Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 10 mai 2010 à 15h00
Débat sur l'application de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous remercier de toutes ces questions essentielles et, par là même, de l’intérêt profond que manifeste la représentation nationale pour l’enjeu crucial que constitue l’avenir de l’audiovisuel public, en particulier celui de la télévision publique.

Cet intérêt, je le partage non seulement en qualité de ministre de la culture et de la communication, mais aussi un peu à titre individuel puisque, vous le savez, j’ai longtemps lié mon destin personnel et professionnel à une certaine idée du service public télévisuel.

Je dis « ministre de la culture et de la communication » parce que ces deux champs de compétence de mon ministère se trouvent, en l’occurrence, plus que jamais liés et se soutiennent plus que jamais l’un et l’autre dans leur effort.

En effet, la réforme opérée par cette fameuse loi du 5 mars 2009 – dont vous me demandez aujourd’hui en quelque sorte un premier bilan, un bilan d’étape, un peu plus d’une année après son entrée en vigueur – répond à une ambition culturelle sans précédent dans l’histoire de la télévision française, car le service public a pu renouer ainsi avec une exigence culturelle qui correspond à sa vocation première, celle d’être l’un des grands vecteurs de ce que j’appelle la « culture pour chacun ».

Je suis depuis longtemps convaincu que, du fait de sa capacité de diffusion exceptionnelle, le média télévisuel est par excellence le médiateur idéal d’une culture qui sait allier popularité et qualité. Les grandes réussites de programmes documentaires comme Apocalypse, les retransmissions d’opéras ou de pièces de théâtre, qui ont rassemblé des millions de personnes devant le petit écran, démontrent que cette ambition n’était pas une utopie. M. David Assouline a d’ailleurs rappelé très justement que ce mouvement avait commencé avant l’intervention de la réforme.

Le débat d’aujourd’hui me permet de réaffirmer cette ambition, tout en me donnant l’occasion de dresser un bilan et de répondre aux inquiétudes et aux critiques que j’entends encore et qui sont légitimes, s’agissant d’un service public aussi important.

Je constate d’abord que ces critiques ont évolué : les Cassandre cathodiques qui criaient à l’apocalypse du service public en raison d’un prétendu sous-financement et faisaient chorus pour dénoncer les prétendus cadeaux dispensés aux grandes chaînes privées ont changé de discours ; on soupçonnait la procédure de nomination des présidents des chaînes publiques d’obéir à une logique politicienne ! J’en passe, et de bien pires… Nous en reparlerons.

Il est évident aujourd’hui que ces critiques sont loin des réalités et que la mise en œuvre de cette réforme est un succès, tant dans son application par les professionnels que dans la manière dont elle a été accueillie par les téléspectateurs. Le chemin parcouru depuis l’annonce du Président de la République, en janvier 2008, est considérable. Le travail accompli ne s’arrête d’ailleurs pas à la seule loi du 5 mars 2009.

À cet égard, permettez-moi de faire rapidement le point sur l’ensemble des textes d’application adoptés par le Gouvernement.

À ce jour, les principaux décrets d’application ont été adoptés, qu’il s’agisse des décrets sur le cahier des charges et les statuts de France Télévisions ou des décrets sur la contribution à la production des chaînes de télévision diffusées en analogique et par câble et satellite. Le décret sur la contribution à la production des chaînes de la télévision numérique terrestre est en cours d’adoption : le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rendu son avis la semaine dernière.

Quatre autres textes sont en cours d’élaboration. Sur certaines de ces dispositions – je pense en particulier au décret sur les services de médias audiovisuels à la demande –, nous faisons œuvre de droit, et nos voisins européens nous observent attentivement : l’exercice implique d’entendre l’ensemble des parties prenantes et de porter une attention accrue à l’équilibre entre contribution à la création et développement d’un marché émergent. La dernière des consultations publiques vient de s’achever et le texte doit prochainement être soumis pour avis au Conseil supérieur de l’audiovisuel ainsi qu’à la Commission européenne.

Monsieur Maurey, vous avez également abordé la question du déploiement de la télévision numérique terrestre outre-mer. Sur ce point, le Gouvernement a respecté les délais prévus par la loi, puisque l’ordonnance a été publiée le 27 août 2009. Grâce à ce texte, les ultra-marins pourront bénéficier d’une offre numérique de chaînes gratuites dès la fin de l’année 2010.

Le travail accompli dans le cadre de cette réforme se décline en quatre grands chantiers dont je souhaite retracer les avancées devant vous.

Le premier de ces chantiers concerne la réforme de France Télévisions. Je vous ai déjà dit un mot de l’ambition culturelle replacée au cœur des programmes de la télévision publique, pour le plus grand profit de tous les téléspectateurs.

Le virage éditorial déjà amorcé s’est concrétisé dans le nouveau cahier des charges de France Télévisions, publié par décret en juin 2009, qui tend à réaffirmer la spécificité du secteur public télévisuel par rapport au secteur privé, notamment grâce à une offre culturelle plus dense et plus créative. Il s’agit aussi de renforcer l’engagement de la télévision publique dans le soutien à la création d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises et européennes, ainsi que l’ont salué les commissions parlementaires consultées sur le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens.

L’autre apport de cette réforme consiste en une réorganisation profonde et historique de l’entreprise publique. La loi du 5 mars 2009, vous le savez, a procédé à la fusion des antennes France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO au sein d’une entreprise unique. Une « vente à la découpe » est donc impossible, contrairement aux craintes que vous avez exprimées, monsieur Assouline ! L’objectif visé n’est pas seulement d’ordre économique ; il convient aussi, et surtout, de construire une stratégie commune globale et articulée, prenant mieux en compte l’ensemble des supports de l’ère numérique. À cette fin, France Télévisions a conçu un projet précis de réorganisation, mis en place depuis le 4 janvier dernier.

Mais l’une des dispositions phare de cette réforme salutaire est bien évidemment la suppression progressive de la publicité.

Cette mesure est largement plébiscitée par les téléspectateurs, qui apprécient que les programmes de première partie de soirée puissent débuter dès 20 heures 35 : plus de 70 % d’entre eux s’en déclarent satisfaits. J’ajoute que les programmes de deuxième et de troisième partie de soirée démarrent, eux aussi, plus tôt et rencontrent ainsi un plus large public.

La loi prévoit que la suppression totale de la publicité en journée sur France Télévisions interviendra au moment où la France aura entièrement basculé dans la diffusion numérique, c’est-à-dire à la fin de 2011. Cette date n’a pas été choisie au hasard : l’extinction totale de la diffusion en mode analogique permettra de réaliser des économies importantes sur les coûts de diffusion, qui limiteront d’autant le besoin de financement complémentaire apporté par l’État.

Le mouvement de suppression de la publicité en journée sur France Télévisions fait donc l’objet d’un processus d’évaluation prévu par le législateur. Avant que la suppression ne soit effective, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur l’incidence de la fin de la diffusion de publicité en soirée, au plus tard le 1er mai 2011. Sur ce sujet, je le répète, il convient d’appliquer la loi, toute la loi et rien que la loi. Où est l’urgence à revenir aujourd’hui sur ce que le législateur a voté il y a un an seulement ?

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