Lors d'un déplacement à Murat, dans le Cantal, à l'automne 2004, le Président de la République avait énoncé son souhait d'une suppression progressive de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les exploitants agricoles, estimant que la fiscalité, en l'occurrence celle des communes, devait être adaptée aux évolutions de l'environnement économique.
Plus d'un an plus tard, et malgré la fin de non-recevoir opposée par le groupe de travail mis en place sur ce thème par la commission des finances du Sénat, cette proposition réapparaît sous la forme du présent article 9 du projet de loi de finances pour 2006.
Par cet article, le Gouvernement propose en effet la mise en oeuvre, au profit des exploitants agricoles, d'une exonération de 20 % sur la taxe foncière sur les propriétés non bâties due aux communes et à leurs groupements.
Comme nous l'avons déjà indiqué au sein de la commission des finances, nous sommes opposés à l'instauration de ce dispositif, pour deux raisons.
D'une part, une telle disposition va à l'encontre du principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales.
D'autre part, les modalités de la compensation proposée vont conduire les communes rurales dans une impasse financière.
S'agissant du premier point, le mode de compensation prévu se heurte, là encore, au principe d'autonomie financière des collectivités territoriales, que la révision de 2003 a érigé en principe constitutionnel. La déclinaison de ce principe dans la loi organique adoptée en juillet 2004 garantit à chaque catégorie de collectivités territoriales une part « déterminante » de ressources propres, correspondant à un taux d'autonomie financière.
Pour respecter ce principe constitutionnel et sa déclinaison, le ratio d'autonomie financière des collectivités ne peut descendre sous le niveau constaté en 2003.
Dans ce contexte, on ne peut assurer une compensation de réduction de la fiscalité locale pas par des concours de l'État : cette compensation passe nécessairement, le cas échéant, par le transfert d'une part d'impôt national aux collectivités concernées ou par la création d'un nouvel impôt local.
Le mode de compensation choisi à l'article 9 érode, une fois encore, le ratio d'autonomie financière des communes et des départements, désavouant ainsi des principes érigés par le Gouvernement lui-même.
Par ailleurs, le dispositif proposé dans cet article est un nouveau coup porté aux finances locales, et en particulier à celles des communes et des départements ruraux.
L'incidence de cette mesure est en effet très variable selon les territoires. Si la taxe sur le foncier non bâti n'occupe qu'une place limitée dans le produit de la fiscalité directe locale - 1, 7 % -, il convient de noter que, sur un produit d'environ 919 millions d'euros en 2004, 869 millions d'euros sont allés aux communes.
Cette taxe représente donc un enjeu financier majeur pour les communes rurales, car elle constitue une part non négligeable des ressources des petites communes.
Si elle représente en moyenne plus de 20 % des recettes fiscales directes des 21 000 communes de moins de 500 habitants, elle génère au moins 50 % des recettes fiscales de 2 200 petites communes, qui se trouveront, si la proposition du Gouvernement est adoptée, dans une situation difficile.
Étant donné la forte dépendance de ces petites communes, l'impact de cette mesure sera forcément très variable selon les départements. Comme le note le rapporteur général, les départements les plus touchés seront le Gers, la Creuse, la Mayenne et l'Orne.