Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 29 avril 2009 à 14h30
Débat sur la politique de lutte contre l'immigration clandestine

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Comment expliquer, alors, le placement en garde à vue de certains bénévoles, parfois pendant huit heures, à Norrent-Fontes, à Marseille ou à Boulogne-sur-Mer ? Admettez-vous qu’il s’agit là d’un abus de pouvoir ?

En fixant, dans la loi de finances de 2009, un quota de 5 000 interpellations d’aidants, vous avez, monsieur le ministre, conféré à cet article du CESEDA une nouvelle vocation : vous avez créé une arme pour combattre la solidarité.

Encore une fois, la politique du chiffre est au cœur de ce détournement de la loi, dont les autorités de police abusent avec frénésie, surtout depuis le mois de janvier dernier.

Vous le savez très bien, cet objectif chiffré a eu une incidence immédiate sur le comportement des autorités de police : on leur demande de faire du chiffre et, faute de trouver des passeurs, on élargit la définition de l’aidant à toute personne qui serait en contact avec un étranger sans papiers.

On aboutit à un paradoxe : cette disposition, censée protéger les étrangers en situation irrégulière contre les réseaux de passeurs, les patrons voyous qui exploitent le travail clandestin et les marchands de sommeil qui abusent de leur vulnérabilité, est devenue une arme contre toute tentative d’humanisation de la condition des étrangers séjournant irrégulièrement en France.

Aujourd’hui, votre mépris pour les associations s’affiche au grand jour. Nous nous souvenons tous de l’épisode de l’incendie du centre de rétention de Vincennes. À cette occasion, votre prédécesseur avait indirectement accusé les associations d’aide aux étrangers. Il avait même songé à créer un fichier de bandes, dans lequel les acteurs de la solidarité auraient pu être enregistrés. Comme lui, vous éprouvez une aversion à l’encontre de ces associations qui agissent au quotidien pour adoucir un peu la violence de la politique d’exclusion et d’expulsion mise en œuvre.

Vous œuvrez de manière méthodique et progressive à un appauvrissement de l’aide aux étrangers, notamment en créant les conditions d’une mise en concurrence des associations qui agissent dans ce domaine. En témoigne, monsieur le ministre, le sort réservé à la CIMADE pour ce qui concerne l’aide aux étrangers dans les centres de rétention : vous avez démantelé la mission d’accompagnement et de défense des droits des étrangers, qui était assurée jusqu’à présent par cet organisme, en éclatant son exercice en huit lots, répartis entre six associations sur tout le territoire français.

Par tous moyens, vous cherchez à casser la chaîne de solidarité qui existe autour des étrangers sans papiers. Par tous moyens, vous cherchez à rendre impossible, en droit comme en fait, l’aide bénévole à l’étranger. Par tous moyens, vous cherchez à « contaminer » pénalement toute personne qui viendrait en aide à un étranger à titre humanitaire.

Nous savons aujourd’hui quelle est la finalité de votre politique : isoler l’étranger, le transformer en paria, en faire le bouc-émissaire d’une crise à laquelle vous n’avez aucune solution à proposer, le couper de toute chaîne de solidarité, induire chez ceux qui épousent la cause des étrangers sans papiers un sentiment de peur et instaurer une quasi-obligation de délation. Par cette politique, vous criminalisez les mouvements associatifs et la solidarité.

Vous avez assuré, une fois encore dans les médias, que personne n’avait fait l’objet d’une condamnation pour délit d’aide au séjour irrégulier. C’est faux, monsieur le ministre ! Nous avons recensé, auprès de différents tribunaux, plus de soixante-dix exemples de condamnations pénales prononcées, sur la base de ce délit, contre des citoyens exemplaires, des combattants pour les libertés, des résistants ! Un chauffeur de taxi a même été condamné à un an de prison ferme pour avoir conduit un étranger sans lui demander ses papiers ! Vous rendez-vous compte de l’absurdité de cette condamnation ?

Il est devenu criminel d’avoir des sentiments, des idéaux et de la compassion pour ces personnes exclues, fragilisées, précarisées, qui tentent de survivre sur notre territoire. Monsieur le ministre, il est aujourd'hui urgent d’abroger l’article L. 622-1 du CESEDA. D’ailleurs, les Verts soutiennent toutes les propositions allant dans ce sens et visant à mieux définir le délit d’aide au séjour irrégulier en excluant, de manière expresse, les acteurs bénévoles de la solidarité.

Comme cela a été dit, traiter ce dossier demande du courage, monsieur le ministre : celui de régulariser, et non d’expulser ! Si vous avez ce courage, nous serons à vos côtés !

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