Mon propos concernera l'ensemble du titre Ier, qui concerne la suppression des écarts de rémunération.
Après la loi Roudy et la loi Génisson, dont chacun s'accorde à reconnaître le bien-fondé - mais tous les moyens n'ont pas été mis en oeuvre pour atteindre l'objectif fixé - on pouvait espérer enfin un texte contraignant en faveur de l'égalité salariale et professionnelle, accompagnant de manière forte ces législations en vigueur !
En effet, aujourd'hui, selon le principe de base énoncé à l'article L. 140-2 du code du travail, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes s'impose pour « un même travail », mais aussi « pour un travail de valeur égale », notion définie au regard « d'un ensemble comparable de connaissances professionnelles, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ».
Quelle déception, donc, à la lecture de ce texte, qui ne verra comme avancées que la reconnaissance de l'état de grossesse - grâce à l'amendement que le Sénat vient d'adopter, les arrêts de maladie liés à cet état seront pris en compte - la place des femmes dans les instances représentatives, ou encore la mise en place d'aléatoires articulations entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale, comme si la responsabilité familiale n'incombait qu'aux femmes ! C'est un peu ce que j'ai eu l'impression d'entendre dans nombre d'interventions au cours de la discussion générale.
En fait d'avancées, ce n'est que la reconnaissance de droits jusqu'alors bafoués ! Quand allons-nous aborder les réelles difficultés des salariées : les bas salaires, le temps partiel imposé, l'aggravation de la paupérisation, la précarité grandissante, accentuée par les deniers textes sur l'emploi, la dévalorisation de la retraite, qui a déjà été largement dénoncée ? Et je n'évoquerai pas le harcèlement, qu'il soit sexuel ou non. Vous avez indiqué que ces questions seraient abordées à la rentrée, madame la ministre. J'en prends acte ; je serai là pour vous écouter.
Quand allons-nous également dénoncer la misogynie de certains de nos concitoyens, qui considèrent encore le salaire des femmes comme un salaire d'appoint - ce qui vaut bien souvent à celles-ci d'être les premières licenciées en cas de plan de suppression d'emplois - ou qui ne reconnaissent pas leur qualification professionnelle ? A travail égal, salaire égal, bien sûr, mais aussi qualification égale. Vous n'abordez pas ce point dans le texte que vous nous soumettez, madame la ministre.
Pour autant, je partage avec vous cette évidence, énoncée lors du débat à l'assemblée nationale : « L'égalité n'est pas seulement une exigence sociale, économique et démocratique. Elle est aussi une urgence pour des milliers de femmes qui veulent légitimement être reconnues pour ce qu'elles font et pour ce qu'elles sont » !
Pourtant, dans la première partie du projet de loi, il n'est question que de la suppression des écarts de rémunération, alors qu'il ne devrait plus y en avoir, au vu des législations en vigueur. Mais, aujourd'hui encore, certaines entreprises ne savent même pas qu'il existe des textes en ce sens, en tout cas elles font comme s'ils n'existaient pas !
Comme l'ont rappelé Mme Gautier et Mme Printz, le sondage réalisé à la demande de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes indique que 72 % des entreprises interrogées n'ont jamais organisé la négociation spécifique et obligatoire prévue par le code du travail et que, dans 60 % d'entre elles, le rapport de situation comparée n'a jamais été établi depuis 2002.
Par ailleurs, les négociations spécifiques sur l'égalité professionnelle ont davantage lieu au niveau de la branche, plus favorable à l'exercice de la négociation collective, qu'au niveau de l'entreprise. Interrogées sur l'intégration du thème de l'égalité professionnelle dans les négociations obligatoires déjà existantes, environ la moitié des entreprises ont répondu qu'elles l'ont inclus, manifestant ainsi leur réticence à la négociation spécifique, plus lourde à conduire.
C'est la raison pour laquelle un bilan rapide est nécessaire.
Je terminerai sur deux points qui ne me semblent pas davantage aller dans le sens d'une avancée des droits des salariées ?
Tout d'abord, fixer un objectif à cinq ans, c'est finalement accepter qu'il faille un quart de siècle pour donner aux femmes leur dû, puisque la loi Roudy remonte à 1983. Et je ne parle pas du préambule de la Constitution de 1946, auquel vous vous êtes référé, madame la ministre, qui prévoit déjà ceci : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. » !
Ensuite, comme le précise Mme Gautier dans son rapport pour la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, la fixation d'objectifs chiffrés est un élément primordial des stratégies de réduction des disparités. Or on s'aperçoit que, dans ce texte, rien n'est chiffré. Mme Sittler a même manifesté le souhait, au cours d'une réunion de la délégation, de fixer un objectif de rééquilibrage, par exemple pour l'article 13 bis nouveau, en évitant d'introduire un indicateur chiffré !
Pour ma part, j'aurais préféré des objectifs chiffrés véritablement ambitieux et contraignants pour les entreprises.
Après ces premières précisions, je veux indiquer ici que je ne partage pas l'avis rendu au nom de la délégation. Si, au cours de la réunion de cette dernière, ma collègue et amie Hélène Luc et moi-même avons donné acte à la présidente de son rapport, nous n'avons pas approuvé ce texte, sur lequel je suis très réservée, parce que je connais particulièrement la situation des femmes dans les entreprises pour avoir travaillé au sein de l'une d'entre elles pendant vingt ans et pour avoir défendu plus d'une salariée, toujours dans des situations difficiles.
Mon vote dépendra du sort réservé aux amendements déposés par mon groupe. Pour l'heure, j'oscille entre l'abstention ou le vote contre, car ce texte comporte à mes yeux plus de lacunes que d'avancées.