Il faut donc répondre à la diversité, mais aussi permettre l’innovation.
Si Pierre Mauroy avait, en 1985, prévu une liste limitative de compétences pour les départements, comment aurait-on pu faire face au désenclavement numérique ? En 1982, le numérique n’existait pas !
La clause générale de compétence est donc une réponse à la diversité des territoires, mais aussi une condition de l’innovation.
Contrairement à ce que pensent certains collègues – mais ce débat est transversal et parcourt toutes les formations ! –, remettre en cause la clause générale de compétence pour les régions et les départements, c’est remettre en cause la décentralisation, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, il existe deux types de décentralisation.
Il y a la décentralisation administrative : on dresse une liste limitative de compétences, l’État transfère et les collectivités territoriales exécutent les missions transférées par l’État. Cette décentralisation administrative est nécessaire et je suis, pour ma part, favorable aux blocs de compétences.
Il y a aussi une décentralisation plus aboutie, et plus politique, qui donne davantage de liberté et d’initiative aux collectivités. Sans cette liberté, les collectivités ne pourraient pas prendre en compte l’intérêt départemental et l’intérêt régional.
La commune se charge de l’intérêt local et l’État, de l’intérêt national. L’État a même la compétence de la compétence. Mais nier la clause générale de compétence, ce serait nier l’existence même d’un intérêt territorial intermédiaire.
Du reste, ce qui différencie l’établissement public de coopération intercommunale de la collectivité territoriale, c’est le principe de spécialité pour le premier et la clause générale de compétence pour l’autre.
On peut d’ailleurs lire à la page 131 de l’excellent rapport de la mission que transposer la clause de compétence générale des communes aux intercommunalités conduirait à élever ces dernières au rang de collectivités territoriales. A contrario, supprimer la clause générale de compétence reviendrait à priver les départements et les régions du statut de collectivités territoriales.
Le recul de la décentralisation est ensuite un problème constitutionnel.
Récemment, en 2003, le Sénat et l’Assemblée nationale ont voté une loi constitutionnelle. Désormais, l’article 1er de la Constitution dispose : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. [...] Son organisation est décentralisée ». Affirmer que l’organisation de la République est décentralisée, et ce dès l’article 1er, ce n’est pas rien, c’est du lourd, comme on dit aujourd'hui !
Dans les débats comme dans l’exposé des motifs, le lecteur est invité à se reporter à l’article 72, dans lequel il est question de la libre administration et du principe de la subsidiarité.
Vous me direz qu’il n’existe pas de jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le sujet ! Certes, mais il existe une jurisprudence du Conseil d’État, précisément deux arrêts datant respectivement de 1981 et de 1989. J’invite ceux qui sont en proie au doute à les lire, afin d’être éclairés d’un point de vue juridique.
Pour moi, cependant, le débat est moins juridique que d’abord politique, troisième et dernière raison.
Supprimer la clause générale de compétence, c’est faire reculer la décentralisation. Comment en effet interdire à des assemblées élues au suffrage universel de tenter de régler les problèmes qui se posent à elles ?
J’ai vécu la catastrophe de l’, une énorme marée noire et un vrai drame pour tous ceux qui sont attachés au littoral. Heureusement qu’il y avait la clause générale de compétence ! Elle nous a permis d’apporter rapidement une réponse aux problèmes qui se sont posés.
Que veulent les citoyens, mes chers collègues, quand se pose un problème ? Une solution !