Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, retenu en Afrique pour y défendre une bonne cause, celle de la francophonie.
Ce n’est certes pas la première fois que les ambitions culturelles se heurtent à des contraintes et à des freins budgétaires, ni que nous avons à arbitrer entre le principal et le subsidiaire.
Voilà quelques mois, à l’automne dernier, le président de France Télévisions tenait les propos suivants lors de son audition par la commission de la culture : « L’année sera éclairante, fondatrice et déterminante. »
Notre débat d’aujourd’hui s’inscrit au cœur même de cette perspective, puisqu’il doit nous permettre de faire le point sur l’application de la loi que nous avons adoptée voilà un an, d’en tirer les enseignements et de nous rappeler les principes fondateurs de cette réforme, ainsi que ses enjeux.
Les échanges passionnés que nous avons eus l’année dernière lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ont bien montré l’importance du sujet et combien nous tenons tous, au-delà des clivages politiques, à une télévision publique de qualité.
La réforme reposait sur un postulat simple, auquel nous attachons tous beaucoup d’importance : la télévision publique doit se distinguer, se démarquer, se différencier dans le paysage audiovisuel français ; elle doit avoir une couleur qui lui soit propre.
Cet objectif de différenciation correspond, tout simplement, tout naturellement, à la mission de service public singulière qui est la sienne, axée sur l’élévation des esprits par la culture, le partage des connaissances, la stimulation de l’esprit critique et la satisfaction de la curiosité intellectuelle de nos concitoyens. Cette mission est également fondée sur le partage des enjeux des mutations de notre société contemporaine afin de nourrir un lien social que, mal éclairées, ces mutations pourraient distendre. Il s’agit donc pour notre pays d’une mission d’une importance majeure, difficile mais unique.
La télévision publique n’a pas connu un bouleversement total de sa mission. Elle met du temps pour conquérir un public tout en restant fidèle à sa vocation. La seule suppression de la publicité ne suffira pas à lui assurer la réussite.
Déjà, le contrat d’objectifs et de moyens 2007-2010 et les engagements pris par France Télévisions au travers de l’avenant qui le prolonge jusqu’en 2012 marquent, en matière de diffusion culturelle et de soutien à la création, des progrès considérables dans la voie de l’accomplissement de cette mission.
Pour ma part, je suis assez admiratif du travail réalisé actuellement par la direction de France Télévisions, qui a déjà fortement ancré l’originalité des chaînes publiques dans le paysage et s’est résolument engagée dans l’application de la réforme.
Pour accentuer la différenciation des chaînes publiques, la loi votée en mars 2009 a prévu la suppression de la publicité en deux temps : d’abord après 20 heures, puis totalement, après le passage au « tout numérique », fin 2011. À cet égard, je souligne, car cela n’a pas encore été fait, que cette évolution technique engendrera des économies pour France Télévisions, puisqu’elle pourra utiliser davantage de canaux.
La réforme est donc, sur ce point comme sur d’autres, au milieu du gué.
Outre qu’elle satisfait une forte majorité de téléspectateurs, la suppression de la publicité après 20 heures a permis à France Télévisions de prendre la main sur les horaires traditionnels de ce que l’on appelle le prime time, de capter une partie de l’audience et, surtout, de « décorréler » la programmation du taux d’audience, en la libérant du joug de l’audimat.
Si la programmation est soumise à la pression de l’audimat, il ne fait aucun doute que la vocation culturelle et sociale de la télévision publique que j’évoquais tout à l’heure se trouve obligatoirement altérée et affaiblie.
Libérer la télévision publique de la publicité, c’est lever une contrainte, s’affranchir d’une influence, ouvrir la porte à l’audace et à la créativité, donner le temps aux programmes de trouver leur public et s’adresser à tous les Français, et non pas seulement aux cibles privilégiées par les publicitaires.
Il s’agissait d’une nécessité non seulement culturelle, mais également économique, la publicité n’étant pas une manne inépuisable, comme la crise nous l’a confirmé. L’émergence des nouvelles chaînes de la TNT et de nouveaux médias tels qu’internet rend le marché publicitaire de plus en plus tendu.
La suppression totale de la publicité sur les ondes des chaînes publiques est, à mon sens, la bonne voie et le bon objectif. Dès lors, se pose bien sûr le problème du financement du service public, de la compensation des manques à gagner, dans le respect de la pérennité des moyens accordés à France Télévisions, ainsi que de son indépendance.
Dans ce contexte, la loi avait apporté des solutions qui garantissaient à la télévision publique un financement pérenne et principalement d’origine publique.
D’abord, elle a introduit une taxe d’un montant raisonnable – j’évoquerai tout à l’heure sa fragilité actuelle – sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communication et des fournisseurs d’accès à internet. Ces derniers réalisent des bénéfices en exploitant des images de la télévision, et il ne me semble donc pas anormal qu’ils contribuent, en retour, au financement de celle-ci.
Ensuite, une taxe modulable sur les recettes publicitaires des chaînes privées a été mise en place pour tenir compte du report à leur profit des ressources publicitaires. Cette mesure ne me semble pas non plus anormale.
Par ailleurs, le montant de la redevance, qui présente l’avantage d’être une ressource assurément pérenne, a été indexé sur l’inflation. Est-ce suffisant ? Je rappelle que la commission de la culture a engagé depuis longtemps une réflexion sur la revalorisation de la redevance, dont le montant était gelé depuis 2001.