L'ordre aurait des compétences en matière disciplinaire.
Mais les infirmiers sont déjà soumis, en cas de faute ou de présomption de faute, au conseil de discipline ou aux autres instances judiciaires !
La loi, et notamment les procédures pénales qu'elle prévoit, encadre déjà le travail des infirmières et infirmiers. Pourquoi ajouter encore une instance de discipline ?
Et ce n'est pas tout : l'ordre aurait compétence pour préparer un code de déontologie.
Mais, là encore, les bases légales existent déjà puisque les règles professionnelles sont définies dans un texte qui constitue un véritable code de déontologie.
Enfin, l'ordre pourrait organiser toute oeuvre d'entraide et de retraite.
Mais les infirmiers peuvent, comme tous les autres citoyens, disposer du système de solidarité nationale. Pourquoi mettre en place des dispositifs annexes ou subsidiaires s'ajoutant à ceux qui existent ?
Décidemment, la création de cet ordre paraît bien hors de propos au regard des questions qu'il faudrait aborder, et il est regrettable que ce débat vienne court-circuiter les discussions de fond sur le métier infirmier.
Ce métier est en pleine mutation. Les moyens sont de plus en plus insuffisants alors que les besoins vont croissant. La population est vieillissante et la question de la dépendance se pose avec force. La précarité et la pauvreté qui, malheureusement, s'étendent dans notre pays conduisent aussi à l'augmentation des besoins en soins.
Parallèlement à ces besoins matériels et humains en hausse, les infirmiers et infirmières subissent de plein fouet les restrictions budgétaires et sont contraints de soumettre leurs pratiques à des objectifs d'économie et de rentabilité.
Il est regrettable d'opposer, de mettre dos à dos infirmiers libéraux et infirmiers salariés, ou encore infirmiers du secteur public et infirmiers du secteur privé. Cela ne correspond pas à la réalité, car, sur le terrain, il n'y a pas d'opposition de cette sorte entre les différentes organisations de personnels, qu'elles soient syndicales ou associatives.
Il est regrettable d'exploiter le malaise d'une profession attaquée de toute part dans ses fondements en montant les catégories professionnelles les unes contre les autres.
La création de cet ordre infirmier ne va décidemment pas dans le bon sens : au-delà des différents points que je viens d'aborder, comment justifier le caractère obligatoire de la cotisation pour adhérer à l'ordre ?
C'est un bouleversement profond et sans réelle justification de l'organisation de la profession. D'ailleurs, ce dont nous discutons est pratiquement ignoré par le plus grand nombre.
L'entrée dans le métier se faisait jusqu'à présent par l'obtention d'un diplôme, garant d'un niveau de qualifications et de compétences spécifiques. Avec l'adhésion obligatoire à l'ordre pour pouvoir exercer, on ajoute une étape supplémentaire qui ne se justifie aucunement.
Surtout, si l'adhésion est obligatoire, elle met en cause le libre droit de se syndiquer ou d'adhérer à une association quelconque. Qu'est-ce qui justifie une telle mise en cause des libertés fondamentales ?
Enfin, cette cotisation obligatoire, dont le montant pourrait être fixé à 40 euros, constituera une lourde charge supplémentaire pour des personnels dont le niveau de rémunération n'est pas très élevé.
Si cet ordre ne remplit des fonctions d'aide et de soutien qu'au bénéfice des personnels libéraux, pourquoi rendre cette cotisation obligatoire pour tous ? Pourquoi tous devraient-ils adhérer à une instance qui risque de surcroît de se révéler un outil de surveillance et de contrainte supplémentaire au lieu d'un outil de défense des droits ?
L'exemple des professions dans lesquelles existe un ordre devrait d'ailleurs plutôt nous inciter à nous méfier des risques que ferait peser sur les infirmiers la création d'un nouvel ordre.
Ainsi, pour les masseurs-kinésithérapeutes, le montant des cotisations ne cesse de s'élever - il doit passer à 200 euros l'an prochain - et l'ordre demande de plus en plus de moyens. Il serait étonnant qu'il n'en aille pas de même pour les infirmiers puisque l'on reçoit des demandes de budgets supplémentaires pour le fonctionnement de leur ordre alors que celui-ci n'est pas même créé !
Pourquoi ne pas donner des moyens aux organisations existantes plutôt que de créer une instance qui est loin d'avoir fait ses preuves dans les autres professions ? Je souligne par ailleurs que, depuis plusieurs années, un nombre croissant de médecins refusent de payer leur cotisation à l'ordre pour dénoncer l'inefficacité et l'opacité du système.
Plus généralement, l'expérience montre que les ordres s'occupent surtout de discipline et qu'ils laissent souvent le professionnel seul responsable des difficultés de son métier.