...afin de voir s'il s'agit simplement de gagner du temps ou si la mesure sera effectivement appliquée.
Il est vrai que cette disposition spécifique mettait à mal l'égalité devant l'impôt, déjà largement mise en cause par le reste du texte. C'est peut-être pour cette raison qu'il était préférable de renvoyer à plus tard son application !
Mais une question importante demeure posée : qui paiera la facture de ces cadeaux fiscaux faits aux plus gros patrimoines, dont on favorise ainsi la rétention dans les mains de ceux qui les possèdent déjà, ce qui est parfaitement anti-économique ?
Ce seront tous les autres : ceux qui ne sont pas partie prenante des 120 000 successions imposables chaque année et, surtout, des 15 000 plus grosses d'entre elles, très concentrées sur l'ouest de la région parisienne et certains départements de province, ceux qui ne font pas partie des 530 000 contribuables de l'ISF.
Les autres, madame la ministre, ce sont les vingt millions de salariés, les quatre millions de chômeurs réels que compte notre pays, les six millions de retraités non imposables, et leurs familles !
La facture des cadeaux fiscaux, faute d'avoir un impact sur l'activité économique, sera payée par la réduction de la dépense publique.
Déjà, les premières tendances sont connues : suppression massive d'emplois publics - on parle désormais de 23 000 suppressions d'emplois en valeur plancher -, reconduction en euros courants pour 2008 des dépenses budgétaires de 2007, avec tout ce que cela implique.
Pour un département comme le mien, les Bouches-du-Rhône, c'est la mise en cause des aides à l'agriculture, et notamment aux secteurs les plus exposés comme la fruiticulture ou la viticulture, c'est la mise en question des crédits de la politique de la ville et du logement et, bien sûr, celle de la participation de l'État au financement des services d'incendie et de secours ou de sa contribution aux dépenses d'investissement public sur le réseau routier.
C'est aussi, concrètement, la fermeture de classes dans les villages ruraux, la mise en cause des options de formation dans les lycées, la réduction des contrats aidés pour les chômeurs, placés dans l'obligation de s'inscrire dans le dispositif RSA.
Et quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons dans cet hémicycle, à gauche, à droite ou au centre, nous pouvons tous décliner ces exemples dans nos départements sans la moindre difficulté, et donc nous attendre à constater les effets de la même politique.
C'est à ces questions-là que vous aurez à répondre, mes chers collègues, auprès des populations de vos départements.
Pour aller plus loin dans l'analyse, je citerai quelques chiffres, madame la ministre.
Dans mon département, plus de 500 000 ménages ne paient pas l'impôt sur le revenu.
À Marseille, en 2006, le nombre des contribuables de l'ISF a augmenté, s'approchant de 5 000 pour l'ensemble de la ville. Mais, dans le seul secteur de la ville où je suis élu local, près de 60 % des contribuables, soit plus de 40 000 familles, ne sont pas imposables et le revenu moyen y atteint à peine 12 000 euros par an, ce qui signifie tout simplement que ces ménages vivent sous le seuil de pauvreté...
Avec ce texte, vous avez clairement choisi de vous adresser en priorité à ces 5 000 redevables de l'ISF et de faire supporter le poids des mesures aux 40 000 familles que je viens d'évoquer.
Ne serait-ce que pour cette raison, les membres du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent évidemment approuver ce texte qui tourne le dos à nombre de principes fondamentaux de notre droit, à savoir l'égalité fiscale, la justice sociale et la prise en compte de la réalité des situations de nos compatriotes.
Ce qui est défendu, avec ce texte, ce n'est décidément pas l'intérêt général, ce sont uniquement les intérêts particuliers de quelques centaines de milliers de familles, contre la très grande majorité de nos compatriotes.
Nous confirmerons donc par notre vote sur les conclusions de la commission mixte paritaire notre rejet de votre projet de loi, madame la ministre.