L’ouverture du capital de la régie publicitaire de France Télévisions constitue un problème connexe. J’ai bien entendu vos interrogations sur ce sujet : elles appellent quelques précisions.
Dans l’intérêt non seulement du groupe France Télévisions, mais aussi des salariés de la régie France Télévisions Publicité, l’État actionnaire et France Télévisions ne pouvaient rester attentistes depuis la décision de la suppression progressive de la publicité.
En effet, le chiffre d’affaires de la régie, déjà divisé par deux entre 2007 et 2009, devrait être de nouveau divisé environ par trois à l’horizon de 2012. Un redéploiement des activités de la régie France Télévisions Publicité est donc indispensable si l’on souhaite, d’une part, limiter les effets d’une restructuration douloureuse et, d’autre part, préserver le dynamisme de la régie et garantir à France Télévisions des perspectives de ressources commerciales comme le parrainage ou la publicité régionale. Voilà pourquoi il a été décidé d’agir, et France Télévisions a choisi de s’associer à un partenaire industriel. La décision d’ouvrir le capital de la régie a été prise par la direction de France Télévisions et approuvée par son conseil d’administration. Elle ne relève pas d’une demande de l’État.
La direction de France Télévisions a lancé un processus transparent, encadré par le conseil d’administration, où siègent des représentants de l’État, des parlementaires, les personnalités indépendantes nommés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et des représentants du personnel, qui ont tous pour mission de veiller aux intérêts de l’entreprise.
Les débats et les interrogations qui ont pu s’exprimer, ici ou là, sur la suppression de la publicité – et celui d’aujourd’hui en est la toute dernière manifestation – sont particulièrement légitimes et nécessaires : ils ont forcément influé sur la conception du partenariat prévu. La direction de France Télévisions a préféré suspendre cette procédure pour l’instant, mais je tiens à réaffirmer ici la volonté du Gouvernement de mener à leur terme les réformes prévues par la loi. La suppression de la publicité sera appliquée, conformément à la loi.
La question qui vient ensuite immédiatement à l’esprit porte sur les moyens qui permettront de garantir à France Télévisions un financement dynamique.
La suppression de la publicité a eu également pour effet vertueux d’engager France Télévisions à adapter son mode de financement pour en consolider le dynamisme et le niveau. Pour compenser la perte des recettes publicitaires, le législateur a prévu que la dotation issue de la contribution à l’audiovisuel public, l’ex-redevance audiovisuelle, soit désormais complétée par une dotation complémentaire issue du budget général de l’État. Le remplacement d’une recette publicitaire incertaine par une recette publique assurée constitue évidemment un facteur de sérénité financière et éditoriale pour France Télévisions.
Le montant de la ressource publique à prévoir pour les années 2009 à 2012 figure dans l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens conclu entre la société et l’État. Il tient compte de l’ensemble des paramètres, dont la suppression de la publicité en soirée en 2009 et, à la fin de 2011, en journée.
Je comprends évidemment les inquiétudes exprimées par M. Assouline. À cet égard, je voudrais ajouter quelques précisions utiles : en 2008, France Télévisions, la commission pour la nouvelle télévision publique et le Gouvernement ont évalué à 450 millions d’euros la dotation budgétaire destinée à compléter le financement de France Télévisions. Le plan d’affaires pour la période 2009-2012, arrêté en mai 2009, reprenait ce montant en regard d’estimations de recettes publicitaires. Il est apparu, au cours de l’année 2009, que les recettes réellement encaissées dépassaient largement les prévisions. Aussi la réduction de la dotation budgétaire de France Télévisions a-t-elle relevé d’une saine gestion des deniers publics au regard des autres besoins de l’audiovisuel, mais cette révision est intervenue dans le respect de l’impératif de retour à l’équilibre financier : France Télévisions a ainsi terminé l’année 2009 avec un résultat positif.
Permettez-moi maintenant de revenir sur l’échange qui s’est engagé avec la Commission européenne concernant la remise en cause par cette dernière de la taxe sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques.
Nous contestons fermement les griefs notifiés par la Commission européenne sur cette taxe. En tout état de cause, il n’existe pas de lien entre le financement budgétaire de France Télévisions et ladite taxe. En effet, les taxes créées par la loi du 5 mars 2009 ne sont pas affectées au groupe audiovisuel. Le financement complémentaire de France Télévisions, rendu nécessaire par la suppression de la publicité, est assuré par une subvention du budget général de l’État, votée en loi de finances, sans qu’une recette déterminée y soit affectée, conformément au principe d’universalité budgétaire.
Sans préjuger les conclusions des échanges qui doivent avoir lieu avec la Commission européenne, il convient de répéter que le financement de France Télévisions est garanti par l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et la société qui est en cours de signature et qui fixe la dotation de ressources publiques pour la période allant de 2009 à 2012.
S’agissant de l’évolution de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public et de l’engagement du Gouvernement, lors du débat de janvier 2009, de créer « un groupe de travail chargé de réfléchir à la modernisation de la redevance », la volonté du Sénat de garantir un financement pérenne de l’audiovisuel public est parfaitement légitime. Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que je ne peux que m’y associer pleinement. Comme vous, je prête donc une grande attention aux déterminants des recettes de l’audiovisuel public : assiette de la contribution à l’audiovisuel public, montant, champ des bénéficiaires, ...
Le débat ouvert en 2008 sur la contribution à l’audiovisuel public, alors dénommée « redevance audiovisuelle », ne se pose plus dans les mêmes termes aujourd’hui, puisque des changements importants ont eu lieu, sur l’initiative d’ailleurs du Parlement lui-même. Le montant de la contribution a été indexé sur l’inflation à compter de 2009 et porté à 120 euros en 2010, soit 2 euros supplémentaires. En outre, le programme qui finance le passage à la télévision tout numérique ne fait plus partie des bénéficiaires de la contribution à l’audiovisuel public.
Le projet de loi de finances pour 2010 a été élaboré en parfaite cohérence avec toutes ces dispositions. Il a été adopté par le Parlement, les rapporteurs ayant salué le niveau et l’ambition du financement des médias.
En ce qui concerne l’assiette de cette taxe et son éventuel élargissement aux nouveaux modes de réception de la télévision, le Gouvernement s’est donné le temps de la réflexion. Il a conclu, dans un rapport en cours de transmission au Parlement, qu’il n’y avait pas lieu pour l’instant de modifier les dispositions actuelles. Bien entendu, ce rapport a vocation à nourrir la réflexion, notamment celle des parlementaires.
Monsieur Jean-Pierre Leleux, vous pourrez donc encore, pendant un certain temps, regarder en toute tranquillité le journal de France 2 sur votre portable, tout comme le font certainement M. Hervé Maurey et bien d’autres. Mais faites attention… Cela ne durera peut-être pas toujours, gratuitement en tout cas !
Ainsi, le cadre législatif et réglementaire est clair et prévoit les financements nécessaires pour France Télévisions. La loi prend d’ores et déjà en compte la suppression, en novembre 2011, de la publicité en journée.
C’est dans ce cadre, fixé par le législateur, que le Gouvernement inscrit son action.
Enfin, la loi du 5 mars 2009 et la loi organique adoptée le même jour ont également modifié la procédure de nomination du président de France Télévisions et, plus largement, des présidents des sociétés nationales de programmes.
Au début de l’année 2008, le Président de la République a effectivement manifesté le souhait de replacer l’État actionnaire face à ses responsabilités, en nommant les présidents des sociétés nationales de programmes.
J’ai eu l’occasion de le rappeler ici même, cette nouvelle procédure de nomination met fin à un système hypocrite et offre de nombreuses garanties. En effet, la nomination par décret du Président de la République ne peut intervenir qu’après avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel et après avis des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles dans chacune des deux assemblées.
Force est de constater qu’avec cette procédure de nomination l’indépendance des sociétés nationales de programmes concernées n’est pas entamée, comme l’a d’ailleurs confirmé le Conseil constitutionnel.
La procédure a été une première fois mise en œuvre avec la nomination de M. Jean-Luc Hees à la présidence de Radio France, par un décret en conseil des ministres du 7 mai 2009. D’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous y avez été étroitement associés, comme le prévoit la loi. Cette nouvelle procédure a fait ses preuves, en aboutissant à la nomination d’un professionnel particulièrement compétent.
La même sérénité et le même sérieux entoureront le choix de la personne appelée à assurer la prochaine présidence de France Télévisions.
De surcroît, je peux vous indiquer deux éléments certains.
En premier lieu, je suis en total accord avec le Président de la République sur notre ambition pour la prochaine présidence de France Télévisions. Sa détermination, comme la mienne, est qu’un professionnel accompli conduise le groupe audiovisuel à évoluer vers la télévision que nous voulons pour le xxie siècle, tout en défendant les valeurs fondamentales d’excellence du service public, et vous avez rappelé, monsieur Jack Ralite, à quel point nous étions attachés à ces valeurs.
En second lieu, je tiens à vous garantir que vous, parlementaires, serez, comme il est normal et prévu par la loi, étroitement associés à cette future nomination, qui représente un choix fondateur pour l’avenir de l’audiovisuel public.
Le deuxième grand chantier de la loi du 5 mars 2009 porte sur la réforme de la publicité.
Parallèlement à la réforme de France Télévisions, la limitation des écrans publicitaires sur les chaînes privées a été assouplie. En outre, conformément à la nouvelle directive « Services de médias audiovisuels » du 11 décembre 2007, le placement de produit dans les programmes audiovisuels a été autorisé, sous le contrôle du CSA.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les chaînes de télévision financent massivement la création française, sur la base de leur chiffre d’affaires. Afin de maintenir ce dispositif, il est apparu nécessaire d’augmenter les ressources des chaînes de télévision en assouplissant les règles relatives à la publicité télévisée.
Le décret du 27 mars 1992 qui fixait ces règles a été modifié en décembre 2008 afin d’allonger la durée des messages publicitaires, avec le passage de six à neuf minutes par heure en moyenne quotidienne pour les chaînes nationales dites historiques et la comptabilisation du temps maximal de publicité pour une heure donnée selon la méthode plus souple de l’heure d’horloge.
Une seconde coupure publicitaire a aussi été permise par la loi du 5 mars 2009 lors de la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles, à l’exclusion des chaînes publiques, bien sûr, mais aussi des chaînes de cinéma.
Par ailleurs, le « placement de produits » dans les programmes audiovisuels a été autorisé, parce qu’il doit apporter au monde de la création des ressources financières supplémentaires. Dans le même temps, il a été strictement encadré.
Le CSA a développé une grande expertise sur ce sujet, extrêmement complexe, au cours des dernières années. C’est pourquoi la loi lui a confié le soin d’encadrer cette pratique, plutôt que de renvoyer à un décret d’application. À l’issue d’une concertation avec les professionnels, le Conseil a adopté, le 16 février 2010, une délibération encadrant le placement de produits dans les programmes des services de télévision.
Le troisième chantier que la loi du 5 mars 2009 a permis de faire progresser est celui de la réforme de la production audiovisuelle.
Le cadre organisant le soutien à la production audiovisuelle française est en pleine mutation. Cette transformation résulte tout d’abord de la volonté du Gouvernement et du Parlement de recentrer les obligations de production des chaînes de télévision sur les œuvres dites « patrimoniales », c’est-à-dire la fiction, l’animation, le documentaire de création, le spectacle vivant et les vidéomusiques.
Afin de modifier ce cadre, le ministère de la culture et de la communication avait, dans une première phase, confié à MM. David Kessler et Dominique Richard une mission portant sur les chaînes historiques analogiques. Cette mission a abouti à l’élaboration d’accords interprofessionnels.
Cette modalité est apparue préférable, car elle permet d’intéresser les acteurs majeurs aux recettes d’exploitation des œuvres qu’ils financent, de diminuer les contraintes qui pèsent sur les chaînes, tout en sanctuarisant le soutien à la production d’œuvres patrimoniales, notamment à la fiction et au documentaire.
La loi a donc été modifiée pour permettre à ces accords de s’appliquer, et elle a notamment prévu une simplification de la notion d’indépendance des producteurs, ainsi que la possibilité d’une mutualisation des obligations au niveau des groupes audiovisuels.
Une deuxième phase a ensuite concerné la modification des obligations de production des chaînes de la TNT, ainsi que des chaînes du câble et des chaînes reçues par satellite. Des accords ont été conclus à la fin de l’année 2009, afin de fixer l’investissement de ces nouvelles chaînes dans les œuvres patrimoniales, tout en veillant à leur modèle économique, encore bien fragile.
Cette mutation était rendue nécessaire par le passage de l’analogique au numérique, l’enjeu étant de prévoir un cadre harmonisé des obligations de production s’imposant aux diffuseurs, qui se trouveront tous, dès 2012, dans une situation équivalente au regard de leur couverture du territoire.
Deux décrets d’application ont déjà été adoptés pour mettre en œuvre ces accords. Un troisième et dernier décret est en cours d’adoption, le CSA devant, dans les heures qui viennent, faire connaître son avis publiquement.
Cette réforme de la production m’amène au quatrième chantier ouvert par la loi du 5 mars 2009, à savoir l’adaptation de notre réglementation aux évolutions technologiques du secteur.
La loi du 5 mars 2009 a par exemple modernisé notre réglementation audiovisuelle française pour l’adapter aux nouveaux services de médias audiovisuels à la demande, SMAD, qui concernent principalement les services de vidéo à la demande, VOD, et ceux de télévision de rattrapage. Ce débat était au cœur de la révision de la directive européenne « Télévision sans frontières », renommée à juste titre « Services de médias audiovisuels » en 2007.
La loi nous donne désormais le cadre juridique pour déterminer les obligations applicables à ces services de médias audiovisuels à la demande. Elle a étendu à ces services certaines dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, afin notamment qu’ils puissent entrer, d’une manière réaliste et adaptée, dans le champ des acteurs contribuant au financement de la production d’œuvres françaises et européennes. Nous préparons le décret d’application de cette mesure.
Nous avons également lancé une consultation publique pour recueillir l’avis des professionnels concernés. Après les avoir reçus et entendus, nous travaillons actuellement sur le projet de décret qui permettra de trouver un équilibre entre la croissance du marché émergent de la vidéo à la demande et la contribution de ces nouveaux services à la création et au maintien de sa diversité. Nous entendons le publier d’ici à la rentrée de 2010, en prenant en compte les différents organismes dont l’avis est requis.
Tel est, à grands traits, le bilan d’étape que nous pouvons dresser de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Ce bilan me paraît extrêmement positif. Les bénéfices de la loi sont effectivement considérables, à tous égards, et cette réforme répond parfaitement à l’ambition originelle du Président de la République : remettre le service public au service des publics et de la qualité, qui est sa raison d’être et qui est en train de redevenir sa marque de fabrique.