Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 26 octobre 2011 à 14h30
Sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Xavier Bertrand, ministre :

Le projet de loi instaure donc un statut législatif du lanceur d’alerte. En matière d’évaluation, le texte institue un groupement d’intérêt public qui permettra de réaliser des études de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie conjointement entre l’ANSM, la Haute Autorité de santé, la HAS, l’Institut de veille sanitaire, l’INVS, et l’Assurance maladie.

Le texte comporte aussi des mesures sur les dispositifs médicaux visant notamment à encadrer leur publicité, ce qui n’existe pas actuellement.

Le troisième axe de cette réforme consiste à mieux informer les patients et les professionnels de santé, ainsi qu’à mieux former ces derniers.

Il faut une information publique, indépendante et de qualité. C’est la raison pour laquelle nous proposons de créer un portail public du médicament, qui regroupera les informations, à la fois de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, de la Haute Autorité de santé et de l’Assurance maladie.

Pour être bien informé, un professionnel de santé doit avant tout avoir été bien formé, dans son cursus médical mais aussi tout au long de sa vie de praticien.

L’absence de liens directs entre les professionnels de santé et les industriels dans le cadre de la formation permettra d’éviter toute suspicion.

Le taux de la contribution sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique passera donc de 1 % à 1, 6 % pour un rendement supplémentaire de 150 millions d’euros, qui sera affecté au financement de la formation médicale continue de tous les médecins, hospitaliers et libéraux.

Je tiens également à revenir sur le contrôle de la publicité auprès des professionnels et la visite médicale.

Le rapport de l’IGAS concluait à la suppression de toute visite médicale, préconisation à laquelle beaucoup ont applaudi. Pour ma part, j’ai proposé de procéder par étape et d’instaurer un contrôle du contenu de la formation et des informations. J’ai notamment indiqué qu’il fallait mettre en place une visite médicale collective à l’hôpital. D’aucuns prétendent que j’ai voulu aller trop loin. Il faut savoir si l’on veut vraiment changer la situation ! Pour ma part, je considère que c’est nécessaire.

Je sais pertinemment que les visiteurs médicaux ont toujours appliqué les consignes qui leur ont été données par les firmes. C’est pourquoi la visite médicale, telle qu’elle existe, doit évoluer. Aujourd’hui, nous avons besoin d’y voir clair. L’Assemblée nationale a adopté des amendements qui restreignent le champ de la réforme. L’information apportée aux prescripteurs par le biais de la publicité des entreprises pharmaceutiques doit être irréprochable. C’est pourquoi un contrôle a priori et non plus a posteriori des publications sera mis en place. Nous devrons également veiller à ne pas empêcher la promotion en ajoutant des délais administratifs sans pareil.

Enfin, j’évoquerai le pilotage de la politique du médicament.

Je sais ce que beaucoup ont pensé : comment se fait-il qu’en trente-trois ans autant de ministres se soient succédé et qu’aucun d’entre eux n’ait été informé de la dangerosité du Mediator ? À mon sens, après le scandale du sang contaminé, une attitude politique a consisté à s’en remettre davantage à l’expertise. Ce phénomène n’a pas été propre à notre pays, il a aussi été anglo-saxon et s’est par exemple particulièrement développé dans les pays scandinaves. En définitive, on a accordé une place très importante à l’expertise. Mais, lorsque les politiques affirment qu’ils n’étaient pas au courant, personne ne les croit, personne ne trouve cela normal.

Aujourd’hui, il faut faire en sorte que les informations remontent jusqu’au ministère. La responsabilité publique, la responsabilité politique d’un ministre ne se partage pas, pas plus qu’elle ne se délègue.

C’est pourquoi je souhaite la création d’un comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire : il se réunira chaque semaine en comité opérationnel avec un représentant du ministre – non du ministère – et en comité stratégique tous les trimestres sous la présidence du ministre lui-même. Seront notamment passés en revue tous les médicaments qui sont sous surveillance, à charge pour le ministre de déterminer comment il compte assumer ses responsabilités et les exercer sur ces sujets, de façon que jamais il ne puisse dire à propos d’un médicament placé sous surveillance : « Je n’étais pas au courant ! »

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, il s’agit d’une réforme d’ampleur. Elle a fait couler beaucoup d’encre, mais nombreux sont celles et ceux qui, aujourd’hui, reconnaissent qu’il y aura un avant et un après Mediator. Je sais d’expérience que voter un texte aussi ambitieux que celui-ci ne suffit pas : nous devons veiller à sa mise en œuvre effective et rapide. Je vous ai soumis mon souhait que cette réforme fasse l’objet d’une évaluation complète. Dans ce débat, je serai ouvert à toutes vos propositions, ainsi que je l’ai été à l’Assemblée nationale.

Sur un tel sujet, lorsque l’on est capable de s’éloigner des réflexes partisans, les Français sont sans doute plus enclins à nous faire confiance. Les sujets de mésentente sont si nombreux que, lorsque nous trouvons un accord, nos concitoyens peuvent en tirer la conclusion suivante : la politique du médicament n’est ni droite ni de gauche, elle veille avant tout à nous protéger. Je suis sûr que nos débats seront constructifs : nous pourrons ainsi faire la preuve que la santé et la sécurité sanitaire sont l’affaire de tous.

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