Intervention de Éric Besson

Réunion du 29 avril 2009 à 14h30
Débat sur la politique de lutte contre l'immigration clandestine

Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je scinderai mon intervention en deux parties : dans un premier temps, je présenterai les éléments fondamentaux de notre politique de lutte contre l’immigration clandestine ; dans un second temps, j’apporterai, de façon plus improvisée, un certain nombre de précisions pour faire suite aux différentes interventions, que j’ai écoutées avec beaucoup d’intérêt.

Mme Escoffier a rappelé à juste titre que, depuis toujours, les hommes et les femmes se sont déplacés, poussés par la recherche de terres cultivables, chassés par les guerres, les conflits, les crises politiques, les tensions économiques, les catastrophes naturelles et peut-être, demain, écologiques.

Ces femmes et ces hommes nés dans un autre pays que celui où ils résident représentent aujourd’hui 3 % de la population mondiale, contre 2 % voilà quarante ans, et constituent virtuellement, avec 191 millions de personnes, le cinquième pays du monde.

L’immigration est donc une réalité incontournable dans tous les pays développés. Elle est un phénomène positif, accroissant notre bien-être collectif, lorsqu’elle répond à un triple intérêt : l’intérêt du migrant tout d’abord, qui veut légitimement améliorer son sort et celui de sa famille ; l’intérêt du pays d’origine ensuite, qui n’est pas de se voir privé de ses ressources humaines, essentielles pour assurer son développement ; l’intérêt du pays de destination enfin, qui est de bien vérifier qu’il est en mesure d’accueillir dignement le migrant et de l’intégrer, notamment en lui offrant un emploi et un logement, la langue, l’emploi et le logement restant les facteurs fondamentaux d’une bonne intégration.

Chaque relâchement de cette triple exigence est presque immédiatement sanctionné par l’apparition de problèmes d’intégration et par la résurgence de mouvements nationalistes, xénophobes ou racistes.

Ce triple intérêt est au cœur du pacte européen sur l’immigration et l’asile conclu l’an passé sous l’égide de mon prédécesseur, Brice Hortefeux. Ce pacte a permis de construire un consensus parmi les vingt-sept États membres de l’Union européenne, toutes tendances politiques confondues, pour maîtriser les flux migratoires, lutter contre l’immigration irrégulière et mieux intégrer les immigrants en situation régulière. J’invite qui en douterait à prendre connaissance des propos qu’a tenus hier le Premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, devant le Président de la République française, lorsqu’il a affirmé sa détermination à lutter contre l’immigration clandestine et sa volonté de renforcer la coopération, en la matière, avec la France. Ce pacte européen proscrit à la fois les politiques d’immigration zéro et les politiques de régularisation massive.

Ce triple intérêt est à la base d’une politique française de l’immigration et de l’intégration équilibrée, juste et ferme, assurant à la fois la maîtrise de l’immigration et l’intégration effective des migrants. Cette politique traduit l’un des engagements souscrits devant les Français par le candidat à la présidence de la République Nicolas Sarkozy lors de sa campagne et l’une des priorités de l’action du Gouvernement.

Dans le cadre de l’exercice de cette mission, une préoccupation essentielle m’anime : la loi républicaine doit être appliquée avec humanité, mais aussi avec fermeté et rigueur.

Déterminer qui a droit de séjour sur son territoire et dans quelles conditions ce droit peut être accordé constitue le fondement même de la souveraineté d’un État. Un consensus républicain absolu devrait se dégager sur cette question, me semble-t-il.

Lionel Jospin, lors de l’élaboration de la loi du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers et au droit d’asile, indiquait que son objectif était de « conduire une politique de régulation des flux migratoires à la fois réaliste et humaine, qui prenne en compte les intérêts de la nation et respecte la dignité des personnes humaines, et de combattre sans défaillance l’immigration clandestine et le travail irrégulier ». Ces mots, je les fais miens aujourd’hui.

La délivrance du visa de long séjour accordé par le consul, en relation avec l’autorité préfectorale, s’impose comme le seul acte de souveraineté par lequel le Gouvernement autorise un étranger, avant son entrée sur le territoire, à s’installer durablement en France. Les régularisations, qui, par définition, y dérogent, ne peuvent être accordées qu’au cas par cas. Les étrangers en situation irrégulière sur le territoire national ont vocation à rejoindre leur pays d’origine, de préférence en y retournant volontairement, à défaut par exécution d’une mesure d’éloignement forcé. Ces termes sont ceux du pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté par les vingt-sept États membres de l’Union européenne, toutes tendances politiques confondues, je le répète.

Oui, la frontière, même si son contrôle est repoussé aux limites de l’espace Schengen, conserve toute sa valeur. Elle reste le cadre à l’intérieur duquel les citoyens se sont organisés pour vivre ensemble, respecter les mêmes règles, accepter les mêmes devoirs, bénéficier des mêmes droits. La frontière doit être franchissable, mais il y faut des règles.

Non, abolir les frontières, ce n’est pas s’ouvrir au monde. C’est, au contraire, ouvrir le pays à toutes les peurs et à tous les replis. Dans un pays soumis à la crise économique mondiale, où le taux de chômage des étrangers non communautaires dépasse 23 %, et qui continue, malgré cela, de soutenir, par la solidarité nationale, un niveau élevé de protection sociale, les propositions conduisant à admettre sans limite de nombreux demandeurs d’emploi sur le territoire n’ont, en vérité, que l’apparence de la générosité.

Oui, comme dans beaucoup d’autres grandes démocraties, la politique française d’immigration et d’intégration est assortie d’objectifs chiffrés, non seulement pour les reconduites à la frontière d’immigrés en situation irrégulière – l’objectif, pour 2009, est de 27 000 éloignements, volontaires ou forcés –, mais aussi pour le nombre de filières clandestines démantelées – un doublement est visé en 2009, soit 240 filières –, pour le nombre de passeurs et de trafiquants d’être humains interpellés – 5 000 cette année, et je reviendrai ultérieurement sur le concept d’ « aidant » –, pour le nombre d’opérations conjointes de contrôles avec l’inspection du travail – 1 500 en 2009 : nous allons lutter avec plus de fermeté contre le travail illégal –, pour le nombre de demandes d’asile déposées et acceptées, qui doit rester le plus élevé en Europe, pour le nombre de naturalisations – 100 000 par an –, qui doit demeurer lui aussi, en pourcentage de la population, le plus élevé d’Europe, la France étant le pays le plus généreux en matière d’accès à la nationalité : 100 000 personnes naturalisées par an, ce n’est pas rien, et le délai de présence continue sur le territoire requis pour pouvoir prétendre accéder à la nationalité française, fixé à cinq années, est le plus court en Europe. J’ajoute, sur ce point, que le Gouvernement entend diviser par deux le délai de la procédure de naturalisation, pour le faire passer de vingt mois à dix mois.

S’agissant toujours des objectifs chiffrés, aux termes de ma lettre de mission, le nombre d’étudiants étrangers accueillis devra s’élever à 50 000 en 2009 et le pourcentage de diplômes initiaux de langue française obtenus par les primo-arrivants devra atteindre 90 %, tandis que celui des bilans de compétence effectués dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration devra s’élever à 80 % avant la fin de l’année. Enfin, le nombre d’entreprises et d’administrations labellisées pour leurs pratiques exemplaires en matière de diversité dans le recrutement et la gestion des ressources humaines doit être de 100 au moins avant la fin de 2009. Quant au nombre des principaux pays sources de l’immigration avec lesquels la France aura conclu des accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire, il doit passer à 20 avant 2012, contre 8 aujourd’hui.

Certains, se focalisant exclusivement sur les mesures d’éloignement forcé, que nous assumons d’ailleurs, nous accusent de mener une politique du chiffre. Ils oublient toutes les autres données – je viens de les rappeler – qui montrent que la France reste fidèle à cette tradition républicaine d’accueil et d’intégration qui l’honore. Ils travestissent, à mon sens, la réalité d’une France ouverte et généreuse, cherchant à ternir l’image de la République et à caricaturer notre politique, en la réduisant à son volet le moins agréable tout en passant sous silence les politiques d’accueil et d’intégration qui en sont la contrepartie.

Certes, reconduire des étrangers aux frontières ne fait plaisir à personne, pas plus à moi qu’à mon prédécesseur ! La question est de savoir si de telles mesures sont nécessaires ou non, et si une autre politique est possible.

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