Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 18 mars 2009 à 14h30
Débat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales — Orateurs des groupes

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Pourtant, l’importance économique de l’intervention des collectivités a été reconnue par le Président de la République lui-même dans le cadre du plan de relance : 73 % des investissements publics, soit environ 46 milliards d’euros par an, ce n’est pas négligeable ! Elles parviennent à maintenir ou à créer, par les travaux ou les achats qu’elles réalisent, près de 850 000 emplois dans la sphère privée, ce qui est également significatif.

S’il y a besoin d’une réforme, elle doit être fondée sur des principes clairs, en fonction du rôle que l’on veut faire jouer aux collectivités. Il faut permettre à leurs conseils de répondre aux besoins des hommes et des femmes qui les ont élus et de contribuer à la réduction des inégalités entre les populations, entre les territoires.

Dans le débat actuel, nous avons beaucoup entendu parler de gaspillage, de dépenses inutiles, de manque de transparence. En réalité, tout cela est fait pour préparer les esprits à d’importants changements.

La mise en cause des financements croisés en est la parfaite illustration. Si, pour réaliser un équipement dans la commune ou sur le territoire de la communauté de communes, un maire ou un président d’EPCI fait appel au conseil général et au conseil régional, c’est tout simplement parce que les recettes dont il dispose sont insuffisantes ! Ensuite, ces collectivités sont libres de choisir d’apporter ou non leur contribution. C’est en cela aussi que la clause générale de compétence de ces collectivités me semble essentielle.

Toutefois, je tiens à le rappeler, les financements croisés les plus fréquents sont ceux que l’État exige lui-même. C’est lui qui, peu à peu, a considéré que les communes sur lesquelles étaient implantés les sièges des universités devaient contribuer à leur financement. C’est lui qui a, ensuite, sollicité les conseils généraux et régionaux.

L’un de nos collègues l’a souligné tout à l’heure, c’est la même démarche qui est engagée aujourd’hui par le Gouvernement pour le financement de la nouvelle ligne du TGV Aquitaine.

Redéfinir les compétences et les ressources qui y sont associées est donc indispensable. Mais la proposition du comité Balladur de fixer un « objectif national d’évolution de la dépense locale » ne peut être acceptée, sauf à considérer, tout simplement, que nos collectivités territoriales sont devenues des prestataires chargés de mettre en œuvre les politiques décidées par le Gouvernement, ce qui serait totalement contraire au rôle que la Constitution leur reconnaît.

Nous ne partageons pas ce choix de vouloir, à n’importe quel prix, réduire les dépenses publiques et, ce qui va de pair, les services publics.

Réduire les services publics pour les transférer au privé, et ainsi faire payer plus les usagers, c’est diminuer le nombre de ceux qui pourront y avoir accès.

Culpabiliser les collectivités pour les faire contribuer au respect par la France des critères de Maastricht, alors qu’elles gèrent leur budget dans un parfait équilibre, n’est pas admissible.

Accuser les collectivités d’aggraver le déficit public, alors que des milliards d’euros sont accordés aux banques, alors que les allégements fiscaux sur les plus hauts revenus et les réductions des charges sociales ont mis à mal les équilibres financiers du budget de l’État, c’est faire de nos collectivités des boucs émissaires et se dispenser d’une analyse objective de l’efficacité réelle de ces mesures.

À notre sens, ces choix sont catastrophiques pour l’avenir.

Nous ne disons cependant pas que tout doit rester en l’état.

Ainsi, voilà quelque temps, nous avons déposé une proposition de loi pour moderniser, et non supprimer, la taxe professionnelle. C’est en effet le seul impôt qui établit un lien direct entre l’entreprise et son lieu d’implantation. Supprimer cette taxe, ce serait remettre fondamentalement en cause ce lien.

Les investissements en infrastructures, les dépenses d’éducation, les dépenses sociales, culturelles et de loisirs – je pourrais en citer bien d’autres ! – sont déterminantes pour le bon fonctionnement des entreprises, pour la vie de leurs salariés et leur formation.

Ces dépenses justifient, à elles seules, une participation financière obligatoire des entreprises au financement des collectivités.

Les mesures que nous avons prônées par le biais de notre proposition de loi permettraient de donner de nouvelles capacités aux collectivités. Voilà quelques années, Jean-Paul Delevoye, évoquant les difficultés des collectivités territoriales, rappelait qu’il n’avait pas été tenu compte de l’évolution économique pour prévoir celle de la taxe professionnelle. Ainsi s’exprimait-il : « L’économie est devenue principalement aujourd’hui une économie de services et financière. Or cette sphère est notoirement sous-fiscalisée ».

En 2004, avec les services de l’État, nous avions constaté que, pour les activités du secteur financier, la taxe professionnelle pesait 1, 7 % de la valeur ajoutée, contre 5, 6 % pour le secteur de l’énergie.

Les actifs financiers des grandes entreprises représentaient, en 2006, quinze fois le budget de la nation, vingt fois ceux des collectivités locales, plus de deux fois notre PIB ! Les entreprises du CAC 40 ne sont pas en difficulté, puisqu’elles ont dégagé 75 milliards de bénéfices en 2008. Taxer ces actifs financiers à un taux, modeste, de 0, 5 % ne ruinerait pas les entreprises, notamment celles du CAC 40. Ces actifs sont tirés du travail et de l’activité des entreprises.

Une telle taxation permettrait de faire contribuer davantage les entreprises les plus riches, plutôt que les PME et les artisans, et offrirait à nos collectivités une nouvelle ressource potentielle.

Elle pourrait alimenter un fonds de péréquation national. Sa répartition serait réalisée sur la base de critères incluant les charges réelles des collectivités territoriales, prises, bien évidemment, dans leur diversité. Ce serait un élément moteur d’une péréquation régénérée.

Cette proposition doit être étudiée en toute objectivité dans le cadre de la réflexion menée actuellement sur le financement des collectivités territoriales. Elle permettrait également de réduire le poids de la pression fiscale sur les ménages. L’impôt se doit d’être un outil efficace de justice et de solidarité. Malheureusement, la fiscalité des ménages, notamment la fiscalité locale, en est la démonstration contraire. Il nous faut donc travailler sur ce sujet, afin que la taxe d’habitation et la taxe foncière tiennent mieux compte des revenus réels des ménages.

Si une réforme doit être engagée, il importe de le faire dans l’optique de mieux répondre aux besoins des populations. La mission dispose d’un peu de temps encore pour travailler sur ces questions, et nous aussi.

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