Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 29 avril 2009 à 14h30
Débat sur la crise financière internationale et ses conséquences économiques

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout d’abord, je veux dire que le groupe CRC-SPG s’associe pleinement aux remarques formulées par Nicole Bricq sur la tenue de ce débat.

Cela étant, comme nous l’avons indiqué dans notre propos liminaire, le débat sur la crise financière que nous entamons aujourd'hui mérite d’être placé dans la perspective d’une remise en question intégrale de la marche actuelle de l’économie, tant sur le plan national que sur le plan international.

La crise systémique des marchés financiers n’est, sous bien des aspects, que « la queue de la comète ». À en écouter certains, on pourrait presque croire qu’avant l’automne 2008 il n’y avait pas de crise économique, au seul motif que la croissance de quelques pays émergents – Inde, Chine, Russie, pays d’Amérique latine disposant de ressources naturelles, tigres et dragons d’Asie du Sud-Est – suffisait à faire le compte !

Une telle vision est parfaitement trompeuse ! La tempête de l’automne dernier sur les marchés financiers a été précédée de bien d’autres depuis quarante ans, ou peu s’en faut, que nous sommes entrés dans ce cycle continu de crises financières et économiques.

Mon temps de parole étant limité à sept minutes, je serai très synthétique.

Depuis que le président Nixon a décidé de faire payer au monde entier, par le biais de dollars dévalués, la facture de ses aventures vietnamiennes, nous sommes entrés dans un cycle économique pour le moins agité et très souvent, de plus en plus même, récessif.

Depuis quarante ans, nous avons connu la libéralisation des marchés financiers, les plans d’ajustement structurel du FMI dans les pays dits « en voie de développement », le renforcement de la construction européenne dans l’optique d’une concurrence exacerbée avec les États-Unis et le Japon.

Tous les auteurs du traité de l’Union européenne, qu’il s’agisse de la version de Rome, de Maastricht, de Nice ou de Lisbonne, sont coresponsables, à parts égales, des manifestations de la crise économique et financière dans notre pays comme dans les autres pays d’Europe.

Le chômage de masse, la réduction continue et effrénée du coût du travail, la privatisation des entreprises publiques et des établissements financiers – y compris, dans notre pays, de ceux qui ont été nationalisés en 1945 –, les politiques de dumping fiscal et de réduction de la dépense publique sont autant de manifestations de la crise.

Nous comptons officiellement, depuis des années, plus de 2 millions de personnes privées d’emploi, sans parler des autres, c’est-à-dire tous les chômeurs. Et l’on voudrait nous faire croire que nous n’étions pas en crise avant l’automne dernier ?

Quand on nous dit que les chômeurs d’aujourd’hui ne sont que la conséquence ou l’effet « retard » de la crise de l’an dernier, au train où vont les choses en matière d’emploi, qu’est ce qui nous attend pour 2010 ?

Devons-nous considérer, monsieur le secrétaire d'État, que les services de Pôle emploi, malgré toutes les radiations administratives pratiquées, vont annoncer entre 2, 5 millions et 3 millions de chômeurs officiels d’ici à la fin de l’année, et entre 3 millions et 4 millions l’an prochain ?

Pour en revenir au sujet qui nous occupe, comment ne pas s’étonner que nous ayons des banques en difficulté, parfois en délicatesse avec leur métier naturel, celui d’aider au financement de l’activité économique, moyennant une marge bancaire, mais aussi des banques dont les dirigeants font assaut d’imagination pour se rémunérer grassement, sous toutes les formes possibles ?

À dire vrai, comment oublier à ce stade que, de 1986 à 1997, l’essentiel du secteur bancaire français a été privatisé, avec les effets que nous avons pu observer ces temps derniers ?

Si la Société générale était restée une banque publique, investie de missions de service public, nous n’aurions peut-être pas vu aujourd’hui l’affaire Kerviel ou l’affaire Bouton-Oudéa !

La crise financière de l’automne a donc des origines lointaines et n’est d’ailleurs, sur l’échelle de Richter des séismes bancaires internationaux, qu’un séisme majeur apparenté à ceux que nous avons connus en 1969 avec le dollar flottant, en 1975 avec la récession internationale, en 1992 avec l’éclatement de la bulle immobilière spéculative, au tournant des années 2000 avec la crise au Mexique ou en Argentine, l’effondrement du marché asiatique ou l’explosion de la bulle Internet.

Cependant, la crise financière que nous connaissons aujourd'hui prend évidemment un tour nouveau en ce qu’elle frappe le cœur du système économique lui-même et non sa périphérie, c’est-à-dire Wall Street et la City.

Alors, ensuite, quel est le débat ?

Il s’agit de savoir comment s’en sortir sans mettre en cause les fondements du système et se rapprocher du jour où l’on pourra de nouveau faire comme si rien ne s’était passé ; c’est très souvent ce que l’on entend dire et ce que l’on peut lire.

Dans ce contexte, chacun joue sa partition et tente de préserver ses positions, quel que soit le coût social. Les groupes américains présents en France en sont une parfaite illustration.

Regardez Caterpillar, regardez Molex, regardez Delphi, ex-General Motors, regardez Freescale, ex-Motorola ! On rapatrie les investissements, les modes de production, on confisque les technologies et les brevets, on licencie à tour de bras, en France, pour payer la facture de ce « recentrage ».

L’emploi est devenu la variable d’ajustement parce que, dans l’esprit de celles et de ceux qui ont allumé l’incendie, il faut agir très vite pour trouver quelque moyen de le maîtriser. Les fermetures d’entreprises, les recapitalisations, l’appel continu à la Bourse traduisent ces choix. De même, la sollicitation de l’argent public pour boucher les trous les plus béants est l’arme stratégique la plus souvent employée.

Demain, tout laisse penser que les engagements du fonds d’investissement stratégique, sous prétexte de soutenir l’industrie française, accompagneront d’abord et avant tout des plans de suppressions d’emploi et des restructurations que nous ne pouvons approuver. Ne comptez pas sur les parlementaires du groupe CRC-SPG pour donner quitus à toute opération financière, fût-elle motivée, qui conduirait à la suppression de centaines ou de milliers d’emplois !

La crise économique et financière, sur le fond, clôt ce long cycle de libéralisme sans entraves initié il y a quarante ans. Toute démarche visant à prolonger les effets dévastateurs de ce libéralisme, fût-ce après l’avoir mis de côté le temps nécessaire, conduira immanquablement à des désordres encore plus graves pour l’équilibre du monde, le devenir des peuples et de notre planète.

Tout autre est la démarche qui nous anime et que nous pourrions ainsi résumer : coopération et solidarité européenne en lieu et place de la concurrence exacerbée, dialogue économique avec le Sud, mise en œuvre de politiques permettant le développement des potentiels sur l’ensemble de la planète, recherche d’un développement respectueux des besoins sociaux et de l’environnement. Telle est la voie, difficile mais nécessaire, qu’il nous faut emprunter pour sortir de la crise actuelle. C’est en tout cas celle que nous appelons de nos vœux, avec les salariés de notre pays et ceux des autres pays européens, comme avec les peuples d’Amérique latine ou d’Afrique, qui veulent se libérer du libéralisme !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion