Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue de ce débat, nous conservons l'idée que la création d'un ordre national des infirmiers est, compte tenu de la spécificité de cette profession, une mauvaise réponse à un vrai problème.
Le métier d'infirmier est au coeur des mutations de notre société. Au quotidien, les infirmiers sont confrontés à des changements démographiques, sociaux et économiques.
Les changements démographiques sont liés en particulier à l'allongement de la durée de la vie, donc au vieillissement de la population, et de plus en plus à la dépendance. Cela bouleverse la profession et ses attributions, tout comme l'évolution des pratiques : je pense notamment à l'hospitalisation à domicile, qui induit une présence forte non seulement des médecins, mais aussi de la chaîne de soins.
Les infirmiers sont aussi confrontés à des changements sociaux, car la santé de certaines catégories de population se dégrade à mesure que la pauvreté s'étend dans notre pays. Nous constatons en effet l'apparition, ces dernières années, de travailleurs pauvres. Même si, grâce à la CMU, les RMIstes peuvent accéder gratuitement aux soins, un trop grand nombre de personnes en sont encore exclues en raison des difficultés qu'elles rencontrent. L'explosion de la précarité nous inquiète. Face à ce phénomène dramatique, la demande de soins est de plus en plus importante, et ce sont souvent les infirmiers et les infirmières qui se trouvent sollicités.
Enfin, les professionnels sont confrontés à des changements économiques, car les orientations clairement libérales de cette majorité en matière de politique économique touchent de plein fouet la santé, en particulier la santé publique. Des efforts considérables restent à faire en matière de prévention, laquelle est encore à l'état de balbutiement.
Les économies budgétaires drastiques bouleversent aussi la profession d'infirmiers et d'infirmières, qui se trouve de plus en plus sollicitée pour des tâches revenant traditionnellement aux médecins ou à d'autres professionnels, et en même temps, mise en situation de concurrence avec d'autres professions, telles que les aides soignantes par exemple.
Parallèlement, la profession souffre d'un profond manque de reconnaissance - la majorité y apporte certes une réponse ce soir - qui se traduit par la faiblesse des rémunérations et des difficultés dans le déroulement des carrières.
Face à une telle fragilisation de leur profession et à cette augmentation de leurs responsabilités, le besoin de se rassembler, de s'organiser est tout à fait légitime. Mais l'ordre national des infirmiers ne répondra pas à la grande majorité de ce corps.
L'ordre national des infirmiers prendra probablement la suite des ordres existants, qui se résument, la plupart du temps, à n'être que des structures ayant des besoins financiers. De plus, nous nous interrogeons sur le corporatisme qui se développe.
Malheureusement, la plupart du temps, les ordres existants agissent comme des organismes de sanctions et de contrôle des personnels, bien plus que comme des outils de promotion de leur profession.
Selon nous, la création de cet ordre national des infirmiers se justifie d'autant moins que des structures existent déjà. Il conviendrait de revitaliser, de rénover ces dernières, et mieux vaudrait leur donner les moyens de fonctionner.
Pour notre groupe, cette proposition de loi est un texte d'opportunisme politique, bien loin des réalités de terrain et des revendications de la profession. Certes, les professionnels, notamment les infirmières et infirmiers libéraux, doivent faire face à des réalités qui s'imposent à eux et nous entendons leur voix. Mais, après avoir débattu tout l'après-midi de l'ensemble des problèmes, nous n'avons pas été confortés par les arguments avancés. Aussi nous voterons contre ce texte.