L'article 1er tend à créer l'ordre national des infirmiers et à en définir les modalités de fonctionnement.
Une première question nous vient à l'esprit : pourquoi créer un ordre ?
On nous dit que la création d'une instance ordinale pour les infirmiers s'imposerait aujourd'hui en raison du rôle central de ceux-ci dans la chaîne de soins. Mme Desmarescaux, dans son rapport, souligne d'ailleurs, à juste titre, le rôle essentiel joué par la profession auprès des malades âgés ou des patients en soins palliatifs.
Cependant, l'argument se retourne aisément. C'est du fait même, d'une part, du rôle central des infirmiers dans la chaîne de soins et au sein des équipes de soins, et, d'autre part, de l'évolution du métier et des compétences que s'impose plus que jamais, non pas le refuge dans des corporatismes, mais le développement d'organisations interprofessionnelles aptes à évaluer les pratiques et à élaborer des règles professionnelles tournées vers un but commun : l'amélioration de la qualité de notre système de santé dans son ensemble.
D'aucuns évoquent ensuite l'anomalie, tant au niveau national qu'européen, que constituerait l'absence d'un tel ordre. On saisit d'ailleurs, au passage, le traumatisme de bon nombre de professions qui n'ont pas encore d'ordre. Le vieux rêve d'une époque antérieure va-t-il se réaliser ? Chaque profession aura-t-elle droit à son ordre ?
À l'échelon national, l'importance numérique de ces professionnels est invoquée pour justifier la création d'un ordre. Il nous semble que devrait plutôt être pris en compte le mode d'exercice. Or, justement, une grande majorité des professionnels infirmiers sont salariés ; seule une minorité d'entre eux exerce en libéral. Le moins que l'on puisse dire alors, c'est que la création d'un ordre ne va pas de soi.
On comprend d'ailleurs bien les limites de l'argument numérique lorsque l'on sait que les aides-soignantes, par exemple, sont plus de 330 000 et les pédicures-podologues à peine plus de 10 000. On a pourtant créé un ordre pour ces derniers. Faudra-t-il aussi en créer un pour les aides-soignantes? Où s'arrêtera-t-on ?
Quant à l'argument européen, il nous semble aussi sans fondement. En effet, chacun sait que, même à l'intérieur de l'Europe, les systèmes de santé sont loin de fonctionner à l'identique et qu'il n'est donc pas forcément opportun de vouloir calquer ce qui existe ailleurs, du fait d'évolutions ou de conceptions différentes. L'exemple italien peut illustrer ce propos, puisque les infirmiers partagent leur instance ordinale avec d'autres professions, telles que les aides-soignantes et les puéricultrices.
Enfin, la création d'un ordre serait justifiée par le besoin d'une meilleure reconnaissance de la profession d'infirmier, « en cohérence avec les fonctions qu'elle assume désormais, et d'un cadre déontologique adapté aux nouveaux enjeux de qualité et de permanence des soins infirmiers. », précise Mme Desmarescaux. Et cette dernière ajoute : « De fait, le respect des règles éthiques et des bonnes pratiques professionnelles est loin d'être assuré : les principes déontologiques fixés par les décrets de 1993 n'ont pas été accompagnés par la création d'une instance de contrôle et de sanction. »
Je ne suis pas sûr, madame le rapporteur, que les professionnels apprécient votre constat, ni même que la minorité souhaitant apparemment la création d'un ordre formule une telle demande pour des questions de contrôle et de sanctions.
Le besoin de reconnaissance de la profession est évident. Il est fort et doublé du caractère insatisfaisant du système institutionnel en place, comme le souligne M. Couty.
La création d'un ordre donne peut-être bonne conscience, mais elle apparaît bien réductrice face aux réels besoins de l'ensemble de cette profession. Elle n'est pas opportune pour répondre à l'évolution de sa place dans le système de santé et de l'environnement professionnel.
Elle n'est pas non plus apte à lever les difficultés rencontrées dans l'exercice de la profession en matière de formation, de conditions de travail, d'évolution des carrières, de niveau des salaires, d'accès aux logements, etc.
En outre, une telle création ne s'inscrit pas dans une perspective d'amélioration et de qualité de notre système de santé en général, puisqu'elle va à l'encontre d'une réforme nécessaire de l'ensemble des professions paramédicales.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe socialiste demandent la suppression de l'article 1er.