Des efforts ont été engagés pour maîtriser les coûts. Avant l’automne devraient être mises en service les premières « web TV » régionales et la plateforme de télévision à la demande. La politique de qualité de la programmation mise en œuvre dès 2005 par les dirigeants de France Télévisions a pu être poursuivie : ainsi, 1 000 programmes culturels ont été diffusés en 2010, contre 250 en 2005.
Grâce aux nouveaux horaires permis par la suppression de la publicité, les programmes culturels ont pu être multipliés en première partie de soirée et connaître des audiences tout à fait encourageantes. Par exemple, Les Fausses Confidences, de Marivaux, ont attiré 2, 5 millions de téléspectateurs, alors que des chaînes concurrentes diffusaient au même moment un match de football ou La Nouvelle Star. Ces initiatives seront amplifiées grâce aux derniers accords passés entre France Télévisions, l’Opéra de Paris et plusieurs théâtres.
Même s’il reste encore d’importants chantiers à mener à bien, je crois pouvoir dire que France Télévisions, ses dirigeants et ses 11 000 collaborateurs ont réussi à relever les défis lancés par la réforme et à prouver que qualité et audience ne sont pas forcément antinomiques.
La preuve en est que, depuis le début de l’année, France Télévisions résiste mieux que ses concurrents privés à la progression, en termes d’audience, de la TNT, qui représente, avec les autres chaînes payantes, un tiers de l’audience, contre un quart voilà un an. Le recul de France Télévisions n’a été, depuis le début de l’année, que de 2, 2 %, contre 3, 3 % pour M6 et 6 % pour TF1, qui vient de passer, pour la première fois, sous la barre des 25 % d’audience.
En ce qui concerne la question des financements, qui nous inquiétait voilà un an, la situation est, me semble-t-il, beaucoup moins satisfaisante.
La taxe sur les opérateurs de communication fait aujourd’hui l’objet d’une procédure d’infraction engagée par la Commission européenne, qui estime qu’elle constitue une charge administrative imposée aux opérateurs incompatible avec le droit européen.
Le taux de la taxe sur la publicité, du fait de l’évolution du marché publicitaire, a dû être ramené de 1, 5 % à 0, 5 % – il était de 3 % dans le texte initial –, et personne n’en connaît vraiment aujourd’hui le produit.
C’est peut-être pour cette raison que nous attendons toujours que, en application de l’article 32 de la loi, le Gouvernement remette un rapport sur l’application de cette taxe. Ce rapport, je le rappelle, devait être rendu dans l’année suivant la promulgation de la loi, c’est-à-dire au plus tard au mois de mars 2010.
Vous m’opposerez sans doute, monsieur le ministre, que la fragilisation de ces deux taxes ne remet pas mécaniquement en cause l’équilibre de France Télévisions, puisqu’elles ne sont pas affectées et que la suppression de la publicité est compensée par une dotation de l’État. Il n’en demeure pas moins que cette fragilisation affecte bien les recettes de l’État, qui, me semble-t-il, ne sont pas sans limites…
Face à cette situation, beaucoup, y compris parmi les plus ardents défenseurs de cette mesure, s’interrogent sur la pertinence de supprimer la publicité à la télévision avant 20 heures. Je pense notamment à celui qui avait affirmé que, lui vivant, la redevance n’augmenterait pas, et dont la commission qu’il présidait s’était fait le chantre de cette suppression. Mme Morin-Desailly, qui faisait partie de cette commission, peut en témoigner.
Il y a en effet, à mon sens, de véritables raisons de s’interroger sur cette suppression. De l’avis général, notamment de celui des professionnels, elle n’aurait aucune conséquence sur la qualité de la programmation. Les expériences menées à l’étranger tendent à le prouver. En revanche, elle priverait France Télévisions de plus de 300 millions d’euros de recettes. Vous conviendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ce n’est pas rien ! Au moment où le Premier ministre annonce un gel des dépenses publiques, on voit mal comment l’État pourrait compenser cette perte de recettes pour France Télévisions, surtout s’il doit renoncer aux 330 millions d’euros du produit de la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet !
Si la publicité avant 20 heures devait être supprimée, l’État envisagerait-il de réduire la dotation de France Télévisions ? Envisagerait-il une augmentation de la contribution à l’audiovisuel public, la création d’une nouvelle taxe, ou encore un relèvement des taxes qui ont été instaurées en 2009 ?
Certains considèrent que ces questions sont taboues ou prématurées. J’estime pour ma part qu’il est plus responsable de les aborder dès à présent, car elles sont fondamentales, en particulier dans le contexte actuel de nos finances publiques.
Ces questions nous amènent à évoquer la redevance, sujet intimement lié à celui de la publicité.
L’année dernière, lors de la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, nous avions formulé des propositions visant à augmenter le produit de la redevance sans en relever le montant.
Nous avions ainsi suggéré d’élargir l’assiette de la redevance aux terminaux susceptibles de recevoir la télévision, sous réserve qu’elle ne soit pas déjà payée au titre de la détention d’un téléviseur.
Nous avions également proposé que les propriétaires de résidence secondaire acquittent une redevance supplémentaire, minorée de moitié, dans la limite d’une redevance et demie par foyer fiscal. La commission Copé avait estimé que cette mesure rapporterait plus de 110 millions d’euros.
Nous avions finalement retiré les amendements correspondants, forts de l’engagement du Gouvernement de créer un groupe de travail chargé de la modernisation de la redevance. Ce groupe de travail aurait également pu se pencher sur la question des exonérations, qui concernent tout de même quatre millions de foyers. Le 15 janvier 2009, votre prédécesseur, Mme Albanel, avait tenu les propos suivants dans cette enceinte : « La voie de la sagesse réside à mon avis dans l’engagement pris par le Premier ministre de créer cette année un groupe de travail chargé de réfléchir à la modernisation de la redevance. »
Plus d’un an après, ce groupe de travail n’a pas vu le jour, et la réponse que vous avez faite à ma question orale du 23 mars dernier m’a pour le moins surpris, puisque j’ai appris à cette occasion qu’un rapport, semble-t-il élaboré par vos services, était en cours de transmission au Parlement et qu’il concluait à l’urgence de ne rien faire.
Monsieur le ministre, pourquoi la commission qui nous avait été promise n’a-t-elle pas été créée, conformément aux engagements pris par le Gouvernement ? Qui d’entre nous a été consulté ou même seulement informé de l’élaboration de ce rapport ? Je souhaiterais que vous puissiez nous apporter des précisions sur ce sujet, d’autant que, malheureusement, il ne s’agit pas du seul engagement que le Gouvernement n’ait pas tenu.
En effet, le comité de suivi prévu par l’article 75, dans lequel doivent siéger quatre députés et quatre sénateurs et dont la mission était d’« évaluer » l’application de la loi ainsi que de proposer, le cas échéant, « une adaptation des taxes et des modalités de financement de la société », n’a pas non plus vu le jour.
J’ajoute que l’on attend toujours la publication de plusieurs décrets d’application de cette loi pourtant déclarée urgente par l’exécutif, tels que celui, visé à l’article 55, qui devait déterminer les règles applicables aux services de médias audiovisuels à la demande. De même, nous attendons toujours la publication d`une ordonnance relative à l’extension de la TNT en outre-mer.
Nous n’avons pas non plus reçu le rapport sur la protection des mineurs, qui devait être remis le 30 septembre 2009, ni, a fortiori, celui qui a trait à l’application de l’article 55 de la loi.
L’extension aux programmes culturels des sociétés nationales de programmes du mécénat d’entreprise, prévue par l’article 34, n’est pas effective. Chacun s’accorde pourtant à souligner l’importance et la nécessité de cette mesure.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire qu’une telle absence de respect de la loi et des engagements gouvernementaux n’est pas acceptable. J’aimerais que vous nous indiquiez aujourd’hui quand le Gouvernement entend enfin respecter ses obligations légales et ses engagements.
Pourriez-vous également, à l’occasion du présent débat, nous apporter des éléments complémentaires sur cette réforme, en dresser un bilan, le plus objectif possible, en indiquant les aspects qui vous semblent positifs et ceux qui le seraient moins, et préciser quelles mesures le Gouvernement pourrait prendre au vu de ce bilan ?
Par ailleurs, quelles sont, selon vous, les conséquences sur la création des effets conjugués de l’évolution du service public de l’audiovisuel et des pertes de recettes publicitaires des chaînes privées ? Les objectifs fixés à France Télévisions ont-ils, à vos yeux, été atteints par l’actuelle équipe dirigeante ? Qu’attendez-vous de la prochaine étape qui s’ouvrira à la rentrée de septembre avec le nouveau mandat du président de France Télévisions – ou le mandat du nouveau président ? Quelle est la position du Gouvernement sur la suppression de la publicité avant 20 heures ? Je rappelle que plus de 300 millions d’euros sont en jeu, et je ne vois pas comment il pourrait être possible de maintenir cette suppression sans accroître le produit de la redevance par l’élargissement de son assiette.
Enfin, qu’en est-il de la question de la vente de la régie publicitaire, l’État ayant été mis en minorité sur ce sujet au sein du conseil d’administration de France Télévisions ? Ne pensez-vous pas que cette question ne pourra pas être résolue tant que ne l’aura pas été celle de la suppression de la publicité ? Ne croyez-vous pas que des règles déontologiques et éthiques strictes devraient s’appliquer en la matière et que cette question se pose avec une acuité toute particulière en ce moment ?
Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, nous attendons beaucoup de vos réponses.
Le Sénat a été malmené au cours de cette réforme : la publicité a été supprimée avant même qu’il ait examiné le projet de loi ; des engagements du Gouvernement et des obligations législatives à son égard n’ont pas été tenus.
Malgré cela, l’engagement déjà ancien, pour ne pas dire historique, du Sénat pour l’audiovisuel ne faiblit pas, bien au contraire. En témoignent le présent débat dans cet hémicycle, ainsi que la mission de contrôle conduite par nos collègues Catherine Morin-Desailly et Claude Belot ; en atteste aussi la proposition de loi de M. Ralite, même si elle relève d’une démarche différente.
Monsieur le ministre, nous espérons donc vivement que vous aurez à cœur d’effacer les affronts subis par le Sénat en répondant clairement, précisément et franchement sur les différents points que je viens d’évoquer, ainsi que sur ceux que mes collègues ne manqueront pas de mettre en exergue.