Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 1er août 2007 à 15h00
Travail emploi et pouvoir d'achat — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Ce n'est guère défendable, mais c'est ainsi !

... soit, plus prosaïquement, parce qu'ils ignorent avoir un droit à remboursement.

La réforme du bouclier fiscal proposée par le TEPA était l'occasion de revenir sur ce dispositif. Chacun devrait être en mesure de liquider son bouclier fiscal et de calculer son impôt. Mais l'amendement de la commission ne visait que les redevables de l'ISF. À ce titre, il n'était pas totalement satisfaisant. Un tel dispositif d'autoliquidation devrait pouvoir profiter à tous les contribuables, d'autant que le bouclier fiscal est spécifiquement calibré pour ne pas profiter uniquement aux redevables de l'ISF, comme l'a rappelé M. Girod.

Dans ces conditions, il paraît légitime que l'on prenne un peu plus de temps pour étudier la manière de mettre en place un mécanisme de crédit d'impôt pour tous les bénéficiaires du bouclier. Poser la règle de l'autoliquidation résoudrait le problème mais complexifierait les déclarations. Pour prendre en compte le fait qu'en chaque contribuable ne sommeille pas toujours un fiscaliste chevronné, le groupe UC-UDF avait formulé une solution alternative selon laquelle il reviendrait à l'administration fiscale de liquider elle-même le bouclier fiscal. Cette solution me semble également très intéressante à étudier.

Par ailleurs, - j'entre dans le vif du sujet - pour nous, sénateurs, représentants des collectivités locales, l'un des points les plus saillants de cette CMP était naturellement la question de la compensation intégrale aux collectivités des remboursements dus au titre du bouclier fiscal. Ce remboursement nous semble l'une des conséquences imprescriptibles du principe constitutionnel d'autonomie, notamment financière, des collectivités territoriales dans le cadre de l'organisation décentralisée de la République.

Madame la ministre, nous ne pouvons que nous réjouir que vous confirmiez ce point. C'est un signal fort pour que soient améliorées les relations entre l'État et les collectivités locales. Et ce n'est pas un enjeu mineur, non pas au regard de la somme en question - environ 21 millions d'euros - mais en raison de l'aspect psychologique. L'amélioration de ces relations est un pan important de la réforme et de la modernisation de nos institutions publiques. C'est un volet de la réforme de l'État, pris au sens large. Et nous croyons que ce volet sera loin d'être neutre financièrement.

Cela me permet d'aborder la question de la philosophie générale du texte. Je l'ai déjà dit et je le répète, si les dispositions contenues dans le présent texte semblent aller dans le bon sens, elles devront très rapidement être accompagnées de sévères mesures d'ajustement budgétaire.

Oui, les mesures du TEPA peuvent rassurer. C'est le cas, en particulier, de la défiscalisation des heures supplémentaires.

C'est également le cas de la réforme du bouclier fiscal, sous les réserves que nous avons formulées quant à la question de sa liquidation.

Élu dans le VIIe arrondissement de Paris, je n'ai pas choisi mes électeurs. Je regrette que l'on ne se soit pas attaqué à l'ISF. Il ne s'agit pas de défendre les riches, il s'agit de préserver les richesses de la France. Les habitants du VIIe arrondissement sont très polis, mais nombre d'entre eux sont délocalisés fiscalement.

Vous le savez, je suis un bon militant, un sénateur qui défend ses électeurs et la politique du Gouvernement. Lorsque j'évoquais avec eux la question de réforme du bouclier fiscal, il y avait, madame la ministre, une sorte d'indifférence polie. Ils. ne sont pas rassurés. Il faudra examiner, dans un an ou deux, si ce bouclier fiscal a permis le retour de ces « émigrés », car le VIIe arrondissement est un territoire d'émigrés fiscaux.

Je le dis parce que c'est important. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas saisi l'occasion de la « rupture » mise en mouvement par Nicolas Sarkozy pour aller jusque-là. Nous y reviendrons lorsque nous disposerons d'une évaluation.

Par ailleurs, il fallait bien sûr encadrer les parachutes dorés pour moraliser le capitalisme.

Enfin, tout faire pour activer les minima sociaux, pour lutter contre les trappes à pauvreté et à inactivité, est nécessaire pour combattre efficacement le chômage. Je redis à M. Hirsch - je le lui ai déjà dit lors de mon explication de vote sur l'ensemble en première lecture - que son passé plaide pour toute action et que nous pouvons quasiment rester les yeux fermés devant ce qu'il fait. Nous l'encouragerons, parce que sa réussite sera la réussite de notre pays.

Donc, toutes ces mesures semblent aller dans le bon sens. Mais elles représentent près de 14 milliards d'euros de non-rentrées fiscales. Celles-ci devraient être compensées par la confiance, le mouvement et le dynamisme économique que ces mesures devraient créer ; c'est ce que nous espérons.

Mais, vous le savez, madame la ministre, l'état des comptes publics n'est pas bon, sans tenir compte de l'augmentation des taux d'intérêts que nous connaissons actuellement. De surcroît, il faudra consacrer 15 milliards d'euros pour les autres mesures correspondant aux engagements du candidat président, tout en conservant l'objectif d'un retour à l'équilibre des finances publiques à l'horizon 2012. Ainsi, environ 80 milliards d'euros devront être trouvés d'ici à cinq ans. Certes, le mouvement compense tout cela, mais les chiffres sont là.

Et je ne parle pas des 45 milliards d'euros de la programmation militaire qui devront être budgétés, même si certaines de ces dépenses, monsieur Fréville, s'échelonneront jusqu'en 2020-2024. Dans la lettre qu'il a adressée à la commission chargée de l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le Président de la République vient de rappeler que l'effort de défense devrait être maintenu à 2 % du PIB. C'est une bonne chose, mais c'est un effort budgétaire supplémentaire.

Madame la ministre, me souvenant de mes cours d'économie, je dirai que la logique du TEPA est keynésienne. C'est de la dépense fiscale. En redonnant du pouvoir d'achat, par le biais de la fiscalité, on stimule la consommation, ce qui peut être une bonne chose lorsque l'économie souffre de chocs de demande. Encore faut-il que l'économie nationale soit suffisamment protégée de la concurrence étrangère ou que ses produits soient suffisamment compétitifs.

Or aujourd'hui, en France, nous ne réunissons aucune de ces conditions. C'est pourquoi nous devons rompre avec la logique keynésienne qui a toujours été celle de notre pays depuis cinquante ans. Notre environnement économique n'a plus rien à voir avec celui de l'après-guerre. Les chocs qui affectent notre économie sont de nature structurelle. À chocs structurels, remèdes structurels. Ce n'est qu'au prix d'un assainissement des comptes publics, d'une véritable réforme de l'État et du financement de la protection sociale que la confiance et, partant, la croissance reviendront. Il y va donc de notre santé économique. Mais il y va aussi de notre crédibilité européenne.

Vous le savez bien, madame la ministre, la France dispose de nouveau, grâce à l'action du Président de la République, d'un crédit fort dans l'Union européenne. Mais de notre capacité à nous conformer aux critères de Maastricht dépendra le maintien de ce crédit, qui peut vite disparaître.

Je le sais, le Gouvernement en est parfaitement conscient. En qualifiant de « clé de rupture économique » le redressement des finances publiques, le Premier ministre l'a clairement exprimé. C'est un signal fort qui doit être suivi d'effet afin que l'on renoue avec un cycle vertueux de croissance. La tâche sera difficile. Nous sommes à la tête d'un immense paquebot - l'État - qui avance tout seul. Il faut avoir le courage d'y toucher, il faut avoir le courage de l'alléger. Un courage d'ailleurs aujourd'hui modéré puisque l'opinion publique elle-même sait que c'est nécessaire, les agents de nos administrations également, très souvent même contre le discours des syndicats.

Nous vivons actuellement au-dessus de nos moyens. En d'autres termes, il faut s'attaquer aux pesanteurs administratives et oser remettre en cause certaines missions que l'État ne peut plus assumer.

C'est ce que recommandait le Président de la République en s'adressant aux parlementaires le 20 juin 2007. « Nous le ferons, disait-il, en délestant l'État des missions et des dépenses du passé pour en faire l'instrument décisif de notre avenir. »

Le Gouvernement doit donc rapidement présenter des propositions aux parlementaires. Bien sûr, cela ne peut se faire sans un travail d'évaluation des missions publiques. Une telle évaluation existe : les études et les rapports de nos collègues Arthuis ou Marini, ceux des députés, les rapports des inspections générales, ceux de la Cour des comptes et, bien sûr, la LOLF.

Ces décisions sont indispensables tant les enchevêtrements et empilements administratifs sont générateurs de gaspillages à tous les niveaux.

Madame la ministre, puisque vous allez sans doute partir en vacances, permettez-moi de vous donner un conseil. Vous pourriez emporter un livre de chevet. Je vous recommande un ouvrage important dont le volume a diminué puisqu'il est désormais imprimé sur papier bible. Il s'agit du Bottin administratif. Quand vous le prenez, vous avez l'image d'une administration fantastique. Puis, quand vous commencez à le feuilleter et à le lire plus en détail, vous vous rendez compte que chaque ligne est une dépense budgétaire. L'imagination administrative est extraordinaire. Vous vous demandez à quoi servent toutes ces structures.

Je citerai un exemple. Deux hauts fonctionnaires de la défense, deux inspecteurs généraux, dont les salaires sont parmi les plus élevés de la fonction publique, sont attachés... au ministère de la culture ! Ils travaillent peut-être. Je vous assure, madame la ministre, vous qui avez passé beaucoup de temps en Amérique, qu'en feuilletant ce bottin administratif vous aurez un esprit un peu plus critique, vous vous interrogerez sur la finalité de toutes ces structures, de ces commissions, de ces bureaux. Il y a vraiment des choses à faire, et c'est le travail du Gouvernement.

Le Canada est un exemple fameux de réussite économique par l'assainissement des finances publiques. La diminution de la pression du domaine et de l'endettement publics dans ce pays a corrélativement engendré la diminution du chômage, et ce non pas à cause de la courbe démographique. Nous ne pouvons que suivre cet exemple. Le Gouvernement doit être courageux. Nous accompagnerons son action s'il ne faiblit pas. Mais je crains qu'il n'ait déjà donné quelques signes de faiblesse.

Inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, pendant dix ans, j'ai fait des inspections dans tous les grands services. Je regrette que le décret de Gilles de Robien du 12 février 2007, qui était réclamé par toutes les inspections dans ces ministères depuis de nombreuses années et qui avait pour objet de supprimer les pesanteurs du décret du 25 mai 1950, un vieux décret très gênant pour le travail de remplacement des personnels de l'administration de l'éducation nationale, ait été abrogé. C'est un mauvais signe que nous donnons au sein de l'éducation nationale.

De même, il est très regrettable que l'on plie déjà sur le nombre de remplacements de fonctionnaires partant à la retraite. Que le budget pour 2008 soit placé sous le signe de la lutte contre les déficits est une excellente nouvelle. Mais comment concilier le TEPA et cet impératif ?

Des solutions existent. Notre collègue député Charles-Amédée de Courson a dégagé des pistes d'économies extrêmement prometteuses, dont les principales ont suscité l'intérêt du Président de la République, qui a demandé qu'elles soient étudiées de près.

Je pourrais évoquer le plafonnement progressif du montant global des réductions d'impôt relatives à l'impôt sur le revenu et la concentration des exonérations de charges sociales sur les plus bas salaires et les PME.

Même si je regrette que les dépenses nouvelles que nous allons voter n'aient pas été en quelque sorte gagées sur les économies préconisées par Charles-Amédée de Courson, je voterai le TEPA avec la majorité du groupe UC-UDF, parce que j'ai confiance dans la volonté du Gouvernement, madame la ministre, de prendre les mesures structurelles dont notre pays a besoin.

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