À l’époque – je vous renvoie à la page 66 de notre rapport –, nous écrivions : « cette clause est fondamentale […] le législateur devra se pencher sérieusement sur les effets à la fois culturels et financiers de la diminution de la publicité sur le service public ».
À cet égard, nous avions fait inscrire à l’article 75 le principe de mise en œuvre d’un comité de suivi pour venir renforcer utilement l’expertise sur cette question.
Or nous sommes en attente du rapport promis. Par ailleurs, bien que la commission de la culture du Sénat s’en soit inquiétée à plusieurs reprises auprès de la direction du développement des médias, la DDM, le fameux comité de suivi qui devait être composé de quatre députés et de quatre sénateurs n’a toujours pas été constitué.
Le groupe de travail sur ce qui s’appelait alors la « redevance » n’a pas été non plus réuni.
Vous savez qu’au Sénat, monsieur le ministre, l’Union centriste a toujours soutenu, depuis 2002, la position constante des précédents rapporteurs sur cette question, que ce soit ceux de la commission de la culture ou de la commission des finances – je pense, bien sûr, à Louis de Broissia et à Claude Belot : un service public avant tout financé par des fonds publics pérennes et dynamiques, autrement dit par une redevance indexée et raisonnablement réévaluée.
La redevance est une question qui a longuement occupé nos débats. Nous avions adopté plusieurs mesures à son sujet : revalorisation de son montant en l’arrondissant à l’euro supérieur ; indexation sur le taux d’inflation ; augmentation de 2 euros ; possibilité d’en effectuer le paiement par mensualités ; nouvelle appellation de « contribution à l’audiovisuel public » afin de développer la pédagogie du dispositif, qui fait encore quelque peu défaut aujourd'hui ; exclusion du groupement France Télévisions numérique du champ des bénéficiaires de la redevance.
Cette dernière disposition est aujourd'hui mise en œuvre, mais il a fallu y revenir à plusieurs reprises, notamment en loi de finances rectificative, pour convaincre M. Woerth.
Lors de la discussion, monsieur le ministre, nous avions accepté, comme cela a été rappelé, de retirer certains amendements portant sur l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public puisque le Gouvernement s’était engagé, au cours de la séance du 15 janvier 2009, à créer un groupe de travail chargé de réfléchir à la modernisation de la redevance.
Je suis donc étonnée de la réponse qui a été adressée à M. Maurey le 23 mars dernier, d’après laquelle il apparaît que ce comité ne sera finalement pas mis en place. C’est d’autant plus regrettable qu’aujourd’hui, même si elles ne sont pas directement affectées au financement de la télévision, une double incertitude pèse sur les taxes : la potentielle annulation par Bruxelles de la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet, les FAI, et l’effectivité de la taxe sur le chiffre d’affaires de la publicité sur les chaînes privées.
Ces incertitudes sont d’autant plus inquiétantes qu’elles interviennent dans un contexte de crise et de déficit accru de l’État.
La tâche, avouons-le, serait plus facile si nous avions une idée plus précise des besoins de financement de France Télévisions pour les dix années à venir. Or, comme Michel Thiollière et moi-même l’avions souligné dans notre rapport, le projet ambitieux que nous avons porté, celui d’ « une entreprise organisée autour du concept de “ média global ” et capable de réunir tous les publics sur tous les supports de diffusion, a en effet un coût. À ce stade, celui-ci n’est pas encore totalement connu : nul ne sait encore quelles seront les économies dégagées par la constitution de l’entreprise unique une fois passée la première phase de l’intégration, nécessairement coûteuse ».
Nul ne sait non plus – et j’ai interrogé bon nombre de personnes – quelles seront les recettes engendrées par le média global alors que le potentiel est, selon le rapport de la Cour des comptes, important.
Aujourd’hui, je regrette donc que le Sénat, qui avait constaté que les travaux de la commission pour la nouvelle télévision publique ne lui avaient pas permis de mener cette expertise et ce travail de réflexion, pas plus qu’une analyse du fonctionnement ni de la gestion de France télévisions, n’ait pas été suivi.
Nous avions proposé, je vous le rappelle, qu’une analyse neutre, objective et informée puisse être réalisée à la manière de ce qui se pratique en Allemagne où une autorité indépendante spécifique, la Kommission zur Überprüfung und Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten, la KEF, évalue les ressources nécessaires au financement de l’audiovisuel public.
Aux termes d’une disposition proposée par le Sénat et que nous avions tous votée, le CSA se voyait confier le soin de rendre un rapport au Parlement sur le financement de France Télévisions avant chaque loi de finances ; hélas ! cette disposition a disparu en commission mixte paritaire parce que nos collègues de gauche ne nous ont pas soutenus. Ce sont les mêmes qui, aujourd'hui, nous donnent des leçons de morale sur l’indépendance des médias par rapport au pouvoir politique !
C’est pour cette raison, et parce que tous les outils d’accompagnement et d’évaluation de la réforme n’ont pas été mis en place, que la commission de la culture m’a confié ainsi qu’à mon collègue Claude Belot une mission de contrôle que nous menons depuis le 24 février dernier sur l’adéquation du financement de France Télévisions à ses missions.
Le rapport d’étape, qui sera présenté à la fin du mois de juin, apportera, je l’espère, une plus grande information sur les besoins du groupe en termes de ressources financières.
Je suis convaincue aujourd’hui qu’il faut consolider la réforme engagée. Celle-ci est en bonne voie, mais elle se trouve encore au milieu du gué.
De l’avis général, le virage éditorial – il faut saluer le travail de Patrick de Carolis – est réalisé. Bien sûr, la différenciation du service public doit être encore approfondie, et l’identité de France 4, mais surtout de France 3, reste à travailler. Monsieur le ministre, j’aimerais recueillir votre point de vue sur ce sujet.
Le groupe ne ménage pas non plus ses efforts pour constituer l’entreprise unique. Ce chantier doit absolument aboutir. Il représente 49 sociétés et 11 000 employés. On mesure l’ampleur de la tâche aujourd’hui, au moment où les négociations collectives sont en cours.
Le média global, quant à lui, est en route. La Cour des comptes souligne, pour l’instant, que le chantier manque de structuration et de vision stratégique, mais il y a des avancées notables.
Comme prévu dans le contrat d’objectifs et de moyens, le COM, mais avec deux ans d’avance, les programmes de France Télévisions sont désormais accessibles gratuitement sur internet pendant sept jours.
France Télévisions doit absolument développer cette offre délinéarisée, car nous savons déjà que la télévision sur écran classique ne devrait plus représenter que 50 % du temps total de consommation télévisuelle à l’horizon de 2013 !
Si le développement du média global représente un enjeu économique de taille pour le groupe public, il revêt également un aspect de service au téléspectateur.
Dans ce domaine, France Télévisions a d’ores et déjà atteint plusieurs objectifs fixés par la loi puisque 100 % de ses programmes sont aujourd'hui accessibles aux sourds et malentendants et que le comité consultatif des programmes, composé de téléspectateurs, a été mis en place.
Les efforts doivent désormais porter sur une meilleure représentation de la diversité, dans son acception la plus large, et sur le développement d’une offre de programmes accessibles en sous-titrages.
Pour ce qui est du soutien à la création, autre mission de France Télévisions, le groupe a souscrit aux objectifs fixés par le COM et les a même dépassés : 382, 9 millions d’euros ont été investis pour un objectif de 375 millions d’euros.
Il va sans dire que le maintien des synergies internes et externes sera nécessaire pour tenir la trajectoire des dépenses du plan d’affaires pour la période 2010-2012.
Si le groupe doit poursuivre ses efforts, nous devons nous aussi maintenir le cap fixé et confirmer notre soutien à une télévision publique que nous avons souhaitée ambitieuse, et cela sans grever le budget de l’État.
Il faudra encore trois bonnes années pour qu’aboutisse ce vaste chantier. D’ici là, un modèle économique qui ne repose pas sur des hypothèses aléatoires, comme cela a été le cas au moment de l’élaboration de la loi, devra également avoir été stabilisé.
Du coup, la suppression de la publicité avant 20 heures suscite de nouveau beaucoup d’interrogations. Les centristes ont toujours plaidé pour une télévision libérée des chaînes de l’audimat, lesquelles vont de pair, quoi qu’on en dise, avec la publicité. Je suis donc très étonnée que, vous, monsieur Ralite, grand défenseur des libertés par rapport aux forces de la finance, vous souteniez l’idée d’un rétablissement de la publicité après 20 heures !