Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 29 avril 2009 à 14h30
Politique de défiscalisation des heures supplémentaires — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

Même si la Cour des comptes a appelé « à revenir sur le maquis des multiples exonérations, abattements, déductions et réductions aux finalités diverses, qui créent de fortes inégalités et constituent une perte de ressources publiques, alors que leur intérêt économique n’est pas ou plus démontré » et a estimé « indispensable de rechercher toutes les solutions permettant d’augmenter les recettes », le Gouvernement fait le contraire, quitte à réformer demain une nouvelle fois la sécurité sociale en défaveur des assurés sociaux.

J’en viens maintenant à l’impact de ce dispositif sur le budget de l’État, lequel, rappelons-le, se trouve dans une situation préoccupante. Il suffit de considérer que le déficit public atteint 3, 4 % du PIB en 2008 – et sans doute près de 6 % fin 2009 – et que la dette publique s’élève à environ 70 % du PIB pour se rendre compte de la très forte dégradation.

Or l’allègement de charges lié à cette défiscalisation pèsera 1, 5 milliard d’euros, auquel il convient d’ajouter le milliard d’euros de moins-value d’impôt sur le revenu directement issu de l’application de l’article 1er de la loi TEPA. In fine, l’ensemble de ce dispositif coûte plus de 4 milliards d’euros par an aux finances publiques, soit trois fois plus que le financement par l’État des mesures sociales annoncées le 18 février dernier par le Président de la République.

Comment ne pas mettre en parallèle ces chiffres alors que, dans le même temps, il est avéré que nous ne savons pas comment financer le revenu de solidarité active, le RSA, autre mesure phare de la politique gouvernementale ?

Pour conclure mon propos, je voudrais pointer les tendances lourdes que ces dispositions fiscales renforcent, voire mettent en œuvre. Du point de vue des salariés, nous l’avons vu, ces mesures ne concernent que 5, 5 millions d’entre eux et ne créent pas d’emplois.

Un autre aspect négatif tient au fait que, dans un lien contractuel de subordination tel que celui qui lie l’employeur à l’employé, la liberté de travailler plus, si chère aux libéraux et au Président de la République, n’est que bien relative. Dans les faits, le salarié peut se voir proposer par l’employeur la transformation en heures supplémentaires nominales d’augmentations annuelles de salaires ou bien de tout ou partie des primes sur résultats. Or, quand les entreprises connaissent des difficultés de trésorerie, comme c’est souvent le cas actuellement, une telle possibilité peut être fort attrayante.

Enfin, alors que les deux lois de réduction négociée du temps de travail avaient placé la négociation collective au sein du processus, le recours aux heures supplémentaires en prend le contrepied. En lieu et place, on assiste au développement des augmentations individualisées. Nous pouvons donc considérer que ces mesures fiscales participent de la mise en œuvre d’une stratégie visant à la disparition du contrat collectif de travail, vieille revendication du MEDEF et de la droite.

Comme nous l’avons vu, la défiscalisation des heures supplémentaires et l’exonération de cotisations sociales des revenus qui en sont tirés ne constituent certainement pas une politique en faveur de l’emploi. Bien au contraire, ce dispositif ajoute du chômage au chômage. Qui plus est, il met un peu plus en danger le financement de la sécurité sociale et le budget de l’État.

Or, dans un récent sondage, 63 % de nos concitoyens considèrent que la situation économique va se dégrader, contre 6 % seulement qui croient à une amélioration, et 77 % pensent que leurs revenus vont stagner ou baisser.

Par rapport à ces considérations et compte tenu des effets ravageurs de la crise sur l’emploi et sur les comptes de la nation, ma question est simple : monsieur le secrétaire d’État, au regard de ces attendus et de l’exaspération légitime qui affecte de plus en plus de salariés, mais aussi les chômeurs, pouvez-vous nous dire quel bilan vous dressez de votre politique et, surtout, si vous comptez la maintenir ?

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