Intervention de Éric Doligé

Réunion du 22 octobre 2008 à 15h00
Revenu de solidarité active — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Éric DoligéÉric Doligé, rapporteur pour avis :

Je rappelle que le coût total du RSA est évalué à 9, 75 milliards d’euros –6, 5 milliards d’euros pour le RSA « de base » et 3, 25 milliards d’euros pour le RSA « chapeau » –, mais qu’il ne s’agit pas là du surcoût de cette réforme, estimé à 1, 5 milliard d’euros. Ce surcoût, il convient de le souligner, résulte exclusivement du RSA « chapeau ».

Au total, 3 millions de personnes devraient bénéficier du RSA, dont 2 millions du RSA « chapeau ».

Le financement de cette nouvelle prestation, qui se substitue au RMI et à l’API, ainsi qu’aux mécanismes d’intéressement qui leur sont liés, sera partagé entre les départements et un fonds ad hoc, le fonds national des solidarités actives.

Les départements prendront ainsi en charge le RSA « de base », dont les bénéficiaires correspondent exactement aux actuels bénéficiaires du RMI et de l’API.

Le surcoût par rapport aux actuelles dépenses de RMI doit être intégralement compensé par l’État, de sorte que le coût net du RSA devrait être nul pour les départements.

Ce principe posé, je souhaite faire plusieurs observations sur le dispositif de compensation retenu pour ce que le projet de loi qualifie d’« extension de compétences ».

En 2009, la compensation se fera sur la base des dépenses engagées par l’État en 2008. Elle ne représentera que la moitié de la charge annuelle nouvelle supportée par les départements, parce que les conseils généraux ne paieront le RSA qu’à partir de juillet 2009.

En 2009, l’État compensera ainsi aux départements le montant de l’API versé par l’État en 2008, déduction faite du coût des dispositifs d’intéressement liés à l’API, qui ne sont pas transférés aux départements, et du coût des dispositifs d’intéressement liés au RMI, qui ne seront plus à la charge des départements.

Le montant de la compensation est donc estimé à la moitié de la charge annuelle, soit 322 millions d’euros.

Il est prévu, par ailleurs, que le montant de cette compensation soit corrigé par la loi de finances rectificative pour 2009, une fois les dépenses réellement engagées par l’État en 2008 définitivement connues.

Je présenterai un amendement visant à ce que la compensation définitive des charges nouvelles assumées par les départements en 2009 se fasse non pas au vu des dépenses engagées par l’État en 2008, mais sur la base des dépenses réellement constatées dans les comptes administratifs des départements en 2009, afin que la compensation soit la plus juste possible.

À partir de 2010, la compensation sera ajustée de manière définitive au vu des dépenses réellement constatées dans les comptes administratifs des départements pour l’année 2010. Cet ajustement n’interviendra donc qu’en 2011.

La rédaction initiale du projet de loi ne prévoyait pas de saisine de la commission consultative d’évaluation des charges. Toutefois, l’Assemblée nationale a garanti que l’ensemble des montants servant à la compensation seraient vérifiés par cette instance.

De même, l’Assemblée nationale a complété le projet de loi afin que la compensation par l’État s’opère, à titre principal, par l’attribution d’impositions de toute nature. L’article 18 du projet de loi de finances pour 2009 prévoit ainsi la compensation par l’attribution d’une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. Le mode de compensation retenu est donc proche de celui qui sert notamment à compenser aux départements le transfert du RMI. En outre, le mode de compensation du RMI n’est pas modifié par le projet de loi, qui maintient intégralement les dispositions actuellement applicables.

Je suis conscient que ces modalités de compensation peuvent susciter des inquiétudes.

En effet, l’affectation d’une fraction de TIPP fixée de manière définitive en 2011, sans possibilité de modulation par les départements, implique que le montant de la compensation évoluera comme les bases de la TIPP.

Cette inquiétude est d’autant plus forte que les nouvelles charges du département correspondent, d’après le projet de loi, à une extension des compétences existantes, et non à un transfert de compétences. Il n’existe donc pas de garantie constitutionnelle du niveau de la compensation. En clair, à la différence de ce qui avait été mis en place lors de la décentralisation du RMI, le texte initial du projet de loi prévoyait que, si l’assiette de la TIPP diminuait, le montant affecté aux départements diminuerait également.

Pour faire face à ce problème, l’Assemblée nationale a adopté un amendement garantissant le maintien du niveau de la compensation en cas de diminution du produit de la TIPP. Je vous présenterai, en complément, un amendement de précision prévoyant la même garantie en cas non seulement de diminution, mais également de disparition de la fraction de TIPP transférée.

Enfin, et toujours afin de garantir que la compensation s’effectuera dans les conditions les plus justes possible, je vous soumettrai un amendement tendant à préciser que les dispositions réglementaires relatives aux nouvelles compétences prises en charge par les départements seront édictées à droit constant. L’objectif est d’assurer que le coût des compétences transférées aux départements soit égal au montant auparavant pris en charge par l’État.

Si l’on ajoute à ces assurances celles qui sont apportées par l’intervention périodique de la commission consultative d’évaluation des charges, le projet de loi offrira aux départements d’importantes garanties d’être compensés intégralement de cette extension de compétences.

Le RSA « chapeau » sera, quant à lui, financé par le fonds national des solidarités actives, créé pour l’occasion. Il sera alimenté par deux types de recettes, à savoir, d’une part, des contributions sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, et, d’autre part, une subvention de l’État destinée à assurer son équilibre.

L’assiette des contributions affectées, qui prennent la forme de contributions additionnelles aux prélèvements sociaux de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, est identique à celle de la CSG sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. Leur taux est fixé à 1, 1 %, ce qui porte le taux des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement de 11 % à 12, 1 %.

Le rendement de ces contributions est évalué à 1, 43 milliard d’euros pour 2009. Toutefois, cette évaluation me semble fragile, compte tenu de la crise financière actuelle.

Je signale que ces contributions sont incluses dans le bouclier fiscal, ce qui est cohérent, dès lors que la CSG, la CRDS – la contribution pour le remboursement de la dette sociale –, le prélèvement social de 2 % et la contribution de solidarité pour l’autonomie entrent également dans son champ. D’après les éléments fournis par le M. le haut-commissaire, le montant remboursé aux ménages en raison de l’inclusion de ces contributions dans le bouclier fiscal devrait s’élever à 40 millions d’euros, dont 13 millions d’euros pour les ménages aux revenus les plus faibles et 27 millions d’euros pour les ménages aux revenus les plus élevés.

Ce point a toutefois suscité de nombreux débats à l’Assemblée nationale, qui a adopté quelques amendements pour définir un nouvel équilibre global. Elle a précisé que le taux de ces contributions ne pourrait excéder 1, 1 %, la portée de cet ajout étant essentiellement symbolique. Elle a également prévu que ce taux serait diminué au vu de l’effet du plafonnement global des niches fiscales devant être institué par la loi de finances de 2009, comme cela nous a été rappelé tout à l’heure.

À ce stade, il est difficile de porter une appréciation sur les conséquences possibles de ces différentes mesures, car elles dépendront des choix effectués lors de l’examen du projet de loi de finances.

Monsieur le haut-commissaire, vous avez évoqué, devant la commission des affaires sociales, un surcroît de recettes lié au plafonnement des niches fiscales de 150 millions à 200 millions d’euros, permettant de réduire le taux de la taxe à 0, 95 % ou à 1 %.

À cet égard, je voudrais formuler une observation. Ces prévisions d’économies sont très supérieures au chiffrage présenté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2006, qui prévoyait l’instauration d’un mécanisme très complexe de plafonnement de certains avantages fiscaux. À cette époque, le rendement attendu de la mesure avait été évalué à 50 millions d’euros.

Par ailleurs, deux remarques peuvent être faites sur le mécanisme retenu pour le financement du RSA « chapeau ».

D’une part, le choix de faire porter ces dépenses par un fonds spécifique peut apparaître contestable, dans la mesure où cela contrevient aux principes d’unité et d’universalité budgétaires, et ce alors même qu’il existe un programme dédié à la lutte contre la pauvreté. Selon M. le haut-commissaire, la création de ce fonds résulte toutefois « du choix d’une gestion transparente de l’intégralité des nouvelles dépenses et recettes afférentes à cette réforme », et il convient de rappeler que des précédents existent, notamment le Fonds national d’aide au logement et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

D’autre part, les modalités de financement retenues permettent de se soustraire pour partie à la norme d’évolution de dépenses « zéro volume » qui s’applique à l’État.

Au total, selon le Gouvernement, compte tenu des économies et transferts réalisés par ailleurs, le solde de la réforme pour l’État serait nul.

Le projet de loi contient également plusieurs dispositions à caractère fiscal, portant notamment sur l’articulation entre le RSA et la prime pour l’emploi.

Je vous renvoie sur ce point à mon rapport, étant certain que l’examen des articles nous permettra d’approfondir ces questions. Je tiens simplement à souligner que l’équilibre financier de la réforme qui nous est proposée repose sur une absence d’indexation des seuils et limites de la prime pour l’emploi en 2009 – cela devrait permettre de réaliser environ 400 millions d’euros d’économies –, ainsi que sur l’imputation du RSA « chapeau » sur la PPE, qui devrait engendrer une économie estimée à 700 millions d’euros en année pleine.

Par ailleurs, je présenterai cinq amendements reprenant des dispositions adoptées par le Sénat le 13 mai dernier, lors de l’examen de la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d’insertion, déposée par notre collègue Michel Mercier.

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