Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comment ne pas souligner la fébrilité, voire la fièvre qui a accompagné la conception, puis la naissance de ce projet de loi ?
Tout le monde en convient sur ces travées, ce texte était très impatiemment attendu après les affaires qui ont jeté discrédit et suspicion sur le médicament à usage humain.
Au cours du premier semestre, pas moins de sept rapports ont été rendus par des instances dont l’autorité est reconnue, dans le but de démêler les fils de dispositifs où s’entrechoquent intérêts des patients, intérêts des professionnels de santé, intérêts commerciaux et industriels, avec leur cortège de contradictions, dans un contexte global de dilution des responsabilités.
Dès lors, comment ne pas se féliciter de ce projet de loi ? Certes, notre excellent rapporteur, Bernard Cazeau, l’a souligné, il est un peu tardif, mais, malgré ses imperfections ou insuffisances, il apporte une véritable amélioration au système que nous connaissons aujourd’hui.
À ce titre, il est tout à fait symbolique que le titre Ier traite des liens d’intérêts et fixe un corpus commun de règles déontologiques, tirant ainsi la leçon des expériences malheureuses vécues récemment. Ces dispositions s’inscrivent délibérément dans la prévention des liens d’intérêts et viendront protéger, contre eux-mêmes, les multiples opérateurs sous tutelle des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
Dans le même esprit, obligation est faite à l’industriel pharmaceutique de déclarer les conventions conclues avec les acteurs des produits de santé et les avantages en découlant. Cette mesure, qui conforte le rôle et la place du Conseil national de l’ordre des médecins, mériterait toutefois d’être élargie pour rendre obligatoire la transmission de toutes les conventions, et pas uniquement celles qui relèvent de l’article L. 4113-6 du code de la santé publique, aux ordres professionnels afin de faciliter, en toute transparence, la vérification de ces conventions et la publicité des avis rendus.
Le titre II, relatif à la gouvernance des produits de santé, tire, lui aussi, la leçon des liens trop distendus qui existaient entre l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et son ministère de tutelle.
Je veux espérer – je suis confiante – que la nouvelle Agence française de sécurité des produits de santé, avec son conseil d’administration recomposé, saura être cette instance de veille, d’expertise et de conseil qui, parce qu’elle sera entendue, mais aussi écoutée du ministre de la santé, assumera pleinement le rôle et la responsabilité accrus qui lui sont désormais confiés.
Le titre III, relatif au médicament à usage humain, est au cœur des préoccupations de tous les acteurs, patients ou professionnels de santé.
Je rappellerai brièvement quatre des particularités de la France en matière de médicaments : la surconsommation générale en dépit des campagnes qui se multiplient pour en freiner l’usage – je pense notamment aux antibiotiques –, le poids de la visite médicale et des dépenses promotionnelles de l’industrie pharmaceutique, la pratique très répandue des prescriptions hors autorisation de mise sur le marché – leur part pourrait aller jusqu’à 20 % du nombre total de prescriptions –, une sous-notification des effets indésirables liés à un produit de santé.
Sur chacun de ces points, M. le rapporteur a été particulièrement vigilant et s’est attaché à avaliser ou à introduire des dispositions équilibrées, protectrices des uns comme des autres.
Je citerai, à titre d’exemple, l’article 11 relatif aux conditions d’une prescription hors autorisation de mise sur le marché, qui garantit, sans l’alourdir, les modalités d’information du patient sur les conditions de remboursement du médicament.
Je soulignerai encore les améliorations apportées au texte en matière d’autorisations temporaires d’utilisation. Si les ATU constituent un facteur évident d’innovation, elles nécessitent une particulière vigilance avant la mise sur le marché des produits concernés.
La place donnée à la pharmacovigilance et à l’obligation faite aux industriels pharmaceutiques, autant qu’aux médecins et aux professionnels de santé, de dénoncer sans délai tout effet indésirable d’un médicament auprès de l’Agence, est une mesure de bonne gestion, tout à fait opportune, dès lors qu’elle s’accompagne de la protection corrélative des personnes ayant signalé, de bonne foi, ledit effet indésirable.
Si, dans son ensemble, ce texte a bien cherché à répondre à des problématiques dont chacun, ici, mesure la complexité, il n’en reste pas moins que plusieurs points mériteraient encore d’être approfondis. J’en mentionnerai trois.
Sur la visite médicale, nous sommes nombreux à avoir été alertés sur la proposition visant à rendre l’information collective, alors qu’elle était jusqu’à présent délivrée individuellement par démarchage ou par le biais de la prospection pour certains produits de santé. Si je fais abstraction du problème économique et humain qu’entraînera cette mesure, avec la disparition corrélative d’emplois de visiteurs médicaux, je ne peux manquer, en revanche, de m’interroger sur l’efficacité de l’information collective. En effet, pour connaître, comme nombre de mes collègues, le monde des praticiens hospitaliers et libéraux, il me semble qu’elle sera délivrée dans des conditions quelque peu aléatoires.
Dès lors, il me paraît sage d’avoir conféré à cette disposition un caractère expérimental, pour une durée maximale de deux ans.
L’éternel problème budgétaire constitue, me semble-t-il, une autre difficulté qui pourrait survenir lors de l’application de ce texte. Les moyens alloués aux instances de contrôle – Direction générale de la santé, agences régionales de santé – seront-ils à la hauteur des ambitions ? Quels renforts attendre et selon quel calendrier ?
Je pense que nous devons également faire preuve de vigilance sur les dispositifs médicaux eux-mêmes. Si la pharmacovigilance est clairement institutionnalisée, le projet de loi me paraît bien silencieux sur la « matériovigilance ». Pourtant, ne serait-il pas temps de s’interroger sur l’utilisation de certains matériels et sur les habilitations à leur accorder après avoir vérifié, par exemple, leurs effets en matière d’irradiation ou de développement de tumeurs ? L’hôpital Purpan de Toulouse a connu en la matière quelques mauvaises expériences que nous n’avons pas le droit de méconnaître.
Monsieur le ministre, en dépit de quelques insuffisances dont nous sommes sûrs que vous accepterez qu’elles soient comblées, ce texte répond de façon satisfaisante à une attente forte. C’est pourquoi, mon collègue Gilbert Barbier le dira mieux que moi, les membres de mon groupe, confiants dans les améliorations proposées et à condition qu’elles soient adoptées, voteront ce projet de loi.