Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 29 avril 2009 à 14h30
Débat sur la politique de lutte contre l'immigration clandestine

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les membres du groupe du RDSE d’avoir inscrit à l’ordre du jour de cette semaine de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques ce débat sur la politique de lutte contre l’immigration clandestine.

C’est l’occasion pour nous de revenir sur les méthodes très contestables employés par le Gouvernement à l’égard de tous ceux qui, aujourd’hui, aident les étrangers sans papiers, ces bénévoles qui n’ont d’autre souci que le respect de la dignité et des droits des étrangers en situation irrégulière. Certes, ces hommes et ces femmes sont dépourvus de papiers, mais ils ne sont pas pour autant privés de droits ! Nul papier n’est nécessaire, en particulier, pour que soient respectés les droits fondamentaux.

Votre démarche consiste à casser, de manière méthodique et régulière, la chaîne de solidarité qui s’est construite depuis plusieurs décennies autour de ces personnes, particulièrement vulnérables en raison de leur situation précaire.

Je citerai deux exemples, emblématiques de l’hypocrisie du Gouvernement, qui s’est lancé depuis deux ans dans une chasse aux sorcières ne disant pas son nom.

Je reviendrai d’abord sur le tristement fameux « délit de solidarité ».

Une disposition du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile fonde des poursuites contre des citoyens honnêtes, qui n’ont d’autre ambition que d’aider, dans un élan de solidarité, les étrangers qu’ils croisent au détour de leurs actions bénévoles.

L’article L. 622-1 du CESEDA avait pour objet initial – il suffit de consulter le compte rendu des débats parlementaires pour s’en convaincre – de lutter contre les passeurs et les filières d’immigration qui exploitent la misère et se livrent au trafic d’êtres humains.

Or on constate que le champ de cette disposition a été étendu de manière sournoise à ceux qui, sans être des passeurs, offrent leur solidarité aux sans-papiers.

En effet, les termes, volontairement flous, de l’article sont interprétés par les autorités de police, sous vos instructions, comme concernant toute personne qui aide un étranger en situation irrégulière, quels que soient les moyens et les motivations.

Ainsi, à Norrent-Fontes, dans le Nord-Pas-de-Calais, une femme a récemment été interpellée à son domicile et placée en garde à vue pour avoir rechargé les batteries des téléphones portables de treize Érythréens.

Une autre personne, appartenant à la même association d’aide aux étrangers, Terre d’errance, a été placée en garde à vue, à Boulogne-sur-Mer, dans le cadre d’une procédure visant une « aide au séjour irrégulier commise en bande organisée ».

Cette disposition est donc devenue la base juridique de poursuites contre les acteurs de la solidarité, sans qu’aucune distinction ne soit établie en fonction de la nature de l’aide.

En effet, la loi ne distingue pas clairement l’aide désintéressée ou humanitaire de l’aide « à but lucratif ». Cela aurait pourtant permis d’exclure du champ de l’aide au séjour irrégulier les intervenants bénévoles qui distribuent des repas ou hébergent à titre gratuit un étranger.

Monsieur le ministre, aux termes de la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2004 relative à la loi Perben II, qui a renforcé ce « délit de solidarité », « le délit d’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France commis en bande organisée ne saurait concerner les organismes humanitaires d’aide aux étrangers ».

Le 8 avril, sur une radio nationale, France Inter, vous avez tenu les propos suivants : « toutes celles et tous ceux qui, de bonne foi, aident un étranger en situation irrégulière doivent savoir qu’ils ne risquent rien ». Ce sont vos propres mots, monsieur le ministre.

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