L'inégalité n'est pas seulement salariale, elle est aussi professionnelle.
Les sociologues notent que l'écart se creuse entre les femmes diplômées et cadres, qui s'en sortent de mieux en mieux et voient leur pouvoir d'achat progresser, et les femmes moins qualifiées, qui restent cantonnées dans le temps partiel et les « petits boulots ». Les femmes sont bien plus nombreuses que les hommes à occuper des emplois temporaires, tels que les contrats à durée déterminée, les emplois aidés, les stages, etc. Tout le monde a dénoncé cet état de fait.
Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, aujourd'hui, près de 80 % des salariés à bas salaires, c'est-à-dire dont le montant est inférieur au SMIC, sont des femmes. Et cette proportion est d'environ 10 points supérieure à celle qui avait été atteinte au début des années quatre-vingt-dix.
Même si les femmes diplômées accèdent de plus en plus à des postes à responsabilités, elles se cognent encore au « plafond de verre », selon une expression consacrée. Elles ne sont que 7 % parmi les cadres dirigeants, alors qu'elles constituent près du tiers des cadres administratifs et commerciaux. Celles qui obtiennent des postes à responsabilités ont souvent dû, consciemment ou inconsciemment, faire le sacrifice de leur vie de femme ou de mère.
Il est nécessaire d'agir, pour des raisons évidentes de justice, mais également pour l'économie de notre pays. Les économistes prévoient une baisse de la population active, en raison des départs à la retraite. Pour compenser cette baisse, la solution consisterait à augmenter la population des femmes sur le marché du travail. Sans même parler de cette échéance, on voit bien que le développement de l'activité féminine est étroitement lié au développement de l'emploi global : c'est dans les pays où le taux d'activité féminine est le plus élevé que le taux de chômage est le plus bas.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, madame la ministre, je me réjouis que le Gouvernement agisse. Pour certains, bien sûr, il suffirait de laisser patiemment le temps faire son oeuvre. Mais l'histoire des avancées qui ont jalonné l'ascension de la femme dans la société montre bien que légiférer est utile et qu'il nous faut périodiquement faire un rappel à l'ordre.
Compte tenu de la lenteur des progrès réalisés, de l'insuffisante application de la loi du 9 mai 2001, nous n'avons d'autre choix que de mettre en place une certaine contrainte. C'est en cela que le texte que nous étudions aujourd'hui est original : il laisse place à la fois à la confiance accordée aux partenaires sociaux et à l'intervention nécessaire de l'Etat.
Le projet de loi s'inscrit dans la continuité de ce qui a déjà été entrepris. Mais, à la différence des textes précédents, il prévoit un cadrage dans le temps et incite les entreprises à une logique de résultat.
Ce texte prend en compte le travail de la femme dans son ensemble.
D'abord, s'agissant des salaires, les entreprises et les branches professionnelles devront négocier la suppression des écarts de rémunération selon des modalités et un calendrier précis. Des sanctions financières à mi-parcours sont prévues s'il s'avère que la loi n'est pas respectée. Le champ des discriminations interdites est étendu et les moyens de défense des femmes sont renforcés.
Ensuite, pour ce qui est des difficultés que la femme rencontre en tant que parent, des mesures sont proposées pour garantir son droit aux augmentations individuelles, pour aider les entreprises à embaucher pendant son absence, pour encourager la formation de la femme qui a repris son travail, toutes mesures qui peuvent aider les femmes à concilier vie familiale et carrière.
Enfin, en ce qui concerne la représentation des femmes au sein d'instances telles que les conseils de prud'hommes ou les conseils d'administration d'entreprises publiques, la notion de seuil permettra d'éviter les trop nombreuses nominations de femmes « alibi » et isolées.
Je n'entrerai pas davantage dans le détail des mesures que les orateurs précédents ont très bien décrites. Il me semble que ces dispositions, par les progrès très concrets qu'elles vont générer, devraient être unanimement approuvées par notre assemblée.
Toutefois, je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur d'autres questions qui me semblent importantes et qui faciliteraient la vie des femmes voulant, ou devant, exercer une profession.
Je pense notamment à l'école, où les inégalités se préparent, où tout se joue déjà. Il faut agir en amont pour améliorer l'orientation des filles, élargir le choix des filières. Avec la loi d'orientation pour l'avenir de l'école adoptée en avril dernier, le Gouvernement a déclaré mener un combat pour l'égalité à l'école.
Toute une éducation reste à faire pour briser les schémas traditionnels et aider les filles à faire preuve d'audace. Elles n'osent pas s'orienter dans des secteurs où elles rencontreront la concurrence de leurs collègues masculins, craignant de ne pas être choisies ou d'être mal considérées. Plus tard, sur le marché du travail, elles n'osent pas briguer certains postes, toujours pour les mêmes raisons.
Ces blocages sont levés trop lentement. Un effort pourrait donc être accompli au travers de réunions d'information présentant des métiers dits « masculins », ainsi que des témoignages de femmes qui s'épanouissent dans des filières ou des postes où il n'allait pas de soi, a priori, de voir une femme.
Je note de façon positive le développement croissant des carrefours ou forums des métiers destinés à informer les jeunes. Mais je regrette, notamment en cette période d'« après-examen », où les jeunes, garçons et filles, doivent choisir leur orientation, le manque de clarté des filières proposées, ainsi que le manque de coordination entre les filières ouvertes et les besoins des entreprises.
Encore trop de voies sans issue, pénalisantes pour tous, déconcertent et démobilisent. Notre économie en pâtit.
Il faut aider les femmes à oser. Les jeunes femmes souffrent d'un handicap sur le marché du travail à cause de leur trop grande discrétion et d'une réticence à faire preuve d'ambition. Quand elles font acte de candidature, souvent, elles n'osent pas imposer un salaire de départ suffisant.
La famille, les professeurs, bref, l'ensemble de la société et notre histoire sont à l'origine d'une certaine autolimitation des femmes. Il faudrait former les femmes à la négociation salariale. Nombreuses sont celles qui prennent du retard en termes de salaire par rapport à leurs collègues masculins, parce qu'elles n'osent pas demander une augmentation.
D'autres sujets restent à traiter et je pense, bien sûr, aux modes de garde des enfants. En effet, comme vous l'avez souligné, madame la ministre, et je m'en réjouis, il n'est pas possible de parler du travail des femmes sans évoquer la maternité. Si vous le permettez, je ferai également allusion à la famille.
Les études montrent que l'insertion des femmes dans le monde du travail, à tous les stades de la carrière, est en partie fonction de l'organisation sociale de prise en charge de la petite enfance et de l'organisation scolaire. Améliorer l'accès des femmes à l'emploi suppose une amélioration du service public de l'enfance. Certes, nos voisins nous envient nos crèches et nos écoles maternelles, mais toutes les femmes qui ont dû rechercher une solution de garde savent que nous sommes encore loin du compte.
Nous assistons pourtant aujourd'hui à un phénomène spontané de prise en compte du problème par des entreprises, avec la création de crèches internes. Seules quelques grandes entreprises et quelques communes d'avant-garde ont enclenché ce mouvement. Il serait souhaitable que d'autres les imitent et que le Gouvernement joue un rôle incitatif.
Je voudrais également attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'encourager une plus grande flexibilité des modes de travail. Des horaires plus appropriés, le télétravail, pourraient permettre aux femmes de concilier plus sereinement leur vie familiale et leur vie professionnelle. Cette réflexion est également valable lorsqu'on souhaite que des jeunes femmes, mères de famille, participent à la vie associative et aux conseils municipaux.
Lorsque j'étais maire de ma commune, je regroupais dans la même soirée deux ou trois réunions de commission à la suite afin que les conseillères n'aient à s'absenter de leur foyer qu'une seule soirée dans la semaine. Ce système ne devait pas être si mauvais puisque mon successeur l'a conservé.
J'évoquerai maintenant un autre point : le travail à temps partiel. Selon l'INSEE, les femmes sont cinq fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel. Dans ce monde nouveau, peuplé de tant de familles monoparentales, comment élever des enfants avec le salaire d'un travail à temps partiel ? Pourtant, la part du travail à temps partiel « contraint » est évaluée à 44 % !
Bien évidemment, la perte financière se répercute plus tard sur les retraites. Un amendement proposé par notre rapporteur permettrait d'améliorer la situation des femmes travaillant à temps partiel en leur donnant un accès prioritaire aux heures supplémentaires. J'espère qu'il fera l'unanimité.
Je voudrais ajouter un mot sur le congé parental. Si des mesures existent pour aider les femmes dans l'étape essentielle de leur vie qu'est la maternité, il reste encore beaucoup à faire. Lorsque les femmes décident d'avoir des enfants, elles sont conscientes de mettre en jeu leur carrière. Pour vivre la période de la petite enfance de façon sereine, nombreuses sont celles qui souhaiteraient arrêter de travailler. Certes, le congé parental est un premier pas. Mais il faudra un jour aller plus loin, afin que les femmes reçoivent une indemnité plus élevée, qui leur permette réellement de s'arrêter pendant une période indéterminée.
Notre politique familiale doit prendre en considération le déchirement des femmes qui reprennent le travail alors que leur bébé n'a que quelques semaines. Nous savons tous les bienfaits de la présence maternelle dans la toute petite enfance !