Intervention de Jacques Gillot

Réunion du 22 octobre 2008 à 15h00
Revenu de solidarité active — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jacques GillotJacques Gillot :

Le dispositif que vous nous proposez d’adopter, monsieur le haut-commissaire, a pour ambition d’établir un équilibre entre la société, ciment de notre cohésion, et l’autonomie procurée par les revenus du travail.

Le RSA, puisque c’est de lui qu’il s’agit, doit en outre participer à la nécessaire simplification des minima sociaux et des dispositifs d’incitation à la reprise d’une activité. En cela, je ne peux que l’approuver.

Je connais, monsieur le haut-commissaire, votre engagement en faveur des travailleurs pauvres, mais j’avoue que le sort fait à l’outre-mer, à travers le calendrier d’application de la future loi, m’interpelle au plus haut point.

Dans la seule Guadeloupe, six travailleurs sur dix tirent moins de 0, 75 SMIC de leur activité. Plus précisément, près de 40 % d’entre eux gagnent moins de 0, 5 SMIC et 30 % moins de 0, 75 SMIC. C’est dire l’importance de cette catégorie sociale, à laquelle s’ajoutent près de 46 000 bénéficiaires des minima sociaux, dont 31 000 pour le RMI et quelque 6 000 pour l’allocation de parent isolé.

Nos économies insulaires engendrent structurellement des travailleurs pauvres en raison de la taille des entreprises et de celle du marché. On sait, de plus, que le plafonnement annoncé de la défiscalisation en outre-mer ne pourra que réduire les investissements porteurs d’emplois dans nos régions.

Aussi, face à de tels chiffres, on a du mal à comprendre que soit envisagée une entrée en vigueur différée de la future loi en outre-mer.

Même si l’on veut retenir l’argument de la nécessité d’une adaptation du texte à nos réalités locales, on s’aperçoit que l’outre-mer se trouverait exclu de la légalité, puisque la suppression de l’article L. 115-1 du code de l’action sociale et de la famille priverait le RMI de base légale, alors même qu’il continuerait d’exister en outre-mer.

Pour ces deux raisons au moins, le report de l’entrée en vigueur me paraît dès lors d’autant plus incompréhensible et inadmissible qu’il sera paradoxalement demandé aux citoyens ultramarins de participer au financement du RSA dès le 1er janvier 2009.

S’agissant toujours du report de son application, je relève que le texte prévoit par ailleurs un délai de deux ans pour permettre d’adapter l’entrée en vigueur du RSA et les politiques d’insertion dans les DOM par voie d’ordonnances : à bien y regarder, une période d’adaptation aussi longue – même si c’est un maximum – n’est pas véritablement justifiée.

Il existe bien des dispositifs spécifiques, propres à l’outremer, mais en réalité seuls deux d’entre eux seraient concernés par une adaptation. Je veux parler de l’ARA, l’allocation de retour à l’emploi, et du revenu de solidarité outre-mer, le RSO. Il s’agirait d’ailleurs davantage d’une harmonisation que d’une adaptation, ce qui, à mon sens, ne fait pas obstacle à l’entrée en vigueur du RSA.

Pour ce qui est de l’ARA, qui permet pendant deux ans un cumul entre allocation et revenus du travail, deux solutions peuvent être envisagées : soit un simple système d’option qui permettrait de maintenir le bénéfice de ce dispositif dans les cas où il est plus avantageux que le RSA ; soit le maintien des allocations déjà octroyées jusqu’à l’échéance des deux ans et l’application immédiate du RSA pour les nouveaux entrants.

Le RSO, qui constitue quant à lui une allocation de solidarité destinée aux plus de cinquante ans dispensés de toute action d’insertion et de recherche d’emploi, ne peut davantage empêcher une application immédiate du RSA.

Dans ces conditions, monsieur le haut-commissaire, il apparaît très clairement que l’application du RSA dans les DOM peut s’opérer sans délai, à moins que des considérations inavouées d’ordre budgétaire ne soient à l’origine de ce traitement différencié.

C’est d’ailleurs pour moi l’occasion de rappeler que le transfert de la compétence du RMI vers le département de la Guadeloupe s’est traduit à ce jour par un reste à charge de 60 millions d’euros, dont je ne sais toujours pas comment il sera compensé par l’État.

Or le texte soumis à notre assemblée prévoit notamment un transfert de l’API, qui, je le rappelle, en Guadeloupe, représente environ 6 000 allocataires et 30 millions d’euros en 2007, ainsi qu’un accompagnement social et professionnel des bénéficiaires, lequel laisse entrevoir une nécessaire augmentation des dépenses en termes de moyens matériels et humains.

Comme Claude Lise, je voudrais que l’on m’apporte toutes les garanties que ce transfert n’aura pas pour conséquence un accroissement du reste à charge pour mon département.

Monsieur le haut-commissaire, comme je le disais, j’approuve la philosophie générale du RSA.

Toutefois, si sa mise en œuvre effective devait malgré tout nécessiter un recours aux ordonnances, je souhaite que celles-ci fassent l’objet d’une concertation préalable avec les autorités locales compétentes et soient prêtes dans les six mois qui suivent la promulgation de la loi.

Quoi qu’il en soit, il apparaît clairement, à ce stade, que la Guadeloupe ne saurait comprendre que je vote un texte qui laisserait une fois de plus l’outre-mer de côté, car cela reviendrait à considérer que l’égalité sociale dans nos régions peut attendre.

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