Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur l’application de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision n’est pas au cœur des préoccupations de nos concitoyens, parce que la plupart d’entre eux en ignorent les tenants et les aboutissants. En revanche, il constitue un élément fondamental du contrôle que la Haute Assemblée doit exercer sur les conditions d’application de la loi. À ce titre, je tiens à remercier tout particulièrement notre collègue Hervé Maurey d’avoir demandé son inscription à l’ordre du jour de nos travaux.
Je voudrais d’abord rappeler que cette loi était la traduction législative du rapport de la commission pour une nouvelle télévision publique, présidée par Jean-François Copé et composée de parlementaires, mais aussi de professionnels.
Ce texte, qui se voulait emblématique, comportait de fait une seule mesure évidente : la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision et, par voie de conséquence, la compensation du manque à gagner qui en découlait pour celles-ci. S’y ajoutait néanmoins la réorganisation des sociétés publiques de l’audiovisuel en une société unique, France Télévisions, dotée de différentes antennes, son président devant être nommé par l’État actionnaire.
Lors de l’examen du projet de loi, le groupe du RDSE avait dénoncé avec fermeté le fait que les dispositions relatives à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques après 20 heures soient déjà entrées en vigueur quelques jours auparavant. Favorable à ce que la publicité ne serve plus à financer le service public de l’audiovisuel, il avait souligné la nécessité d’assurer un financement pérenne à celui-ci, et avait par ailleurs regretté les conditions de révocation du président de France Télévisions. Les membres du groupe, dans leur diversité, avaient majoritairement voté contre ce texte ou s’étaient abstenus.
Si j’ai voulu rappeler la position qu’avait prise alors le RDSE, c’est pour souligner combien aujourd’hui elle me paraît « sage », ou du moins appropriée. Qu’en est-il, en effet, de l’application de la loi ?
Depuis le 5 janvier 2009, la publicité a disparu sur les chaînes publiques entre 20 heures et 6 heures du matin. Soit ! Mais il faut mesurer les conséquences d’une telle évolution avant que ne soit mise en œuvre la deuxième phase prévue par la loi, à savoir la suppression totale de la publicité à compter du 30 novembre 2011.
Ces conséquences ont été soulignées par la Cour des comptes, qui, en octobre 2009, remettait un rapport consacré aux comptes et à la gestion du groupe France Télévisions. Couvrant la période 2004-2008, ce rapport fait le constat d’une télévision publique « fragilisée », aux objectifs d’audience peu ambitieux, à la situation financière très dégradée. La loi du 5 mars 2009 aurait dû être un remède à ces « fragilités ».
Pour la Cour des comptes, il importe que la réforme du mode de financement de la télévision publique présente des bénéfices « incontestables », car « nul ne comprendrait que l’État dépense plus pour un service inchangé ».
« Pour réussir dans cette voie », écrit encore la Cour des comptes, « France Télévisions aura besoin que les pouvoirs publics lui accordent ce qui lui a fait défaut jusqu’à présent : la continuité stratégique ; une autonomie de gestion qui permette de faire prévaloir l’intérêt de l’entreprise sur ceux de la production indépendante privée ; surtout et enfin, le soutien aux réorganisations internes et à la renégociation des accords sociaux qu’entraîne le choix par le législateur de l’entreprise commune en lieu et place des anciennes chaînes. »
Or, force est de constater que tous les ingrédients ne sont pas réunis pour faire de cette aventure une parfaite réussite.
Tels qu’ils sont prévus par les textes, les différents modes de compensation financière, clefs de voûte du dispositif, soulèvent de nombreuses craintes. La loi de finances pour 2010 est apparue comme une menace : les aides promises par le Gouvernement à France Télévisions ont été ramenées de 450 millions d’euros à 415 millions d’euros, au motif que le manque à gagner lié à la suppression de la publicité aurait finalement été moins considérable que prévu au moment de l’adoption de la loi, en 2009.
En outre, le taux de la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées a été remis en cause. Les chaînes privées, invoquant une baisse de leurs recettes publicitaires, ont obtenu qu’il soit réduit.
Par ailleurs, la taxe de 0, 9 % sur les opérateurs de communication et les fournisseurs d’accès à internet est largement contestée, y compris par les instances européennes.
Que penser, dans ces conditions, de ce dispositif, dans la mesure où les engagements pris ne sont pas respectés ? Je pourrais également évoquer, à cet égard, le comité de suivi chargé de faire un point d’étape régulier sur l’application de la loi et le groupe de travail sur la redevance audiovisuelle, dont on se demande encore aujourd’hui ce qu’il va advenir !
Que penser des retards pris dans l’élaboration et la publication des textes d’application de la loi ? Je me bornerai à n’évoquer que quelques-uns d’entre eux, attendus avec impatience.
Ils ont notamment trait à des dispositions figurant à l’article 45 de la loi, relatives aux conditions d’accès des diffuseurs aux courts extraits d’événements présentant un grand intérêt pour le public, ou encore au régime de diffusion des brefs extraits de compétitions sportives retransmis dans le cadre d’émissions d’information.
Sont également concernées, à l’article 55, les règles applicables aux services de médias audiovisuels à la demande diffusés par voie autre que hertzienne, ainsi que, à l’article 66, les règles relatives à la procédure de suspension de retransmission de services de télévision en provenance d’un autre État membre ou les conditions d’application du dispositif anti-délocalisation relatif aux services de communication audiovisuelle destinés au public français.
Je pourrais également citer d’autres mesures, non réglementaires, qui ne sont toujours pas mises en œuvre aujourd'hui.
Nous le savons tous, monsieur le ministre, engager des réformes n’implique pas forcément qu’elles réussiront. Néanmoins, notre devoir, au regard de la loi votée, n’est-il pas d’être le plus respectueux possible des contraintes que nous nous sommes fixées, en veillant à l’applicabilité des dispositions adoptées, à la pérennisation du financement de la télévision publique et à la prise en compte des vingt-sept mesures préconisées par la Cour des comptes, dont nous aimerions savoir comment elles seront mises en œuvre ?
Monsieur le ministre, le groupe du RDSE compte sur vous pour obtenir des réponses sur ces différents points. Il s’agit de faire en sorte que la communication audiovisuelle et le nouveau service public de télévision soient vraiment au service du public.