours plus spécialisées. En exercice libéral ou au sein des services de soins à domicile, ils sont des intervenants essentiels pour le maintien à domicile des personnes les plus âgées et les plus faibles.
Les infirmiers et infirmières jouent également un rôle décisif dans toute politique de prévention ambitieuse. Leur implication est indispensable dans l'éducation thérapeutique et le suivi des malades chroniques, et l'apport de leur culture du soin est primordial dans la prise en charge des malades en soins palliatifs.
Les infirmiers et infirmières attendent donc une reconnaissance de leur profession à la hauteur de leur apport au système de santé. Ils veulent en maîtriser les enjeux éthiques, comme ceux qui portent sur la qualité de leur pratique.
Le texte qui vous est proposé répond à ces attentes. Fruit de la concertation engagée à ma demande par M. Édouard Couty et de celle menée à l'occasion de l'examen de la proposition de loi par le Parlement, ce texte traduit avant tout une volonté d'équilibre.
Le premier point de cet équilibre a trait au champ de compétence de l'ordre. Cet ordre sera chargé d'élaborer les règles de déontologie régissant les rapports entre infirmiers et patients et entre infirmiers eux-mêmes. Il sera également chargé de les faire respecter, au travers des chambres disciplinaires. Mais la compétence de l'ordre ne s'arrête pas là ; il est aussi chargé, avec la Haute autorité de santé, d'organiser l'évaluation des pratiques professionnelles et de diffuser les règles de bonne pratique. Il pourra enfin contribuer au débat, important, sur l'évolution de la démographie de la profession.
Les missions de l'ordre sont ainsi clairement distinctes de celles des syndicats qui, pour les salariés comme pour les infirmiers libéraux, conservent bien entendu leur pleine vocation de défense des intérêts des professionnels.
Le deuxième point de cet équilibre a trait à la représentation, au sein de l'ordre, des divers modes d'exercice. L'ordre doit assurer une représentation à la fois unitaire et fidèle de la profession. L'objectif est, je crois, atteint. Les conseillers ordinaux seront élus au sein de trois catégories représentant les trois principaux modes d'exercice - les salariés du secteur public, ceux du privé et les infirmiers libéraux -, mais aucune catégorie n'aura à elle seule la majorité des sièges, ce qui garantit la prise en compte des aspirations de l'ensemble de la profession.
Représentant l'ensemble des infirmiers, l'ordre devra être financé, pour assurer son indépendance, par une cotisation de tous les professionnels. Cette cotisation devra être modique - j'ai eu l'occasion de l'indiquer à différentes reprises -, c'est-à-dire forcément symbolique.
Le troisième point d'équilibre porte sur la structuration de l'ordre en trois échelons, départemental, régional et national. La concertation préalable à la loi a en effet montré le besoin de structures de proximité et d'un échelon départemental, qui se justifie largement par le nombre des professionnels et leur répartition sur le territoire.
La commission des affaires sociales, y compris vous-même, madame le rapporteur, s'est appuyée sur ces trois lignes de force pour améliorer la cohérence d'ensemble du texte. Je veux saluer tout particulièrement votre travail, madame Desmarescaux, un travail méthodique et approfondi qui s'accompagne d'une véritable vision des enjeux de la profession.
Je voulais mentionner un quatrième point, essentiel, mais qui ne figure pas dans ce texte, puisqu'il peut être mis en oeuvre par voie réglementaire. J'ai évoqué la mission de concertation confiée à M. Édouard Couty. Ses conclusions étaient claires : elles préconisaient à la fois la création d'un conseil national infirmier chargé de représenter la profession, d'établir ses règles déontologiques et de les faire respecter, et la création d'un haut conseil des professions paramédicales, destiné à remplacer l'actuel Conseil supérieur des professions paramédicales, qui n'est plus adapté.
Certains ne voudraient que d'un ordre sans conseil interprofessionnel, d'autres que d'un conseil interprofessionnel sans ordre. Les deux sont en fait indispensables. Au fur et à mesure que les professions se structurent, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, infirmiers maintenant, le besoin d'une organisation interprofessionnelle plus forte, traitant des sujets communs à l'ensemble des professions, est plus grand.
Toutes les organisations membres du Conseil supérieur des professions paramédicales ont été consultées. Comme je m'y étais engagé, le décret nécessaire à la création d'un haut conseil des professions paramédicales cheminera parallèlement à cette proposition de loi et sera publié avant la fin de l'année.
Je voudrais, à ce stade, évoquer un autre conseil interprofessionnel, le Conseil interprofessionnel des professions paramédicales, créé par la loi du 4 mars 2002. Il n'a jamais fonctionné et la création des ordres propres aux masseurs-kinésithérapeutes, aux podologues et aux infirmiers le rend de fait caduc. Vous allez proposer, madame le rapporteur, d'en tirer toutes les conséquences et de supprimer ces dispositions. Sachez d'avance que le Gouvernement vous soutiendra dans cette initiative.
La création de cet ordre, mesdames, messieurs les sénateurs, n'est que l'un des aspects de la politique que nous menons pour valoriser à sa juste mesure le métier d'infirmier.
Vous allez dans quelques semaines examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il comportera une disposition attendue par la profession, la reconnaissance du droit de prescrire des dispositifs médicaux. C'est une mesure de reconnaissance de la pleine compétence des infirmiers dans ce domaine, c'est aussi une mesure de simplification pour les infirmiers, les médecins et les patients. Ce premier pas en appelle d'autres, qui devront être largement concertés avec les différentes professions.
La valorisation de la profession passe également par une politique sociale et statutaire plus ambitieuse. S'agissant des infirmiers exerçant en établissement de santé, je viens de conclure le cycle de négociations entamé le 27 janvier dernier avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives de la fonction publique hospitalière. Un protocole d'accord sera proposé à leur signature le 19 octobre prochain.
Nous aurons dans les prochaines années à faire face à un choc démographique sans précédent puisque la moitié ou presque des effectifs hospitaliers partiront à la retraite d'ici à 2015.
Il nous faut tout faire pour donner envie non seulement d'entrer dans la profession, mais aussi et surtout de rester dans la profession, car notre volonté, donc notre politique, est d'éviter dans les années qui viennent toute crise des vocations. Mon ambition est à la fois d'agir sur le début des carrières et de prolonger la réflexion sur les fins de carrière.
Pour valoriser ces métiers, nous comptons non seulement rénover les statuts, améliorer le déroulement de carrières et le régime indemnitaire, mais aussi agir sur les conditions de travail.
Nous voulons ainsi réactiver les contrats locaux d'amélioration des conditions de travail pour, entre autres choses, réduire la pénibilité - mot qui pour moi n'est pas tabou s'agissant des infirmiers et infirmières -, prévenir les risques professionnels, la violence, et garantir l'hygiène et la sécurité au travail.
Nous comptons aussi donner accès à des facilités comme les crèches, par exemple en mutualisant plus que ce n'est le cas aujourd'hui les crèches relevant des établissements hospitaliers, de l'État ou des collectivités territoriales, voire des entreprises privées. J'envisage aussi d'améliorer l'accès au logement, en particulier dans les régions où les loyers sont élevés, notamment par la construction de logements sociaux locatifs supplémentaires.
Nous devons ainsi créer un meilleur environnement professionnel, car nous savons bien qu'aucun discours ne suffira si les choses ne changent pas sur le terrain. Notre objectif est donc de faciliter l'entrée dans la profession, mais aussi de penser tout particulièrement à la seconde partie de la carrière, et vous m'excuserez d'y insister autant ; car, même si les motivations sont intactes, on n'a pas forcément les mêmes capacités de travail à vingt-cinq ou à cinquante-deux ans, en raison notamment de la pénibilité que j'évoquais à l'instant.
Nous devons montrer que les choses changent pour les hospitaliers. C'est pourquoi le métier d'infirmier aura toute sa place dans la grande campagne de valorisation des métiers de l'hôpital qui sera lancée le 9 octobre prochain.
Tout cela participe de notre volonté de créer des conditions favorables au recrutement et à la pérennisation de l'emploi infirmier.
Vous savez combien je suis sensible à la question de la démographie des professions de santé ; aussi, je souhaite que nous analysions les besoins de la profession pour les années à venir, région par région. Je veux être sûr, tout comme vous, que le quota de places en instituts de formation en soins infirmiers, IFSI, actuellement fixé à 30 000, est bien suffisant, non seulement pour aujourd'hui ou demain, mais aussi pour après-demain. Je demanderai donc dans les semaines à venir à un conseiller général des établissements de santé d'expertiser cette question, bien sûr dans un cadre concerté, et de porter toute son attention sur les infirmiers spécialisés, en particulier les infirmiers anesthésistes et les infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État, les IADE et les IBODE, ainsi que sur ceux qui choisissent de travailler en psychiatrie. Car il ne sera plus temps, dans cinq ans ou dans dix ans, de regretter de ne pas avoir accepté aujourd'hui de relever ces quotas : je veux que la question soit tranchée dès maintenant.
S'agissant des infirmières libérales, il est indispensable que les négociations entre l'assurance maladie et la profession débutent rapidement - débutent enfin. L'enquête de représentativité, qui doit déterminer les syndicats habilités à négocier avec l'assurance maladie, sera achevée au mois d'octobre. Par ailleurs, je viens d'écrire au directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, afin qu'il engage immédiatement les négociations avec les syndicats représentatifs, que ce soit sur l'évolution des indemnités kilométriques, sur l'évolution de la nomenclature, ou encore sur le développement de la démarche de soins infirmiers. C'est avant tout une question de reconnaissance pour ces professionnels.