Lionel Jospin l’avait demandé à Pierre Mauroy ; François Fillon en a chargé Édouard Balladur : personne n’est mieux placé qu’un ancien Premier ministre pour analyser l’efficacité et les limites du millefeuille institutionnel français.
Cet exercice est toujours à haut risque. Ce n’est jamais vraiment le moment de s’y livrer. L’écueil est toujours le même ; il est bien connu : c’est le moment où le document de papier se heurte aux habitudes, aux intérêts des grands élus qui l’examinent.
Édouard Balladur a résumé sa démarche ainsi : « ambition et réalisme ». Il a mis en garde, en estimant qu’un projet trop ambitieux serait peu réaliste. Chacun en jugera à l’issue des débats. Pour ma part, il me semble irréaliste d’espérer qu’une réforme ambitieuse puisse être adoptée sans débats vifs et sans résistance.
Certains prônent des intercommunalités plus solides, à la légitimité mieux établie grâce à l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires. Certes, mais pas à marche forcée !
J’estime qu’il faut en terminer avec la carte de l’intercommunalité. Nous connaissons tous des maires qui préfèrent rester le seul coq sur le tas de fumier plutôt que de travailler avec d’autres, ou encore des maires qui ne veulent pas partager leurs confortables ressources avec leurs voisins. Des incitations fortes, des mesures de dissuasion, des échéances : telles sont les mesures nécessaires.
Nous voulons des régions plus grandes et plus fortes. D’aucuns refusent de toucher aux départements. Je sais le sujet difficile, puisque le Sénat a un attachement passionnel, presque génétique, aux départements. Cela ne m’empêche pas de penser que, au lieu d’inventer des couples artificiels – la région et le département, d’un côté, les communes et les intercommunalités, de l’autre –, nous devrions prendre conscience du fait que la répartition des compétences s’établit de plus en plus fréquemment entre les régions et les intercommunalités.
Il est également absolument urgent de clarifier un sujet, abordé fort bien par Mme Michaux-Chevry. On a affirmé, sur un ton qui ne souffre aucune contestation dans cet hémicycle, que la coexistence sur un même territoire insulaire de deux départements et d’une région, comme en Corse, ou, pis, la coexistence sur le même territoire, dans un effet de superposition parfait, d’un département et d’une région, comme en Martinique et en Guadeloupe, serait respectueuse de la tradition républicaine, contrairement à la mise en place d’une seule collectivité, évitant les doublons, les lenteurs, les frictions, qui ne le serait pas. Pour ma part, je considère que ce serait se moquer du monde de ne pas instaurer une collectivité unique.