Intervention de Martin Hirsch

Réunion du 22 octobre 2008 à 15h00
Revenu de solidarité active — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Martin Hirsch, haut-commissaire :

… a nettement moins diminué, et nettement moins vite. C’est parce que nous avons l’obsession de ne pas laisser les plus défavorisés être les premières victimes des à-coups économiques que nous mettons en place le revenu de solidarité active, avec le financement correspondant.

Que n’ai-je entendu à ce propos ? Le revenu de solidarité active, c’est bien… sauf le financement. On m’a conseillé de le disjoindre, de le renvoyer à un autre texte, ce qui aurait permis de se prononcer en faveur du revenu de solidarité active sans avoir à en assumer le financement. Mais je l’assume ! Un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras ». Le financement de trop nombreux programmes de lutte contre la pauvreté a été renvoyé à d’autres textes, à d’autres temps, à d’autres horizons. Il aurait été facile d’en faire de même avec le RSA. Cela aurait été confortable pour nous, pour vous peut-être, mais sacrément inconfortable pour les personnes modestes !

J’ai également si souvent entendu dire : « Lutter contre la pauvreté, oui ; payer pour, non ! » C’est un grand classique… Quel est le résultat ? Pile : des annonces sans lendemain ; face : des factures sournoises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun d’entre vous trouvera des motifs d’aller plus loin. Personne ne sera satisfait à 100 % par un tel projet de loi. Cela est normal et logique. Ce texte, nous l’avons construit en vue de parvenir à un délicat point d’équilibre entre des intérêts contradictoires, parfois divergents.

Chacun a une solution pour réduire la pauvreté, mais elle est souvent incompatible avec celles des autres : celle des employeurs est incompatible avec celle des syndicats, celle des syndicats avec celle des associations, celle de l’État avec celle des départements, celle de la droite avec celle de la gauche. Or nous avons besoin des uns et des autres.

Nous avons donc recherché un point d’équilibre, personne n’ayant tort ou raison à 100 %. Disons plutôt que tout le monde a raison à 90 %.

Cet équilibre est construit autour de quelques points-clés : nous ne pesons pas sur le coût du travail ; nous n’alourdissons pas les charges des entreprises ; nous n’ouvrons pas de brèche dans la protection des salariés ; nous ne remettons pas en cause le principe d’un revenu minimum ; nous mettons fin à des situations d’iniquité ; nous respectons un équilibre entre la solidarité nationale et l’initiative locale ; nous permettons une redistribution importante des revenus, sans pour autant consacrer de l’argent à l’inactivité ; nous établissons un équilibre entre droits et devoirs ; nous donnons un sens à une démarche européenne d’inclusion active ; nous mettons fin à l’une des plus grandes iniquités de notre système fiscal, lesquelles trouvent leur origine dans les niches sans plafond !

Nous avons écouté les uns et les autres. Nous avons intégré à ce texte, lors de son examen à l’Assemblée nationale, de nombreux amendements émanant des différents groupes politiques, tant de la majorité que de l’opposition, selon des proportions équivalant à leur poids dans la représentation nationale.

Je suis sûr que le débat permettra à chacun d’entre vous de se forger sa propre opinion sur un sujet qui le mérite, et d’améliorer encore ce texte. Votre engagement sera important, pour l’adoption de ce texte comme pour sa mise en œuvre, pour son évaluation comme pour ses améliorations ultérieures. J’ai toujours considéré que la lutte contre la pauvreté ne pouvait se jouer à pile ou face, en fonction des majorités politiques du moment, des circonstances, des humeurs, des calculs ou des étiquettes.

Je souhaite, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous amplifiiez le travail réalisé à l’Assemblée nationale, que vous montriez qu’un compromis noble est possible.

Tout au long du processus d’élaboration de cette réforme, nous avons respecté les souhaits de chacun en cherchant à les concilier avec les demandes des uns et des autres. Votre attachement au fond comme au symbole pourra se traduire par ce signal d’espoir et de solidarité qu’attendent nos concitoyens.

Adopter le dispositif généralisant le revenu de solidarité active et rénovant les outils de l’insertion ne vous conduira pas à affadir vos propres convictions, à perdre tout esprit critique. Cela montrera au contraire qu’il est utile de rechercher parmi les acteurs un compromis, et non la pureté dangereuse ou une sorte d’absolu inatteignable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je défends le revenu de solidarité active depuis plus de mille jours. Il a été imaginé dans un esprit consensuel au sein d’une commission réunissant des acteurs qui avaient fait fi des consignes et des étiquettes, parce qu’ils croyaient à la nécessité de réduire la pauvreté.

Pendant ces mille jours, j’ai discuté, échangé, travaillé avec de très nombreux allocataires de minima sociaux. J’ai rencontré régulièrement, dans les départements expérimentateurs, ceux qui bénéficiaient du revenu de solidarité active. Leur message est clair. Il est sans ambiguïté. Il est argumenté et émouvant. Il nous oblige !

Je pense que beaucoup d’entre vous ont entendu ce message. Ce n’est jamais le message du statu quo, jamais le message de l’indifférence, jamais le message de la résignation. Les plus modestes nous disent avoir besoin du revenu de solidarité active. Engageons-nous résolument à les soutenir au moment où ils en ont le plus besoin.

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